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20/04/2023 | FRANCE | N°462650

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 20 avril 2023, 462650


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 mai 2019 par laquelle le département des Bouches-du-Rhône a, sur son recours administratif préalable, confirmé sa radiation du revenu de solidarité active à compter d'avril 2018. Par un jugement n° 1906164 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 27 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat

:

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire dr...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 mai 2019 par laquelle le département des Bouches-du-Rhône a, sur son recours administratif préalable, confirmé sa radiation du revenu de solidarité active à compter d'avril 2018. Par un jugement n° 1906164 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 27 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 3 000 euros, à verser au cabinet Buk-Lament, Robillot, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk-Lament, Robillot, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision d'avril 2018, les droits à revenu de solidarité active de M. A... ont été suspendus dans l'attente de l'évaluation de ses ressources. Par une décision du 4 février 2019, confirmée le 17 mai 2019 sur recours préalable de l'intéressé, au motif que ce dernier, qui avait été gérant d'un restaurant qu'il indiquait avoir dû fermer en 2017 à la suite notamment d'un dégât des eaux, n'aurait pas produit l'extrait Kbis de liquidation ou de mise en sommeil qui lui avait été demandé, la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a décidé de le radier de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active. M. A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 2 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa contestation de cette décision.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. (...) " L'article R. 262-35 du même code précise que : " Le revenu de solidarité active cesse d'être dû à compter du premier jour du mois civil au cours duquel les conditions d'ouverture du droit cessent d'être réunies (...) ". En vertu du 1° de l'article R. 262-40 de ce code, le président du conseil départemental met fin au droit au revenu de solidarité active à compter du premier jour du mois civil au cours duquel les conditions d'ouverture du droit cessent d'être réunies.

3. D'autre part, l'article L. 262-37 du même code dispose que : " Sauf décision prise au regard de la situation particulière du bénéficiaire, le versement du revenu de solidarité active est suspendu, en tout ou partie, par le président du conseil départemental : / (...) 4° (...) lorsque le bénéficiaire refuse de se soumettre aux contrôles prévus par le présent chapitre (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-38 de ce code : " Le président du conseil départemental procède à la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active au terme d'une période, définie par décret, sans versement du revenu de solidarité active et de la prime d'activité mentionnée à l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale ". L'article R. 262-37 du même code dispose que : " Le bénéficiaire de l'allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments ". L'article R. 262-83 de ce code prévoit également que : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active ainsi que les membres du foyer sont tenus de produire, à la demande de l'organisme chargé du service de la prestation et au moins une fois par an, toute pièce justificative nécessaire au contrôle des conditions d'ouverture de droit, en particulier au contrôle des ressources, notamment les bulletins de salaire. En cas de non-présentation des pièces demandées, il est fait application des dispositions de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale. " Aux termes de l'article R. 262-40 du même code : " Le président du conseil départemental met fin au droit au revenu de solidarité active et procède à la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active, selon les cas :/ (...) 3° Au terme de la durée de suspension du versement décidée en vertu du 2° de l'article R. 262-68 lorsque la radiation est prononcée en application de l'article L. 262-38 (...) ". En outre, il résulte de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, applicable en vertu de l'article R. 262-83 du code de l'action sociale et des familles, que la non-présentation à l'organisme chargé du service de la prestation des pièces justificatives nécessaires au contrôle des conditions d'ouverture de droit entraîne la suspension " du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées ".

3. Il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu, outre de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation l'ensemble des ressources dont il dispose ainsi que sa situation familiale et tout changement en la matière, de produire, à la demande de l'organisme chargé du service de la prestation et au moins une fois par an, toute pièce justificative nécessaire au contrôle des conditions d'ouverture de droit, en particulier s'agissant de ses ressources. L'organisme chargé du service de la prestation qui constate, en raison notamment de l'absence de production des pièces justificatives demandées, son empêchement à procéder aux contrôles prévus par le chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles, peut suspendre le versement du revenu de solidarité active en vertu du 4° de l'article L. 262-37 du même code, en mettant en œuvre la procédure prévue par cet article, ou en vertu de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale. Si l'autorité administrative est, en outre, en mesure d'établir que le bénéficiaire ne peut prétendre au bénéfice de l'allocation de revenu de solidarité active ou qu'il n'est pas possible, faute de connaître le montant exact des ressources des personnes composant le foyer, de déterminer s'il pouvait ou non bénéficier de l'allocation pour la période en cause, elle est en droit de mettre fin à cette prestation et, sous réserve des délais de prescription, de décider de récupérer les sommes qui ont ainsi été indûment versées à l'intéressé.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, incluant le dossier constitué pour l'instruction de la demande de M. A... tendant à l'attribution du revenu de solidarité active, versé à la procédure par le département des Bouches-du-Rhône en application de l'article R. 772-8 du code de justice administrative, en premier lieu, qu'en réponse à la demande qui lui a été faite le 11 mai 2018 par la caisse d'allocations familiales de produire le bilan 2017 du restaurant qu'il gérait ou la copie des déclarations fiscales justifiant le montant du chiffre d'affaires déclaré et de remplir le document propre aux travailleurs indépendants, M. A... a renvoyé ce document rempli et produit la copie de ses déclarations fiscales en précisant que le restaurant qu'il gérait avait fermé en 2017. En réponse à la demande qui lui a été faite le 22 octobre 2018 d'adresser à la caisse d'allocations familiales l'ensemble de ses relevés bancaires depuis janvier 2018, le dernier bilan comptable du restaurant avec la mention du chiffre d'affaires et les rémunérations, ainsi que l'extrait de Kbis ou le justificatif de cessation d'activité, il a indiqué ne pas pouvoir produire le bilan demandé, faute d'avoir pu régler les honoraires de l'expert-comptable, et joint un courrier de son avocate en date du 14 novembre 2018 exposant la situation de l'entreprise, en litige avec son bailleur professionnel, ainsi que ses déclarations fiscales pour 2017, un extrait Kbis à jour au 22 novembre 2018, qui figure effectivement au dossier versé à l'instruction par le département, et plusieurs pièces destinées à justifier de sa situation et de celle de son entreprise. Il a, de nouveau, lors de son recours préalable du 19 mars 2019, exposé l'ensemble des éléments de sa situation et produit de nombreuses pièces, parmi lesquelles ses relevés bancaires, un extrait Kbis, le bilan 2017 du restaurant, son avis d'imposition de 2019 ainsi qu'une attestation sur l'honneur selon laquelle il ne disposait plus d'aucun revenu depuis la suspension de son revenu de solidarité active. M. A... s'étant, par un courrier du 3 mai 2019, enquis du devenir de son recours administratif préalable, la caisse d'allocations familiales lui a de nouveau demandé, par un courrier du 12 juin 2019, pour que son dossier soit soumis au président du conseil départemental, de lui adresser la copie de l'extrait Kbis de liquidation ou de mise en sommeil de l'activité de sa société et la copie des relevés de compte professionnel et personnel de toute l'année 2018. M. A... a de nouveau répondu en envoyant, le 10 juillet 2019, un extrait Kbis de mise en sommeil de la société à compter du 15 janvier 2017, à jour au 28 juin 2019 et versé à l'instruction. En estimant dans ces conditions, après avoir en outre relevé lui-même que les pièces versées par M. A... corroboraient, si elles n'en rapportaient pas la preuve, les explications qu'il avait données de façon constante à la caisse d'allocations familiales, que M. A... n'avait pas obtempéré aux demandes de renseignements adressées par la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône avant la décision en litige, de telle sorte que la présidente du conseil départementale était fondée à le radier pour ce motif de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active, le tribunal administratif de Marseille a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. Par suite, M. A... est fondé à demander pour ce motif l'annulation du jugement qu'il attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le cabinet Buk-Lament, Robillot, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 3 000 euros à verser à ce cabinet.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 2 novembre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Le département des Bouches-du-Rhône versera au cabinet Buk-Lament, Robillot, avocat de M. A..., une somme de 3 000 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 20 avril 2023.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 462650
Date de la décision : 20/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 avr. 2023, n° 462650
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462650.20230420
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