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26/05/2023 | FRANCE | N°469062

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 26 mai 2023, 469062


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 novembre 2022 et le 9 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 2022 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :


- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fon...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 novembre 2022 et le 9 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 2022 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique : " I. Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. / Le conseil est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours. / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. / (....) IV. - Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'expertise. Le rapport d'expertise est déposé au plus tard dans le délai de six semaines à compter de la saisine du conseil. (...). / VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre ".

2. Il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions citées au point 1, le directeur général de l'Agence régionale de santé des Hauts-de-France a saisi la formation restreinte du conseil régional des Hauts-de-France de l'ordre des médecins d'une demande tendant à ce que M. A..., médecin spécialiste, qualifié en médecine générale, soit suspendu du droit d'exercer la médecine en raison d'un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession. Par une décision du 18 octobre 2022, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, à laquelle le conseil régional, qui n'avait pas statué dans le délai de deux mois, avait transmis le dossier, a suspendu M. A... du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

3. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 1 que, dans le cadre des pouvoirs de police que lui confère l'article R. 4124-3 du code de la santé publique, la formation restreinte du Conseil national, qui n'a le caractère, ni d'une juridiction, ni d'un tribunal, au sens du 1er paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prend une décision administrative, de sorte que le requérant ne peut utilement soutenir que les droits de la défense tels que garantis par ces stipulations auraient été méconnus lors de la procédure en cause.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que si le rapport de l'expertise diligentée par l'instance ordinale fait état d'une dépendance à l'alcool de M. A... suivie au plan médical sans conclure à l'incompatibilité de l'état de santé de M. A... avec l'exercice de sa profession, il mentionne également que M. A... est exposé au risque de rechutes, compte tenu d'éléments de fragilité et souligne le caractère incomplet de la prise en charge de son addiction. En estimant, au vu du contenu de ce rapport et de l'ensemble des autres pièces du dossier, que M. A... souffrait d'une dépendance à l'alcool non stabilisée, qui ne faisait pas l'objet d'une prise en charge appropriée, et que, par suite, ce praticien devait être regardé comme présentant, à la date de sa décision, un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession et justifiant une mesure de suspension du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois, le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 1 de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique.

5. Enfin, le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire selon lesquelles " l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice " pour critiquer la légalité de la décision administrative qu'il attaque.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 469062
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2023, n° 469062
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469062.20230526
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