Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 février 2016 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche portant promotion à l'échelon spécial hors classe des inspecteurs de l'éducation nationale retenus au titre de l'année 2015, ainsi que la décision implicite par laquelle la ministre a rejeté son recours gracieux du 19 avril 2016 dirigé contre ce tableau d'avancement. Par un jugement n° 1605126 du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18VE03194 du 9 février 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 8 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 90-675 du 18 juillet 1990 ;
- le décret n° 2015-1835 du 30 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges de fond que M. A... B..., inspecteur hors classe de l'éducation nationale, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er octobre 2015. Par un arrêté du 19 février 2016, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a inscrit 54 agents au tableau d'avancement à l'échelon spécial du grade d'inspecteur de l'éducation nationale hors classe au titre de l'année 2015. Après avoir constaté qu'il ne figurait pas parmi les agents bénéficiant de cet avancement, M. B... a formulé un recours gracieux le 23 février 2016 et un recours " hiérarchique " le 19 avril 2016, qui ont tous deux été implicitement rejetés. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 février 2016. Par un jugement du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 février 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a jugé que la demande de M. B... devant le tribunal administratif était irrecevable au motif, d'une part, qu'elle tendait à l'annulation partielle d'un acte indivisible et, d'autre part, qu'à supposer qu'elle tendît à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2016 dans son ensemble, elle était tardive dès lors que son recours administratif du 19 avril 2016, qui n'était dirigé contre l'arrêté qu'en tant qu'il ne l'inscrivait pas au tableau d'avancement, n'avait pu interrompre le délai de recours contentieux. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par ce recours administratif et la demande qu'il a formée devant le tribunal administratif, M. B... demandait l'annulation de l'arrêté dans son ensemble, la cour a méconnu le sens et la portée de ses écritures. Il s'ensuit que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
4. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance ".
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a jugé la demande de M. B... manifestement irrecevable en l'interprétant comme ne tendant qu'à l'annulation de l'arrêté attaqué qu'en tant qu'il ne l'inscrivait pas au tableau d'avancement. Par suite, c'est également à tort que ce tribunal s'est reconnu compétent, sur le fondement de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, pour rejeter cette demande alors que le jugement de celle-ci relevait de la compétence territoriale du tribunal administratif de Paris, ainsi que l'opposait en défense le ministre de l'éducation nationale.
6. Lorsqu'en la qualité de juge d'appel que lui confère l'application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat annule un jugement rendu en première instance au motif que la juridiction administrative saisie n'était pas compétente, il peut, soit, en vertu des dispositions de l'article R. 351-1 du même code, attribuer le jugement de l'affaire à la juridiction administrative compétente en première instance, soit évoquer et statuer immédiatement sur la demande présentée en première instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles.
7. Le décret du 30 décembre 2015 modifiant le décret n° 90-675 du 18 juillet 1990 portant statuts particuliers des inspecteurs d'académie - inspecteurs pédagogiques régionaux et des inspecteurs de l'éducation nationale a créé, au sein de la hors classe du corps des inspecteurs de l'éducation nationale, un échelon supplémentaire dit " échelon spécial ". L'article 7 de ce décret du 30 décembre 2015 dispose que, par dérogation à l'article 14 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat, " des tableaux d'avancement à l'échelon spécial sont établis, l'un au titre de l'année 2015, l'autre au titre de l'année 2016, à compter de la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 16 du décret du 18 juillet 1990 dans leur rédaction issue du présent décret ".
8. En l'absence de disposition législative autorisant à donner au décret du 30 décembre 2015 un effet rétroactif, l'article 7 de ce décret n'a pu donner une base légale à l'établissement, au titre de l'année 2015, d'un tableau d'avancement pour la promotion à l'échelon spécial du grade d'inspecteur de l'éducation nationale hors classe. M. B... ne pouvait, par suite, prétendre à être inscrit sur un tel tableau d'avancement. Ayant fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er octobre 2015, il ne pouvait davantage prétendre à une telle inscription au titre des années ultérieures. Dans ces conditions, le tableau d'avancement qu'il attaque n'est pas susceptible de lui porter préjudice en retardant irrégulièrement son avancement ou en favorisant des fonctionnaires susceptibles de se trouver en concurrence avec lui dans le déroulement de sa carrière. Par suite, M. B... est sans intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté portant promotion à l'échelon spécial hors classe des inspecteurs de l'éducation nationale retenus au titre de l'année 2015. Sa demande est, par suite, irrecevable et ne peut qu'être rejetée.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 9 février 2021 et le jugement du tribunal administratif de Versailles du 16 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 avril 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 3 mai 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Patrick Pailloux
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin