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02/06/2023 | FRANCE | N°451945

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 02 juin 2023, 451945


Vu la procédure suivante :

L'association de défense du Val de Dronne et de la Double, M. et Mme B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 juillet 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a, d'une part, retiré son précédent arrêté du 18 janvier 2017 portant refus de permis de construire et, d'autre part, délivré à la société Ferme éolienne des Grands Clos deux permis de construire pour la réalisation de cinq éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de St-Aulaye

-Puymangou et de Parcoul-Chenaud, ainsi que la décision du préfet rejetan...

Vu la procédure suivante :

L'association de défense du Val de Dronne et de la Double, M. et Mme B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 juillet 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a, d'une part, retiré son précédent arrêté du 18 janvier 2017 portant refus de permis de construire et, d'autre part, délivré à la société Ferme éolienne des Grands Clos deux permis de construire pour la réalisation de cinq éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de St-Aulaye-Puymangou et de Parcoul-Chenaud, ainsi que la décision du préfet rejetant implicitement le recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 13 juillet 2017. Par un jugement n° 1702908, 1800134 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté en tant qu'il retirait l'arrêté du 18 janvier 2017 portant refus de permis de construire ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé par les requérants contre cet arrêté et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Par un arrêt n° 19BX00648 du 23 février 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par l'association de défense du Val de Dronne et de la Double et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 avril 2021, 13 juillet 2021, 29 avril et 26 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association de défense du val de Dronne et de la Double et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne des Grands Clos la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le décret n° 2020-1046 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association de défense du Val de Dronne et de la Double et autres et à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Ferme éolienne des Grands Clos ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 18 janvier 2017, le préfet de la Dordogne a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne des Grands Clos le permis de construire qu'elle avait sollicité pour la réalisation d'un parc de cinq éoliennes et d'un poste de livraison, sur le territoire des communes de St-Aulaye-Puymangou et de Parcoul-Chenaud. Par un arrêté du 13 juillet 2017, le préfet de la Dordogne a retiré son arrêté du 18 janvier 2017 et délivré à la société deux permis de construire pour la réalisation de ces cinq éoliennes et d'un poste de livraison. Par un jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par l'association de défense du val de Dronne et de la Double et autres, a annulé l'arrêté du préfet du 13 juillet 2017, en tant seulement qu'il retirait l'arrêté du 18 janvier 2017, mais a rejeté le surplus des conclusions des parties, ne remettant donc pas en cause les permis délivrés le 13 juillet 2017. Par un arrêt du 23 février 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel de l'association de défense du val de Dronne et de la Double et autres contre ce jugement.

En ce qui concerne la régularité de l'arrêt :

2. Si l'article R. 741-7 du code de justice administrative prévoit que : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ", l'article 1er du décret du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif dispose que : " Jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020 susvisé, prorogé dans les conditions prévues par l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, il peut être dérogé aux dispositions réglementaires applicables aux juridictions administratives dans les conditions prévues par les articles 2 à 7 " et son article 5 que : " Par dérogation aux articles R. 741-7 à R. 741-9 du code de justice administrative, la minute de la décision peut être signée uniquement par le président de la formation de jugement ". Il suit de là que le moyen tiré de ce que la minute de l'arrêt attaqué, intervenu pendant l'état d'urgence sanitaire, ne comporterait pas la signature du rapporteur et du greffier ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité externe du permis de construire :

3. En premier lieu, l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme impose, pour les projets portant sur une construction susceptible de constituer un obstacle à la navigation aérienne, l'accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette autorisation a été donnée par le chef du département sud-ouest de la Direction générale à l'aviation civile, qui avait reçu à cette fin une délégation du ministre, portant sur " tous actes, arrêtés, décisions (...) dans la limite de ses attributions ", et publiée au Journal officiel le 10 février 2016. C'est, dès lors, sans dénaturation des pièces du dossier ni erreur de droit que la cour a écarté le moyen tiré de ce que l'avis prévu à l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme aurait été formulé par une autorité incompétente.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement : " (...) le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public (...) ". Aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : / 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 à l'exception : / (...) des projets de caractère temporaire ou de faible importance dont la liste est établie par décret en Conseil d'Etat ; / des demandes de permis de construire et de permis d'aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d'aménagement donnant lieu à la réalisation d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. Les dossiers de demande pour ces permis font l'objet d'une procédure de participation du public par voie électronique selon les modalités prévues à l'article L. 123-19 (...) ". Il résulte de ces dispositions que les permis de construire sont au nombre des catégories de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public, et ne sont donc pas soumis aux dispositions de l'article L. 123-19-2. Par suite, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé que le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prévues par l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ne pouvait être utilement soulevé à l'encontre des permis de construire.

5. En troisième lieu, aux termes du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " (...) pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée ". Aux termes de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme : " Dans le cas d'un projet éolien soumis à permis de construire, l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet ".

6. D'une part, il était loisible au pouvoir réglementaire, dans le cadre du pouvoir d'exécution des lois qui lui est reconnu par l'article 21 de la Constitution, d'adopter des mesures précisant les modalités d'application de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010. Les dispositions de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme, issu du décret du 12 janvier 2012 relatif aux installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable, se contentent de préciser les termes de la loi et notamment la notion de " périmètre du projet ". Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cette disposition doit être écarté.

7. D'autre part, s'il est exact, comme le soutient le pourvoi, qu'en l'absence de disposition donnant compétence au maire, c'est au conseil municipal qu'il revient de formuler l'avis de la commune ainsi exigé, les communes de Saint-Aulnaye-Puymangou et de Parcoul-Chenaud ne peuvent être considérées comme étant " limitrophes " du périmètre du projet, au sens de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 cité au point 5, puisque c'est à cheval sur leurs deux territoires que celui-ci va être installé. Dès lors, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010.

En ce qui concerne la légalité interne du permis de construire :

8. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". En estimant que dès lors que le projet devait respecter les préconisations figurant dans l'avis du service départemental d'incendie et de secours, tendant notamment à procéder à un débroussaillement sur un rayon de 50 mètres autour des machines et à la mise en place de quatre citernes supplémentaires à moins de 400m du projet, le préfet ne pouvait être considéré comme ayant méconnu l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en délivrant le permis contesté, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier.

9. Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement (...) ". Si les requérants soutenaient que les permis contestés auraient dû, en application de ces dispositions, être assortis de prescriptions complémentaires eu égard aux conséquences du projet pour les chiroptères et l'avifaune, la cour a estimé que le positionnement des éoliennes à 50 mètres des lisières boisées, les mesures de bridage prévues dans la demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats, ainsi que les mesures prévues par le pétitionnaire, comme l'évitement des couloirs de migration et des sites de nidification et de stationnement, les distances avec les lignes électriques ou le choix d'une implantation parallèle aux axes de migration, permettaient au préfet de délivrer le permis sans prescription complémentaire. En se prononçant ainsi, la cour, qui a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de droit.

10. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet au regard de ces dispositions, la cour a notamment relevé que si le site d'implantation n'est pas dépourvu d'intérêt paysager, il ressortait des pièces du dossier que la visibilité du parc éolien serait modérée depuis les monuments historiques et que, pour les lieux depuis lesquels les éoliennes seraient plus visibles, cette visibilité ne serait pas susceptible de dénaturer la perception du paysage, eu égard à la présence d'autres éléments artificiels, tels que les axes routiers, un château d'eau et des pylônes électriques. En se prononçant ainsi, la cour a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de l'association de défense du Val de Dronne et de la Double et autres doit être rejeté.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association de défense du Val de Dronne et de la Double et autres la somme de 3 000 euros à verser à la société Ferme éolienne des Grands Clos, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Ferme éolienne des Grands Clos qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'association de défense du Val de Dronne et de la Double et autres est rejeté.

Article 2 : L'association de défense du Val de Dronne et de la Double et autres verseront à la société Ferme éolienne des Grands Clos une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association de défense du Val de Dronne et de la Double et autres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association de défense du Val de Dronne et de la Double, première dénommée pour l'ensemble des requérants, à la société Ferme éolienne des Grands Clos, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 2 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451945
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2023, n° 451945
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:451945.20230602
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