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07/06/2023 | FRANCE | N°442679

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 07 juin 2023, 442679


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2018 par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a refusé de l'autoriser à se présenter aux épreuves orales de l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales. Par un jugement n° 1801634 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint au ministre des solidarités et de la santé

d'admettre Mme B... à se présenter à ces épreuves.

Par un arrêt n° 18B...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2018 par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a refusé de l'autoriser à se présenter aux épreuves orales de l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales. Par un jugement n° 1801634 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint au ministre des solidarités et de la santé d'admettre Mme B... à se présenter à ces épreuves.

Par un arrêt n° 18BX04254, 18BX04274 du 16 juin 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel du ministre des solidarités et de la santé, annulé le jugement du 21 novembre 2018 et rejeté les conclusions de Mme B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 12 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre des solidarités et de la santé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;

- le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 ;

- le décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 ;

- le décret n° 2012-483 du 13 avril 2012 ;

- le décret n° 2017-1076 du 24 mai 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., adjoint administratif principal des administrations de l'Etat, alors affectée à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de la Corrèze, a été déclarée admissible à l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales au titre de la session 2018. Toutefois, par une décision du 28 septembre 2018, le bureau de recrutement des ministères chargés des affaires sociales, placé sous l'autorité de la ministre des solidarités et de la santé, lui a indiqué que, " n'étant ni gérée ni payée par les ministère sociaux ", elle ne remplissait pas les conditions pour se présenter à cet examen professionnel et a refusé de l'autoriser à se présenter aux épreuves orales. Par un jugement du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé cette décision et enjoint au ministre des solidarités et de la santé d'autoriser Mme B... à se présenter aux épreuves orales de l'examen. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 juin 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel du ministre des solidarités et de la santé, annulé ce jugement et rejeté la demande.

Sur le pourvoi :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 13 avril 2012 portant statut particulier du corps des secrétaires administratifs relevant des ministres chargés des affaires sociales : " I. ' Le recrutement au choix dans le grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales intervient : (...) / 2° Après sélection par voie d'un examen professionnel ouvert aux adjoints administratifs et aux adjoints techniques régis par les décrets n° 2006-1760 et n° 2006-1761 du 23 décembre 2006 susvisés et relevant des ministres chargés des affaires sociales ou affectés dans les services relevant de ces ministres et justifiant, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle est organisé l'examen, d'au moins sept années de services publics ".

3. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles, dans sa version applicable au litige : " Les directions départementales interministérielles sont des services déconcentrés de l'Etat relevant du Premier ministre, placés sous l'autorité du préfet de département ". En vertu du I de son article 4, la direction départementale de la cohésion sociale est compétente en matière de politiques de cohésion sociale et de politiques relatives à la jeunesse, aux sports, à la vie associative et à l'éducation populaire. Aux termes de l'article 6 du décret : " Dans les départements où elle est créée, la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations est chargée des missions définies aux articles 4 et 5, à l'exception de la mise en œuvre des politiques relatives aux fonctions sociales du logement lorsque celle-ci est confiée à la direction départementale des territoires ". Enfin, aux termes de l'article 10 du décret : " I. ' Les fonctionnaires affectés dans les directions départementales interministérielles sont régis par les dispositions statutaires applicables au corps auquel ils appartiennent. / II. ' Les actes relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires et des agents non titulaires exerçant leurs fonctions dans les directions départementales interministérielles peuvent être délégués aux préfets de département par arrêté conjoint du Premier ministre et des ministres intéressés, à l'exception de ceux qui sont soumis à l'avis préalable de la commission administrative paritaire compétente ".

4. Ni les dispositions, rappelées au point 3, de l'article 1er du décret du 3 décembre 2009 en vertu desquelles les directions départementales interministérielles (DDI) sont des services déconcentrés de l'Etat relevant du Premier ministre - et, depuis un décret du 9 décembre 2020, du ministre de l'intérieur -, placés sous l'autorité du préfet de département, ni celles, également rappelées au point 3, de l'article 10 du même décret relatives à la situation statutaire des agents et aux actes relatifs à leur situation individuelle, lorsqu'ils exercent dans une DDI, ne font par elles-mêmes obstacle à ce qu'un agent affecté au sein d'une direction départementale de la cohésion sociale, au sein d'un service de cette direction dont les missions concourent à la politique préparée et mise en œuvre par les ministres chargés des affaires sociales, puisse être regardé, au sens et pour l'application des dispositions du 2° de l'article 2 du décret du 13 avril 2012 citées au point 2, qui tendent à travers l'examen professionnel à apprécier les qualifications requises pour l'exercice des fonctions confiées à un ou une secrétaire administratif de classe normale au sein des ministères sociaux, comme affecté dans un service relevant des ministres chargés des affaires sociales.

5. Il résulte de ce qui précède qu'en se fondant sur les seules circonstances, d'une part, que la rémunération et la gestion de carrière de Mme B..., agent du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, étaient assurées par ce ministère et, d'autre part, que les directions départementales interministérielles relevaient du Premier ministre, pour juger que l'intéressée ne pouvait être regardée comme " affectée dans un service relevant des ministres chargés des affaires sociales " au sens et pour l'application du 2° de l'article 2 du décret du 13 avril 2012, pour en déduire que la ministre des solidarités et de la santé avait pu légalement considérer qu'elle ne remplissait pas les conditions pour se présenter aux épreuves orales d'admission de l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une erreur de droit qui justifie, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, d'en prononcer l'annulation.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

7. En vertu des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable, les lettres portant notification de l'ordonnance de clôture de l'instruction sont envoyées aux parties quinze jours au moins avant la date fixée par l'ordonnance. La méconnaissance par le tribunal administratif de ces dispositions a pour effet, non d'entacher le jugement rendu à la suite de cette ordonnance d'un vice de nature à en entraîner l'annulation, mais seulement de rendre l'ordonnance de clôture de l'instruction inopposable aux parties. En l'espèce, si la ministre des solidarités et de la santé fait valoir que l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction devant le tribunal administratif de Limoges au 12 novembre 2018 lui a été adressée moins de quinze jours avant cette date, elle ne soutient pas que le tribunal lui aurait opposé l'effet de cette clôture. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

8. Aux termes du I de l'article 4 du décret du 3 décembre 2009 mentionné au point 3 : " La direction départementale de la cohésion sociale est compétente en matière de politiques de cohésion sociale et de politiques relatives à la jeunesse, aux sports, à la vie associative et à l'éducation populaire. / A ce titre, elle met en œuvre dans le département les politiques relatives : / 1° A la prévention et à la lutte contre les exclusions, à la protection des personnes vulnérables, à l'insertion sociale des personnes handicapées, aux actions sociales de la politique de la ville, aux fonctions sociales du logement, à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité des chances ; / (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, depuis 2010, Mme B... est affectée au sein de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Corrèze. Les missions du service dans lequel elle exerce ses activités mettent en œuvre les politiques de cohésion sociale et relèvent fonctionnellement de celles assurées par le ministre des affaires sociales. Mme B... doit dès lors être regardée comme affectée dans un service relevant des ministres chargés des affaires sociales au sens et pour l'application des dispositions du 2° de l'article 2 du décret du 13 avril 2012 citées au point 2.

10. Il résulte de ce qui précède que la ministre des solidarités et de la santé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2018 par laquelle Mme B... n'a pas été admise à se présenter aux épreuves orales d'admission de l'examen professionnel ouvert pour l'accès au grade de secrétaire administratif de classe normale relevant des ministres chargés des affaires sociales.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 16 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Le recours de la ministre des solidarités et de la santé est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 4 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., au ministre de la santé et de la prévention et à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 7 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 442679
Date de la décision : 07/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2023, n° 442679
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:442679.20230607
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