Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association Ouvre-boîte a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 17 février 2019 par laquelle le Conseil national des barreaux (CNB) a implicitement rejeté sa demande de communication par voie de publication en ligne de l'annuaire des avocats inscrits aux tableaux et listes nationales, des avocats honoraires des différents barreaux, des avocats étrangers exerçant ou non sous leur titre d'origine et de ceux exerçant à titre partiel en France, comportant le nom et le prénom de chacun d'eux, son adresse professionnelle, son identifiant CNBF et son numéro de toque, sa nationalité, sa date de prestation de serment, le nom de sa structure d'exercice, le numéro d'immatriculation de cette dernière, ses bureaux secondaires et la liste des collaborateurs y exerçant, sa " catégorie professionnelle ", ses " groupes de rattachement ", l'exercice ou non d'une activité à l'étranger, le diplôme obtenu et l'université de délivrance, l'année d'obtention du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) et le centre régional de formation professionnelle des avocats auquel il a été inscrit, les notes obtenues au CAPA ou au pré-CAPA, la voie d'accès à la profession, le barreau d'origine, les spécialisations, les champs de compétence, les activités dominantes, la nature des mandats, les langues parlées et les fonctions exercées au sein de l'ordre ou du Conseil national des barreaux, ainsi que de la liste de tous les cabinets, bureaux, groupements d'avocats, structures d'exercice et personnes morales avec le type de structure, l'adresse, la ville, le code postal, le barreau, le SIRET, le numéro de toque, la date éventuelle d'inscription au barreau, les bureaux secondaires, les associés, les collaborateurs et les of counsels, d'autre part, d'enjoindre au CNB, à titre principal, de communiquer dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement les documents demandés par voie de publication en ligne en rendant ces documents réutilisables et exploitables par un traitement automatisé, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de communiquer par tout autre moyen les documents demandés dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte. Par un jugement n° 1917018/5-2 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Par une décision n° 450739 du 27 septembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ce jugement en tant qu'il s'est prononcé sur la demande de publication en ligne de l'annuaire national des avocats établi par le Conseil national des barreaux. Réglant dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il a annulé la décision du Conseil national des barreaux refusant de publier en ligne l'annuaire national des avocats comportant le nom et le prénom de chacun des avocats, le numéro d'identifiant CNBF, le barreau d'appartenance, l'adresse, le nom et le numéro de SIREN de la structure d'exercice, la ou les mentions de spécialisation, la date de prestation de serment, les bureaux secondaires et les langues parlées, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, et a enjoint au Conseil national des barreaux de mettre en ligne dans ce même standard l'annuaire national des avocats comportant les informations énumérées dans un délai d'un mois à compter de sa décision.
Recours en tierce opposition
Par une requête en tierce opposition, enregistrée le 31 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) demande au Conseil d'Etat de déclarer nulle et non avenue la décision du 27 septembre 2022 en tant qu'elle a enjoint au Conseil national des barreaux de publier en ligne, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, l'annuaire national des avocats avec le numéro d'identification CNBF.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Caisse nationale des barreaux français et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Conseil national des barreaux ;
Considérant ce qui suit :
1. Par décision n° 450739 du 27 septembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la demande de l'association Ouvre-boîte dirigée notamment contre le refus du Conseil national des barreaux de publier en ligne l'annuaire national des avocats dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, a jugé qu'il résulte de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifiée par la loi du 18 novembre 2016, que le législateur a entendu investir le Conseil national des barreaux (CNB) d'une nouvelle fonction, se rattachant à sa mission de service public relative à l'organisation de la profession réglementée d'avocat, consistant à constituer et à rendre accessible au public la liste à jour des avocats inscrits au tableau d'un barreau, que l'annuaire national qu'il incombe ainsi au CNB d'établir et de mettre à jour constitue un document administratif et que s'il appartient au CNB de rendre accessible en ligne cet annuaire selon les modalités qu'il fixe, il n'est pas pour autant soustrait, s'il est saisi d'une demande en ce sens, à l'obligation de publier en ligne le fichier correspondant à cet annuaire national dans son intégralité dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, conformément aux règles de droit commun régissant la publication en ligne des documents administratifs, notamment celle résultant de l'article L. 300-4 du code des relations entre le public et l'administration.
2. En conséquence, le Conseil d'Etat a annulé la décision du Conseil national des barreaux refusant de mettre en ligne, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, le document administratif communicable à toute personne que constitue le fichier correspondant à l'annuaire national des avocats que ce Conseil a établi conformément à l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 et enjoint à ce Conseil de mettre en ligne cet annuaire dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. Si le Conseil d'Etat a, en outre, précisé que cet annuaire devrait, pour chaque avocat, comporter certaines informations, énumérées au point 18 de sa décision, dont le numéro d'identifiant CNBF, il a, ce faisant, pris acte, à la date de sa décision, des informations à la disposition du Conseil national des barreaux que ce dernier avait décidé de faire figurer à l'annuaire national des avocats. Cette précision n'a pas pour effet de faire obstacle à ce que le Conseil national des barreaux décide, dans le respect des règles en vigueur, de modifier le contenu de l'annuaire national des avocats mis à disposition du public, établi sur la base des informations transmises par les conseils de l'ordre qu'il détermine, avant de le mettre, dans son dernier état, à la disposition du public dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, en exécution de la décision du Conseil d'Etat.
3. Par la présente requête, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) forme tierce opposition à cette décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 27 septembre 2022, en tant qu'elle mentionne le numéro d'identification CNBF qui figurait alors sur l'annuaire national des avocats.
4. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. " En vertu de ces dispositions, toute personne qui n'a été ni appelée, ni représentée dans l'instance peut former tierce opposition à une décision du Conseil d'Etat rendue en matière contentieuse, dès lors qu'elle peut se prévaloir d'un droit auquel la décision a préjudicié.
5. Il ressort des pièces du dossier que le numéro d'identification CNBF est une donnée à caractère personnel créée par la Caisse nationale des barreaux français et fournie à l'avocat lors de son affiliation aux régimes de retraite et de prévoyance qu'elle gère, qui permet d'identifier l'avocat de manière unique et est utilisée par ce dernier pour l'authentification de l'accès à son espace personnel en ligne sur le site de la CNBF, comprenant l'ensemble des données à caractère personnel relatifs à cette affiliation. Ce numéro, partagé par la CNBF avec d'autres institutions intervenant dans la gestion de la profession d'avocat, dont le Conseil national des barreaux, sert notamment d'identifiant de connexion pour l'ensemble des outils numériques de ce dernier, dont le portail e-Barreau. Il en résulte que la Caisse nationale des barreaux français avait, s'agissant de la préservation de la confidentialité de cette donnée pour la sécurité de l'authentification des avocats à des services en ligne, des intérêts concordant avec ceux du Conseil national des barreaux dans le litige opposant ce dernier à l'association Ouvre-boîte. Elle doit, par suite, être regardée comme ayant été représentée par ce Conseil dans l'instance ayant statué sur ce litige. Dès lors, elle n'est pas recevable à former tierce opposition à la décision du Conseil d'Etat.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Caisse nationale des barreaux français est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Caisse nationale des barreaux français, au Conseil national des barreaux et à l'association Ouvre-boîte.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 20 avril 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana