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19/04/2023 | FRANCE | N°454072

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 19 avril 2023, 454072


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Par un jugement n° 1903701 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20BX02007 du 14 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce ju

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Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoir...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Par un jugement n° 1903701 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20BX02007 du 14 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 juin, 29 septembre et 8 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me Galy, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Galy, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 4 juin 2019, la préfète de la Gironde a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par Mme A..., ressortissante tunisienne, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " délivrée sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du même code à la suite de son mariage avec un ressortissant français, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... a fait appel du jugement du 20 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. Par un arrêt du 14 décembre 2020 contre lequel elle se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté cet appel.

2. D'une part, aux termes du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français [...] ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " [...] Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement ". Ces dispositions, dans leur rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, ont créé un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française. Dans ce cas, le renouvellement du titre de séjour n'est pas conditionné au maintien de la vie commune. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'existence de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune du demandeur avec son conjoint de nationalité française.

4. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur la circonstance qu'aucune suite judiciaire n'avait été donnée à la plainte déposée le 4 mars 2018 par Mme A... pour des faits de violences physiques et psychologiques commis par son conjoint. La requérante est fondée à soutenir qu'en se bornant à relever qu'aucune suite n'avait été donnée à sa plainte sans rechercher si les faits dénoncés étaient corroborés par d'autres éléments au dossier qui lui était soumis, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit qui justifie l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments mentionnés dans le certificat médical en date du 25 janvier 2018 ainsi que des attestations de voisins, que Mme A... a subi des violences conjugales ayant conduit à la rupture de la communauté de vie avec son conjoint de nationalité française. Par suite, nonobstant la circonstance que la procédure de divorce ait été initiée par son époux, qui a quitté le domicile conjugal après qu'elle s'est réfugiée auprès de sa famille, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2019 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour.

7. L'exécution de la présente décision implique nécessairement qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " soit délivrée à Mme A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à cette délivrance dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me Galy, avocat de Mme A..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 décembre 2020 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 novembre 2019 sont annulés.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 4 juin 2019 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Me Galy, avocat de Mme A..., une somme de 3 000 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mars 2023 où siégeaient : Mme Suzanne von Coester, assesseure, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 19 avril 2023.

La présidente :

Signé : Mme Suzanne von Coester

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 454072
Date de la décision : 19/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2023, n° 454072
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : GALY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:454072.20230419
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