La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2023 | FRANCE | N°461997

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 avril 2023, 461997


Vu la procédure suivante :

Par une requête, deux autres mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars, 11 mai, 26 septembre et 28 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable de la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature qui lui a été notifié le 24 janvier 2022 sur sa demande de nomination directe en qualité d'auditeur de justice, la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission d'avancement

sur son recours gracieux du 1er mars 2022 ainsi que l'avis de la commission d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, deux autres mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars, 11 mai, 26 septembre et 28 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable de la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature qui lui a été notifié le 24 janvier 2022 sur sa demande de nomination directe en qualité d'auditeur de justice, la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission d'avancement sur son recours gracieux du 1er mars 2022 ainsi que l'avis de la commission d'avancement du 5 juillet 2022 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre à la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature d'émettre un avis favorable à sa demande de nomination directe en qualité d'auditeur de justice ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de faire procéder par la commission d'avancement au réexamen de la demande de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... a présenté sa candidature à une nomination directe en qualité d'auditeur de justice au titre des dispositions de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. La commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature prévue à l'article 34 de la même ordonnance a, lors de ses travaux du 9 novembre au 8 décembre 2021, donné un avis défavorable à sa candidature, notifié par lettre du procureur général près la cour d'appel de Paris du 24 janvier 2022 dont M. B... a pris connaissance le 2 février 2022. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'avis de la commission portant sur sa candidature, de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission d'avancement sur son recours gracieux du 1er mars 2022 ainsi que de l'avis défavorable émis par la commission d'avancement le 5 juillet 2022, à la suite de ses travaux du 7 au 14 juin 2022, qui lui a été notifié le 22 septembre 2022.

2. Aux termes de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : " Peuvent être nommées directement auditeurs de justice les personnes que quatre années d'activité dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires : / 1° Si elles sont titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Et si elles remplissent les autres conditions fixées aux 2° à 5° de l'article 16. / Peuvent également être nommés dans les mêmes conditions : / a) Les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d'études supérieures ; / (...) Le nombre des auditeurs nommés au titre du présent article ne peut dépasser le tiers du nombre des places offertes aux concours prévus à l'article 17 pour le recrutement des auditeurs de justice de la promotion à laquelle ils seront intégrés. / Les candidats visés au présent article sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sur avis conforme de la commission prévue à l'article 34 ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'elles ne créent, au profit des candidats, aucun droit à être nommé à des fonctions d'auditeur de justice et que le législateur organique a entendu investir la commission d'avancement d'un large pouvoir dans l'appréciation de l'aptitude de candidats à exercer les fonctions de magistrat. Il ressort cependant des pièces du dossier que M. B..., qui est titulaire d'une licence en droit de l'université de Beyrouth mais également d'un diplôme d'études approfondies (DEA) en droit de l'informatique et des nouvelles technologies délivré en 2004 par l'université de Montpellier, et qui a obtenu le titre de docteur en droit en 2008 dans cette même université, est également titulaire depuis 2010 du certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Après avoir prêté serment devant la cour d'appel de Paris en 2011, M. B... a exercé les fonctions d'avocat collaborateur dans un cabinet spécialisé dans le droit des nouvelles technologies entre 2011 et 2016 et d'avocat associé spécialiste du droit de la propriété intellectuelle à compter de 2018. Après avoir suivi en 2018 une formation de défense pénale organisée par le barreau de Paris, M. B... a assuré diverses permanences de comparutions immédiates, de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, d'interrogatoires de premières comparutions et de gardes en vue ainsi, à compter de 2020, que des consultations juridiques dans des mairies et points d'accès au droit. Sa candidature à la procédure de nomination sur le fondement de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 a reçu les avis unanimement favorables de la procureure générale près la cour d'appel de Paris, du premier président de la cour d'appel de Paris, du président du tribunal judiciaire de Paris et du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, lesquels ont notamment relevé le sérieux et le caractère posé et réfléchi de M. B... ainsi que son expérience et ses compétences de nature à lui permettre d'intégrer sans difficulté l'Ecole nationale de la magistrature et de devenir auditeur de justice. Ce dernier bénéficie également d'attestations élogieuses de deux avocats honoraires, au vu des aptitudes professionnelles et personnelles qu'il a démontrées dans ses fonctions d'avocat. En se bornant, d'une part, à soutenir que le quota statutaire mentionné à l'avant-dernier alinéa de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 s'impose à la commission d'avancement lorsqu'elle procède à l'examen comparatif des dossiers des candidats et, d'autre part, à préciser que cette dernière a publié la liste des qualités attendues des candidats à un recrutement dans le corps judiciaire, le garde des sceaux, ministre de la justice ne produit aucun élément justifiant que la commission d'avancement ait rendu un avis défavorable sur la demande de l'intéressé, malgré la qualité de son dossier de candidature. Faute de telles justifications, le moyen tiré de ce que la commission d'avancement a commis une erreur manifeste d'appréciation doit être accueilli. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'avis défavorable rendu par la commission d'avancement, lors de ses travaux du 9 novembre au 8 décembre 2021, de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission d'avancement sur son recours gracieux du 1er mars 2022 ainsi que de l'avis défavorable émis par la commission d'avancement le 5 juillet 2022, à la suite de ses travaux du 7 au 14 juin 2022.

4. Aux termes de l'article. L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

5. Compte tenu de la situation de M. B..., il y a lieu d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de faire procéder à un réexamen par la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature de la demande de M. B... tendant à sa nomination directe en qualité d'auditeur de justice, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'avis défavorable à la candidature de M. B... émis par la commission d'avancement lors de ses travaux du 9 novembre au 8 décembre 2021, la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission d'avancement sur le recours gracieux de M. B... du 1er mars 2022 ainsi que l'avis défavorable émis par la commission du 5 juillet 2022, à la suite de ses travaux du 7 au 14 juin 2022, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de faire procéder à un réexamen par la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature de la demande de M. B... tendant à sa nomination directe en qualité d'auditeur de justice au titre de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Monsieur A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 avril 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 461997
Date de la décision : 28/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2023, n° 461997
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:461997.20230428
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award