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25/05/2023 | FRANCE | N°461196

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 25 mai 2023, 461196


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois a refusé de lui restituer la chienne dénommée " Crista " dont elle est propriétaire et a confié l'animal à un organisme de protection des animaux et, d'autre part, d'enjoindre au maire de cette commune de la lui restituer. Par un jugement n° 1904291 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de la

demande.

Par un arrêt n° 20VE00577 du 7 décembre 2021, la cour admin...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois a refusé de lui restituer la chienne dénommée " Crista " dont elle est propriétaire et a confié l'animal à un organisme de protection des animaux et, d'autre part, d'enjoindre au maire de cette commune de la lui restituer. Par un jugement n° 1904291 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 20VE00577 du 7 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'injonction.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février, 9 mai 2022 et 13 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aulnay-sous-Bois la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour l'application de l'article 211-1 du code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, faisant l'objet des mesures prévues aux articles 211-1 à 211-5 du même code ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme A... et au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la commune d'Aulnay-sous-Bois.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 février 2019, le maire d'Aulnay-sous-Bois a refusé de restituer à Mme A... la chienne, dénommée Crista, dont elle est propriétaire et a confié l'animal à la fondation de protection des animaux " 30 millions d'amis ". Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 décembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil, après avoir annulé cet arrêté pour insuffisance de motivation, a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Aulnay-sous-Bois de lui restituer sa chienne.

2. Aux termes de l'article 99-1 du code de procédure pénale : " Lorsque, au cours d'une procédure judiciaire ou des contrôles mentionnés à l'article L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime, il a été procédé à la saisie ou au retrait, à quelque titre que ce soit, d'un ou plusieurs animaux vivants, le procureur de la République près le tribunal judiciaire du lieu de l'infraction ou, lorsqu'il est saisi, le juge d'instruction peut placer l'animal dans un lieu de dépôt prévu à cet effet ou le confier à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée. (...) Lorsque, au cours de la procédure judiciaire, la conservation de l'animal saisi ou retiré n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et que l'animal est susceptible de présenter un danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le procureur de la République ou le juge d'instruction lorsqu'il est saisi ordonne la remise de l'animal à l'autorité administrative afin que celle-ci mette en œuvre les mesures prévues au II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime ". Aux termes du II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime : " En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie. / Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l'article L. 211-12, qui est détenu par une personne mentionnée à l'article L. 211-13 ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l'article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé et tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du même article, ou dont le propriétaire ou le détenteur n'est pas titulaire de l'attestation d'aptitude prévue au I de l'article L. 211-13-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-12 du même code : " Les types de chiens susceptibles d'être dangereux faisant l'objet des mesures spécifiques prévues par les articles L. 211-13 (...), sans préjudice des dispositions de l'article L. 211-11, sont répartis en deux catégories : / 1° Première catégorie : les chiens d'attaque ; / 2° Deuxième catégorie : les chiens de garde et de défense. / Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'agriculture établit la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-13 du même code : " Ne peuvent détenir les chiens mentionnés à l'article L. 211-12 : / 1° Les personnes âgées de moins de dix-huit ans ; / 2° Les majeurs en tutelle à moins qu'ils n'y aient été autorisés par le juge des tutelles ; / 3° Les personnes condamnées pour crime ou à une peine d'emprisonnement avec ou sans sursis pour délit inscrit au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent ; / 4° Les personnes auxquelles la propriété ou la garde d'un chien a été retirée en application de l'article L. 211-11. Le maire peut accorder une dérogation à l'interdiction en considération du comportement du demandeur depuis la décision de retrait, à condition que celle-ci ait été prononcée plus de dix ans avant le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 211-14 ".

3. Il ressort des termes de l'arrêt attaqué que, pour rejeter la demande de Mme A..., la cour administrative d'appel s'est fondée sur la circonstance que le chien dont elle est propriétaire a fait l'objet d'un placement dans un lieu de dépôt adapté à la fin de l'année 2018 dans le cadre d'une procédure judiciaire ouverte pour des faits, notamment, de maltraitance animale et que l'arrêté litigieux du 18 février 2019 a été pris à la suite " d'instructions du procureur de la République ". En statuant ainsi, alors que la décision de ne pas restituer l'animal à sa propriétaire avait été prise par le maire d'Aulnay-sous-Bois après que le chien lui avait été remis par le procureur de la République en vertu des dispositions de l'article 99-1 du code de procédure pénale citées au point 2, et qu'il lui appartenait dès lors de rechercher si le chien présentait un danger grave et immédiat de nature à justifier que le maire mette en œuvre les mesures prévues au II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime cité ci-dessus, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Aux termes de l'article L. 211-14 du code rural et de la pèche maritime : " I.- Pour les personnes autres que celles mentionnées à l'article L. 211-13, la détention des chiens mentionnés à l'article L. 211-12 est subordonnée à la délivrance d'un permis de détention par le maire de la commune où le propriétaire ou le détenteur de l'animal réside. En cas de changement de commune de résidence, le permis doit être présenté à la mairie du nouveau domicile (...) ".

7. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour mettre en œuvre les critères définis par l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour l'application de l'article 211-1 du code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, faisant l'objet des mesures prévues aux articles 211-1 à 211-5 du même code, et regarder, eu égard à ses caractéristiques morphologiques et à sa " large ressemblance " avec la description d'un chien de race, la chienne Crista comme relevant de la 1ère catégorie, le tribunal administratif a, conformément à l'annexe de cet arrêté à laquelle renvoie son article 3 relatif aux " éléments de reconnaissance des chiens de la 1re et de la 2e catégorie mentionnés aux articles 1er et 2 ", et par une motivation très circonstanciée qu'il y a lieu d'adopter, après avoir pris en considération les éléments figurant dans les attestations du vétérinaire produites par Mme A..., en a écarté les conclusions en retenant que " les différences ainsi relevées n'apparaissent dès lors pas déterminantes, alors que l'annexe de l'arrêté du 27 avril 1999 n'impose pas que l'animal présente l'ensemble des caractéristiques morphologiques qu'il décrit pour chaque type de chiens appartenant à la première catégorie, mais prévoit simplement de constater l'existence d'une large ressemblance avec ces descriptions ". Mme A... qui, en outre, se borne, à renvoyer à ces attestations sans mettre le juge d'appel à même d'apprécier les erreurs qu'auraient pu commettre les premiers juges dans leur analyse des documents produits, n'est pas fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que le maire de la commune d'Aulnay-sous-bois a commis une erreur de fait. Par suite, le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois a pu légalement, en application des dispositions de l'arrêté du 27 avril 1999 précité et en particulier de son article 1er qui inclut dans la 1ère catégorie les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race " Staffordshire terrier " et " American Staffordshire terrier ", communément appelés " pit-bulls ", regarder cet animal comme relevant de la première catégorie des chiens susceptibles d'être dangereux définie à l'article L. 211-12 du code rural et de la pêche maritime cité au point 2. En application des dispositions l'article L. 211-14 citées au point précédent, la détention d'un chien de 1ère catégorie est subordonnée à la délivrance par le maire d'un permis de détention. Dès lors qu'il est constant que Mme A... ne détient pas, pour la chienne Crista, un tel permis, cette circonstance suffit à faire obstacle à ce qu'elle lui soit restituée. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'injonction tendant à cette restitution, lesquelles ne sont pas, contrairement à ce qui est soutenu par la commune, privées d'objet du seul fait de l'intervention un nouvel arrêté municipal de refus de restitution de l'animal.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros à verser à la commune d'Aulnay-sous-Bois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge la commune d'Aulnay-sous-Bois, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, Mme A....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 7 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune d'Aulnay-sous-Bois et par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune d'Aulnay-sous-Bois.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 mai 2023.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

La rapporteure :

Signé : Mme Sara-Lou Gerber

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 25 mai. 2023, n° 461196
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sara-Lou Gerber
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 25/05/2023
Date de l'import : 28/05/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 461196
Numéro NOR : CETATEXT000047597424 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2023-05-25;461196 ?
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