La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°460965

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 25 mai 2023, 460965


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier, 2 mai et 22 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération SUD Santé Sociaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 1er à 3 du décret n° 2021-1544 du 30 novembre 2021 relatif au temps de travail et à l'organisation du temps de travail dans la fonction publique hospitalière ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier, 2 mai et 22 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération SUD Santé Sociaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 1er à 3 du décret n° 2021-1544 du 30 novembre 2021 relatif au temps de travail et à l'organisation du temps de travail dans la fonction publique hospitalière ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme e des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;

- le décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération Sud Santé Sociaux.

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération SUD Santé Sociaux demande l'annulation pour excès de pouvoir des articles 1er à 3 du décret du 30 novembre 2021 relatif au temps de travail et à l'organisation du temps de travail dans la fonction publique hospitalière.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes du VI de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil national [d'évaluation des normes] dispose d'un délai de six semaines à compter de la transmission d'un projet de texte mentionné au I (...) pour rendre son avis. Ce délai est reconductible une fois par décision du président. (...) / Par décision motivée du Premier ministre, ce délai peut être réduit à soixante-douze heures. / A défaut de délibération dans ces délais, l'avis du conseil national est réputé favorable. / (...) ". Si la fédération requérante soutient qu'en l'absence de décision motivée du Premier ministre, l'avis du conseil national d'évaluation des normes rendu dans un délai de 72 heures n'aurait pas été régulièrement recueilli, il ne ressort pas des pièces du dossier que la saisine de ce conseil serait intervenue dans des conditions irrégulières. Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du conseil national d'évaluation des normes doit, par suite, être écarté.

Sur la légalité interne :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " L'organisation du travail doit respecter les garanties ci-après définies./ La durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours./ Les agents bénéficient d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum. (...) ". L'article 1er du décret attaqué prévoit que, par dérogation à ces dernières dispositions, la durée minimale du repos quotidien peut être abaissée de 12 à 11 heures consécutives, par décision du chef d'établissement, après qu'un accord a été signé entre les organisations syndicales représentatives de fonctionnaires et les autorités compétentes dans les conditions fixées par les articles 8 bis à 8 nonies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aujourd'hui repris aux articles L. 221-1 et suivants du code général de la fonction publique.

4. Il résulte de ces dispositions que, d'une part, la durée maximale de travail hebdomadaire et le temps de repos hebdomadaire consécutif minimal définis par l'article 6 du décret du 4 janvier 2002 ne sont pas modifiés et, d'autre part, les dispositions attaquées ne conduisent pas, par elles-mêmes, à généraliser le recours à une amplitude maximale de journée de travail de 12 heures autorisé à titre dérogatoire, lorsque les contraintes de continuité du service public l'exigent en permanence, par l'article 7 du décret du 4 janvier 2002. Par suite, et alors d'ailleurs que l'article 3 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail fixe à onze heures la durée minimale du temps de repos quotidien, le moyen soulevé par la fédération requérante et tiré de ce que les dispositions de l'article 1er du décret attaqué méconnaissent tant les droits garantis par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, en ce qu'elles portent atteinte au droit au repos et à la protection de la santé, que le droit au respect de la vie privée et familiale, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 4 janvier 2002 : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail définis par service ou par fonctions et arrêtés par le chef d'établissement après avis du comité social d'établissement ou du comité social. / Le cycle de travail est une période de référence dont la durée se répète à l'identique d'un cycle à l'autre et ne peut être inférieure à la semaine ni supérieure à douze semaines ; le nombre d'heures de travail effectué au cours des semaines composant le cycle peut être irrégulier. / Il ne peut être accompli par un agent plus de 44 heures par semaine. / (...) ". L'article 2 du décret attaqué insère dans le décret du 4 janvier 2002 un article 9-1, aux termes duquel : " Par dérogation à l'article 9, le temps de travail peut être annualisé pour s'ajuster aux variations de l'activité tout au long de l'année civile. / Cette annualisation s'effectue dans le respect d'une durée hebdomadaire de travail en moyenne comprise entre 32 heures et 40 heures sur la période considérée. / Cette annualisation est décidée par le chef d'établissement, après accord conclu dans les conditions fixées aux articles 8 bis à 8 nonies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée. / (...) ". L'annualisation du temps de travail autorisée par les dispositions de l'article 2 du décret attaqué, qui ont pour objet d'assurer la continuité du fonctionnement du service public de santé, ne déroge ni aux dispositions relatives aux temps de repos quotidien et hebdomadaire, ni à la durée maximale hebdomadaire de travail, fixées par les articles 6 et 9 du décret du 4 janvier 2002. L'article 2 du décret attaqué prévoit, en outre, que, lorsque le temps de travail est annualisé, la durée hebdomadaire de travail est en moyenne comprise entre 32 et 40 heures sur la période considérée, soit un niveau en moyenne inférieur aux durées maximales de travail hebdomadaire. Le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 2 du décret attaqué méconnaîtraient les droits garantis par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et le droit au respect de la vie privée et familiale ne peut ainsi qu'être écarté.

6. En troisième lieu, les dispositions de l'article 36 du décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 relatif aux comités sociaux d'établissement des établissements publics de santé, des établissements sociaux, des établissements médico-sociaux et des groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public ont été édictées postérieurement à celles des articles 1er et 2 du décret attaqué du 30 novembre 2021. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient celles, plus récentes, de l'article 36 du décret du 3 décembre 2021 ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, le second alinéa de l'article 12 du décret du 4 janvier 2002, dans sa rédaction antérieure au décret attaqué, disposait que " (...), les personnels exerçant des fonctions d'encadrement définies par arrêté peuvent choisir annuellement entre un régime de décompte horaire et un régime de décompte en jours de leur durée de travail. Dans ce dernier cas, ils bénéficient de 20 jours de réduction du temps de travail ". L'article 3 du décret attaqué a supprimé ce droit d'option et le premier alinéa de l'article 12 dans sa rédaction issue du décret du 4 janvier 2002 prévoit que : " La durée du travail est décomptée en jours pour le personnel de direction ainsi que pour les agents dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. La liste des corps ou des missions concernés est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget ". Ces dispositions, dont l'objet est de garantir une organisation permettant d'assurer la continuité du service public de santé, ne dérogent ni aux règles relatives aux temps de repos quotidien et hebdomadaire de travail, ni à la durée maximale hebdomadaire de travail fixées par les articles 6, 9 et 9-1 du décret du 4 janvier 2002. Le moyen tiré de la méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et du droit au respect de la vie privée et familiale ne peut dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté.

8. Il ressort de tout ce qui précède que la requête de la Fédération SUD Santé Sociaux doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Fédération SUD Santé Sociaux est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération SUD Santé Sociaux et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 25 mai 2023.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 460965
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 2023, n° 460965
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460965.20230525
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award