Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2022 et 19 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 18 octobre 2022 par lequel la Première ministre a accordé son extradition aux autorités américaines ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique signé le 23 avril 1996 ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par le décret attaqué, la Première ministre a accordé aux autorités américaines l'extradition de M. A..., de nationalité nigériane, aux fins de poursuites fondées sur un mandat d'arrêt en date du 4 octobre 2018 délivré par le tribunal fédéral du district sud du Texas pour des faits qualifiés de complot en vue de commettre de la fraude par voie électronique, complot en vue de blanchiment d'instruments monétaires et dissimulation de blanchiment d'argent.
2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que le décret attaqué a été signé par la Première ministre.
3. En deuxième lieu, d'une part, les dispositions de l'article 696-6 du code de procédure pénale, aux termes desquelles : " Sous réserve des exceptions prévues à l'article 696-34, l'extradition n'est accordée qu'à la condition que la personne extradée ne sera ni poursuivie, ni condamnée pour une infraction autre que celle ayant motivé l'extradition et antérieure à la remise ", qui ont un caractère supplétif en vertu des prescriptions de l'article 696 du même code, ne sont pas applicables à la demande d'extradition formulée contre M. A.... D'autre part, le décret attaqué vise le mandat d'arrêt du 4 octobre 2018 et l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 25 novembre 2020, qui indiquent avec suffisamment de précision les dates ou périodes de commission des faits pour lesquels l'extradition est demandée. Par suite, le moyen tiré de ce que le respect du principe de spécialité, énoncé notamment à l'article 19 du traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis, ne serait pas garanti ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, M. A... soutient qu'il est exposé à être condamné dans l'Etat requérant, à raison des trois infractions qui lui sont reprochées, à exécuter plusieurs peines sans que celles-ci ne soient confondues. La confusion des peines, qui est une faculté prévue par l'article 132-3 du code pénal pour les juridictions répressives françaises, ne constitue toutefois pas une règle d'ordre public applicable au droit de l'extradition.
5. En quatrième lieu, si M. A... soutient qu'en cas d'exécution du décret attaqué, il risque d'être exposé, en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à des traitements inhumains ou dégradants en raison de la peine de réclusion criminelle à perpétuité à laquelle il pourrait de fait être condamné par l'effet du cumul des peines pouvant être prononcées dans l'Etat requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il encourt la peine de réclusion criminelle à perpétuité pour les faits qui lui sont reprochés.
6. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du complément d'information en date du 4 septembre 2019 apporté aux autorités françaises par les autorités américaines, que l'accusé, lorsqu'il conclut dans l'Etat requérant un accord dans le cadre d'une procédure de " plaider coupable ", peut disposer de l'assistance d'un avocat et doit, sous le contrôle du juge, donner son accord de manière volontaire, libre et en parfaite connaissance des effets juridiques qui s'y attachent. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure de plaider coupable dans laquelle il pourrait le cas échant s'engager n'assurerait pas ainsi les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense et serait ainsi contraire à l'ordre public français.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 18 octobre 2022 accordant son extradition aux autorités américaines. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et au garde des Sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Géraud Sajust de Bergues, conseillers d'Etat et M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 1er juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Jérôme Goldenberg
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard