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02/06/2023 | FRANCE | N°460895

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 02 juin 2023, 460895


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 janvier et 5 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le 2° de l'article 1er et l'article 2 du décret n° 2021-1779 du 23 décembre 2021 relatif à diverses dispositions cynégétiques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :



- la Constitution ;

- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 janvier et 5 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le 2° de l'article 1er et l'article 2 du décret n° 2021-1779 du 23 décembre 2021 relatif à diverses dispositions cynégétiques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, faite à Aarhus le 25 juin 1998 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association One Voice ;

Considérant ce qui suit :

1. Le décret du 23 décembre 2021 relatif à diverses dispositions cynégétiques modifie en premier lieu, par le 2° de son article 1er, l'article R. 424-6 du code de l'environnement, qui prévoit désormais que l'arrêté préfectoral annuel relatif aux dates d'ouverture de la chasse à tir est publié " au moins sept jours avant la date de sa prise d'effet ", tandis que les dispositions antérieures prévoyaient pour ce faire un délai d'au moins vingt jours. En second lieu, l'article 2 du même décret, qui modifie l'article R. 425-2 du même code, a pour effet de fixer un délai de sept jours entre la publication de l'arrêté préfectoral fixant le nombre d'animaux à prélever pour les espèces soumises à plan de chasse et sa prise d'effet, tandis que les dispositions antérieures prévoyaient pour ce faire un délai d'un mois avant le début de chaque campagne cynégétique, qui était ramené à trois semaines pour le plan de chasse relatif au sanglier et dans les départements autres que le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle. La réduction de ces délais a pour objet, selon les mentions figurant dans la notice explicative du décret, de prendre en compte le délai supplémentaire d'au moins 21 jours qui s'impose désormais aux préfets avant l'édiction de leurs arrêtés, en raison de l'obligation de soumettre ces arrêtés préfectoraux à une consultation publique. L'association One Voice demande l'annulation pour excès de pouvoir du 2° de l'article 1er et de l'article 2 de ce décret.

Sur la légalité externe du décret attaqué

2. Aux termes de l'article R. 133-8 du code des relations entre le public et l'administration, lequel régit le fonctionnement des commissions administrative à caractère consultatif comme le conseil national de la chasse et de la faune sauvage : " Sauf urgence, les membres de la commission reçoivent, cinq jours au moins avant la date de la réunion, une convocation comportant l'ordre du jour et, le cas échéant, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites ". En premier lieu, si l'association requérante soutient que le conseil national de la chasse et de la faune sauvage aurait été convoqué de manière irrégulière, il ressort des pièces du dossier que la convocation a été adressée cinq jours avant la séance et qu'elle était accompagnée des pièces nécessaires à l'examen du texte. Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation n'est donc pas fondé.

3. En second lieu, l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. Aux termes de cet article : " Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif ". Il résulte de cette disposition que le législateur a entendu ne soumettre à une procédure de participation du public, s'agissant des décisions réglementaires de l'Etat, que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l'environnement.

4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, les dispositions contestées du décret attaqué ont pour objet de réduire à sept jours le délai, courant à compter de la date de publication de l'arrêté préfectoral, à partir duquel, d'une part, la chasse à tir est ouverte, et, d'autre part, la campagne cynégétique débute, mais ne modifient ni les dates d'ouverture, la durée ou les modalités de la chasse, ni le nombre ou les espèces d'animaux susceptibles d'être chassés. Il n'a, dès lors, pas une incidence directe et significative sur l'environnement et n'entre pas, par voie de conséquence, dans le champ d'application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement.

Sur la légalité interne du décret attaqué

5. En premier lieu, les dispositions contestées du décret attaqué sont par elles-mêmes sans effet sur la possibilité ouverte aux tiers de former un recours contre les arrêtés préfectoraux en cause, notamment par le biais d'un recours en référé. Il ne saurait par suite être considéré comme méconnaissant le droit au recours, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les stipulations des paragraphes 3 et 4 de l'article 9 de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage. (...) / II. - Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : (...) / 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ". Ainsi qu'il a été dit au point 4, le décret attaqué n'a pas d'incidence significative sur l'environnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non régression ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association One Voice doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association One Voice est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association One Voice, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 2 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 460895
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2023, n° 460895
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460895.20230602
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