Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier des Pyrénées à lui verser une somme de 656,13 euros au titre de la prime de service pour l'année 2013. Par un jugement n° 1800842 du 29 mai 2019, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier à lui verser une somme de 49,50 euros et rejeté le surplus de sa demande.
Par un arrêt n° 21BX02240 du 18 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir admis l'intervention de la Fédération CGT Santé et action sociale, a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 19 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : le non versement d'une prime à une femme placée en congé de maladie à raison d'un état pathologique exclusivement lié à sa grossesse doit-il être considéré comme un " traitement moins favorable d'une femme lié à la grossesse " au sens de l'article 2 de la directive 2006/54/CE, constitutif, en tant que tel, d'une discrimination '
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier des Pyrénées la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 ;
- la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 ;
- l'arrêt n° C-191/03 du 8 septembre 2005 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- l'arrêté du 24 mars 1967 modifiant les conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme B... et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier des Pyrénées.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., cadre de santé au centre hospitalier des Pyrénées, a été, avant la date de son accouchement le 15 juin 2013, placée en arrêt maladie du 17 mars au 1er juin 2013, puis en congé pathologique prénatal du 2 juin au 15 juin 2013. Elle a demandé à son employeur de lui verser la somme de 656,13 euros qu'elle estime avoir été retenue indûment sur sa prime de service au titre de l'année 2013 pendant la période de congé correspondant à son arrêt maladie dès lors que cet arrêt maladie avait été mentionné par le médecin traitant comme étant en lien avec sa grossesse. Sa demande ayant été rejetée, elle a saisi le tribunal administratif de Pau qui, par un jugement du 29 mai 2019, n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de 49,50 euros. Elle demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de l'arrêté interministériel du 24 mars 1967 modifiant les conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics : " Dans les établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics dont la gestion économique et financière est retracée dans les comptes d'exploitation prévus au plan comptable et dont les recettes sont définies par la fixation de prix de journées remboursables par les régimes de sécurité sociale ou par l'aide sociale, les personnels titulaire et stagiaire ainsi que les agents des services hospitaliers recrutés à titre contractuel peuvent recevoir des primes de services liées à l'accroissement de la productivité de leur travail dans les conditions prévues au présent arrêté ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " La prime de service ne peut être attribuée au titre d'une année qu'aux agents ayant obtenu pour l'année considérée une note au moins égale à 12,5. (...) / Pour tenir compte des sujétions journalières réelles, toute journée d'absence entraîne un abattement d'un cent quarantième du montant de la prime individuelle. Toutefois, n'entraînent pas abattement les absences résultant : / (...) / d'un congé de maternité. (...) ". Mme B... soutient, à l'appui de son pourvoi, que la cour administrative d'appel a méconnu le principe d'interdiction de toute discrimination salariale entre les hommes et les femmes et commis une erreur de droit en interprétant l'arrêté du 24 mars 1967 comme limitant le maintien de la prime de service au seul congé de maternité et en traitant de la même façon les personnes placées en congé de maladie, sans distinguer selon qu'elles sont ou non enceintes.
3. D'une part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / 5° Au congé pour maternité ou pour adoption, avec traitement, d'une durée égale à celle prévue par la législation sur la sécurité sociale. (...) ".
4. D'autre part, l'article 2 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail prévoit que constitue une discrimination : " (...) / c) tout traitement moins favorable d'une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive 92/85/CEE ". L'article 14 paragraphe 1 pose le principe de l'interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne : " (...) / c) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit l'article 141 du traité ". Le 3° de l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, transposant cette directive, dispose que : " Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité ".
5. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l'article 3 de l'arrêté de 1967 ne sauraient être interprétées comme prévoyant le maintien de la prime de service durant les périodes d'absence pour congé de maladie lié à la grossesse. La notion de congé de maternité au sens des dispositions applicables aux agents hospitaliers, prévues par le 5° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, renvoie en effet aux dispositions du code de la sécurité sociale, dont l'article L. 331-3 définit la durée de ce congé. Si ce renvoi général permet, notamment par référence aux durées équivalentes prévues par le code du travail, d'augmenter la période du congé maternité en particulier dans la limite d'une durée maximale de deux semaines avant la date présumée de l'accouchement lorsqu'un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l'accouchement, les auteurs de l'arrêté n'ont pas entendu retenir une définition autonome du congé de maternité. Il résulte dès lors des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 24 mars 1967, citées au point 2, que si les agents qui, au titre d'une année considérée, bénéficient de la prime de service instituée par cet arrêté interministériel, ne sont pas privés du versement de la totalité de la prime de service alors même qu'ils sont placés en congé maladie, compte tenu des modalités d'abattement d'un cent quarantième de la prime de service ainsi prévues, d'une part, tout agent placé en congé maladie se voit appliquer le même abattement et, d'autre part, parmi les absences liées à des congés n'entraînant pas l'abattement, l'arrêté permet de prendre en compte, au titre du congé de maternité, les états pathologiques liés à la grossesse dans la limite légale de deux semaines avant la date présumée de l'accouchement, mais pas les congés de maladie liés à l'état de grossesse.
6. En second lieu, si la requérante soutient que l'absence de distinction faite entre les personnes placées en congé de maladie selon qu'elles sont, ou non, en état de grossesse, alors pourtant que cette différence de situation est pertinente pour l'appréciation de l'existence d'une discrimination liée au sexe, devrait s'analyser, au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, comme une discrimination, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt C-191/03 du 8 septembre 2005 North Western Health Board c/ Margaret MacKenna, a dit pour droit que : " 1) Un régime de congé de maladie qui traite de manière identique les travailleurs féminins souffrant d'une maladie liée à une grossesse et les autres travailleurs atteints d'une maladie étrangère à un état de grossesse relève du champ d'application de l'article 141 CE et de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins. / 2) L'article 141 CE et la directive 75/117 doivent être interprétés en ce sens que ne constituent pas des discriminations fondées sur le sexe : une règle d'un régime de congé maladie qui prévoit, à l'égard des travailleurs féminins absents antérieurement à un congé de maternité en raison d'une maladie liée à leur état de grossesse, comme à l'égard des travailleurs masculins absents par suite de toute autre maladie, une réduction de la rémunération, lorsque l'absence excède une certaine durée, à condition que, d'une part, le travailleur féminin soit traité de la même façon qu'un travailleur masculin absent pour cause de maladie et que, d'autre part, le montant des prestations versées ne soit pas minime au point de mettre en cause l'objectif de protection des travailleuses enceintes ".
7. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir, s'agissant du régime des congés de maladie, que les dispositions, citées au point 2, du deuxième alinéa de l'article 3 de l'arrêté du 24 mars 1967 introduisent, au regard des dispositions citées au point 3, une discrimination entre, d'un côté, les femmes enceintes, et, de l'autre, les hommes ou les femmes qui ne sont pas enceintes. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que ces dispositions seraient constitutives d'une discrimination directe ou indirecte en raison de la grossesse ou de la maternité.
8. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en s'abstenant d'assimiler, pour leur application, les congés de maladie en lien avec la grossesse avec le congé de maternité au sens de cet article, pas davantage qu'en ne regardant pas comme illégales les dispositions en litige, et à demander, pour ces motifs, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du centre hospitalier des Pyrénées qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros à verser au centre hospitalier des Pyrénées au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier des Pyrénées présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au centre hospitalier des Pyrénées.
Copie en sera adressée au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 7 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Alain Seban
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire