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28/04/2023 | FRANCE | N°465858

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 28 avril 2023, 465858


Vu la procédure suivante :

M. et Mme E... B... D... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1702099 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Melun a constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par une ordonnance n° 21PA02180

du 3 mai 2022, le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'ap...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme E... B... D... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1702099 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Melun a constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par une ordonnance n° 21PA02180 du 3 mai 2022, le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... D... A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet et 7 octobre 2022 et le 5 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. et Mme B... D... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir obtenu de l'autorité judiciaire la communication d'informations relatives à l'encaissement par M. B... D... A... de chèques émis par la société Circul'Air dont il était le gérant, l'administration fiscale a fait usage du délai spécial de reprise de dix ans prévu par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales et rehaussé le revenu imposable de M. et Mme B... D... A... au titre de 2008 de la somme de 704 539,38 euros, qualifiée de distribution occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts. Les contribuables demandent l'annulation de l'ordonnance du 3 mai 2022 par laquelle le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 25 février 2021 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de ce rehaussement.

2. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". D'une part, pour l'application de ces dispositions, seul l'engagement de poursuites doit être regardé comme ouvrant l'instance, ni l'ouverture d'une enquête préliminaire, ni l'examen des poursuites par le ministère public, selon les formes et conditions prévues par le code de procédure pénale, n'ayant, eux-mêmes, un tel effet. D'autre part, des insuffisances ou omissions d'imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une instance devant les tribunaux au sens de ces mêmes dispositions lorsque l'administration fiscale dispose d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise. Il en va également ainsi lorsque, à la date à laquelle l'administration fiscale dispose de ces informations, le délai normal de reprise est expiré et qu'elle n'est plus en mesure, sur ce seul fondement, de réparer les insuffisances et omissions d'imposition. La circonstance que ces informations seraient ultérieurement mentionnées dans une procédure judiciaire n'ouvre pas à l'administration le droit de se prévaloir de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dès lors qu'en pareille hypothèse, ces informations ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par cette instance.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après l'expiration, le 31 décembre 2011, du délai normal de reprise afférent à l'impôt sur les revenus de l'année 2008, l'administration fiscale a demandé à l'autorité judiciaire, le 30 août 2012, l'autorisation de prendre copie des pièces du dossier d'une enquête préliminaire concernant notamment M. B... D... A... et la société Circul'Air dont il était le gérant, qui lui a été accordée le 3 septembre 2012. Le ministre n'a pas contesté devant le juge d'appel que, comme le soutenaient M. et Mme B... D... A..., l'administration fiscale avait alors, dès ce moment, dans le cadre de l'exercice de ce droit de communication, disposé du document de synthèse en date du 20 août 2012 établi par procès-verbal d'un officier de police judiciaire, exposant que M. B... D... A... avait, en 2008, ouvert des comptes à la banque Santander et vu ces comptes crédités, cette même année, d'un montant total de 710 507 euros provenant notamment de chèques émis par la société Circul'Air. Après la désignation d'une magistrate chargée de l'instruction le6 mai 2013, l'administration fiscale a exercé son droit de communication une seconde fois auprès de celle-ci, le 13 décembre 2013, relevé l'encaissement par M. B... D... A... de vingt-huit chèques émis par la société Circul'Air pour un montant total de

704 539,38 euros, puis, sur le fondement de ces éléments, substantiellement identiques aux informations contenues dans le procès-verbal du 20 août 2012, procédé au rehaussement décrit au point 1.

4. En estimant, dans ces circonstances, que l'administration chargée du contrôle fiscal n'avait pas disposé, dès sa première demande de communication, dans le cadre de l'enquête préliminaire, et avant le second exercice, dans le cadre de l'instruction judiciaire, de ce droit de communication, d'éléments suffisamment précis pour établir les insuffisances ou omissions d'imposition en litige, le juge d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, M. et Mme B... D... A... sont fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, l'administration fiscale disposait, à la suite de l'exercice de son droit de communication en 2012, postérieurement à l'expiration du délai normal de reprise le 31 décembre 2011 et avant l'ouverture de l'instance pénale en 2013, des informations permettant d'établir l'appréhension des sommes en cause par

M. B... D... A... en 2008 et, par suite, l'insuffisance d'imposition de M. et Mme B... D... A... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de cette année. Ces informations ne pouvant être regardées comme lui ayant été révélées par l'instance ouverte ultérieurement, l'administration fiscale ne pouvait, par suite, après l'ouverture de l'instruction pénale, procéder à la rectification des revenus de M. et Mme B... D... A... au titre de l'année 2008 sur le fondement de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales. Ces derniers sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs conclusions en décharge des impositions supplémentaires en litige au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser, pour l'ensemble de la procédure, à M. et Mme B... D... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 3 mai 2022 du président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 25 février 2021 du tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : M. et Mme B... D... A... sont déchargés des cotisations supplémentaires et des pénalités afférentes à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2008.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B... D... A... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme E... B... D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 28 avril 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 465858
Date de la décision : 28/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2023, n° 465858
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465858.20230428
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