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17/04/2023 | FRANCE | N°464389

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 17 avril 2023, 464389


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 464389, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 15 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hublot Défense demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2022-457 du 30 mars 2022 modifiant le décret n° 2016-1566 du 21 novembre 2016 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation du tronçon de métro automatique du réseau de transport public du Grand Paris reliant les gares de Pont-de-Sèvres et de Saint-Denis Ple

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Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 464389, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 15 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hublot Défense demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2022-457 du 30 mars 2022 modifiant le décret n° 2016-1566 du 21 novembre 2016 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation du tronçon de métro automatique du réseau de transport public du Grand Paris reliant les gares de Pont-de-Sèvres et de Saint-Denis Pleyel, gares non incluses (tronçon inclus dans la ligne dite " rouge " et correspondant à la ligne 15 Ouest), dans les départements des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Bois Colombes, Courbevoie, Gennevilliers, Nanterre, Rueil-Malmaison, Saint-Cloud et Suresnes et de l'établissement public territorial Plaine Commune ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 464529, par une requête, enregistrée le 31 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Réseau de transport d'électricité (RTE) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2022-457 du 30 mars 2022 modifiant le décret n° 2016-1566 du 21 novembre 2016 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation du tronçon de métro automatique du réseau de transport public du Grand Paris reliant les gares de Pont-de-Sèvres et de Saint-Denis Pleyel, gares non incluses (tronçon inclus dans la ligne dite " rouge " et correspondant à la ligne 15 Ouest), dans les départements des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Bois Colombes, Courbevoie, Gennevilliers, Nanterre, Rueil-Malmaison, Saint-Cloud et Suresnes et de l'établissement public territorial Plaine Commune ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 467840, par une requête, enregistrée le 27 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Interconstruction et BNP Paribas Immobilier Promotion demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2022-457 du 30 mars 2022 modifiant le décret n° 2016-1566 du 21 novembre 2016 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation du tronçon de métro automatique du réseau de transport public du Grand Paris reliant les gares de Pont-de-Sèvres et de Saint-Denis Pleyel, gares non incluses (tronçon inclus dans la ligne dite " rouge " et correspondant à la ligne 15 Ouest), dans les départements des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Bois Colombes, Courbevoie, Gennevilliers, Nanterre, Rueil-Malmaison, Saint-Cloud et Suresnes et de l'établissement public territorial Plaine Commune, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

4° Sous le n° 467862, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 septembre et 22 décembre 2022 et le 15 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Courbevoie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2022-457 du 30 mars 2022 modifiant le décret n° 2016-1566 du 21 novembre 2016 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation du tronçon de métro automatique du réseau de transport public du Grand Paris reliant les gares de Pont-de-Sèvres et de Saint-Denis Pleyel, gares non incluses (tronçon inclus dans la ligne dite " rouge " et correspondant à la ligne 15 Ouest), dans les départements des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Bois Colombes, Courbevoie, Gennevilliers, Nanterre, Rueil-Malmaison, Saint-Cloud et Suresnes et de l'établissement public territorial Plaine Commune, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code des transports ;

- la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

- la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la Société du Grand Paris (SGP), et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la commune de Courbevoie ;

Considérant ce qui suit :

1. La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris prévoit, à son article 2, la création d'un " métro automatique de grande capacité en rocade qui, en participant au désenclavement de certains territoires, relie le centre de l'agglomération parisienne, les principaux pôles urbains, scientifiques, technologiques, économiques, sportifs et culturels de la région d'Ile-de-France, le réseau ferroviaire à grande vitesse et les aéroports internationaux, et qui contribue à l'objectif de développement d'intérêt national " du Grand Paris. L'article 7 de cette loi confie la maîtrise d'ouvrage de ce projet à un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial dénommé " société du Grand Paris " (SGP). Le tronçon de ce métro, qui doit relier la gare de Pont-de-Sèvres à celle de Saint-Denis Pleyel (partie ouest de la ligne 15), a été déclaré d'utilité publique par un décret du 21 novembre 2016. Par un décret du 30 mars 2022, des modifications ont été apportées à ce projet et une déclaration d'utilité publique modificative a été adoptée. Par quatre requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une même décision, les sociétés Hublot Défense, Réseau de transport d'électricité (RTE) et Interconstruction et BNP Paribas Immobilier Promotion, et la commune de Courbevoie, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

Sur le désistement de la société RTE :

2. Le désistement de la société RTE est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur la légalité externe :

En ce qui concerne l'enquête publique :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction en vigueur : " L'expropriation, en tout ou partie, d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête (...) ". Son article L. 121-2 prévoit que : " L'acte déclarant l'utilité publique ou la décision refusant de la déclarer intervient au plus tard un an après la clôture de l'enquête préalable (...) ". Enfin, aux termes de son article L. 121-4 : " L'acte déclarant l'utilité publique précise le délai accordé pour réaliser l'expropriation. Il ne peut excéder cinq ans, si la déclaration d'utilité publique n'est pas prononcée par décret en Conseil d'Etat en application de l'article L. 121-1. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que, lorsqu'un projet déclaré d'utilité publique fait l'objet de modifications substantielles durant la période prévue pour procéder aux expropriations nécessaires, sans toutefois qu'elles conduisent à faire regarder celui-ci comme constituant un projet nouveau, il incombe à l'autorité compétente de porter une nouvelle appréciation sur son utilité publique au regard de ces changements et de modifier en conséquence la déclaration d'utilité publique initiale. Une telle modification, qui n'a pas pour effet de prolonger la durée pendant laquelle doivent être réalisées les expropriations, ne saurait toutefois légalement intervenir qu'à la suite d'une nouvelle enquête publique, destinée notamment à éclairer le public concerné sur la portée des changements ainsi opérés au regard du contexte dans lequel s'inscrit désormais le projet. La procédure de cette enquête publique et la composition du dossier sont régies par les dispositions applicables à la date de la décision modifiant la déclaration d'utilité publique. Il appartient donc au maître d'ouvrage, d'une part, de reprendre les éléments du dossier soumis à l'enquête publique initiale en les actualisant pour prendre en compte les modifications substantielles apportées au projet et les évolutions du contexte si ces dernières sont significatives, et, d'autre part, de produire les éléments du dossier soumis à enquête publique nouvellement requis par la réglementation.

4. Il ressort des pièces des dossiers que plusieurs modifications, tenant au déplacement du lieu d'implantation de la gare de La Défense, à l'évolution à la marge du tracé de la ligne, à la création ou au déplacement de plusieurs ouvrages annexes et à la mise à jour de l'évaluation socio-économique et des coûts, ont été apportées au projet initial de ligne 15 Ouest. Si ces évolutions constituent des modifications substantielles du projet ayant justifié l'organisation d'une nouvelle enquête publique, destinée notamment à éclairer le public concerné sur la portée de ces changements au vu d'un dossier actualisé, elles ne sauraient faire regarder celui-ci comme constituant un projet entièrement nouveau. Le moyen tiré de ce que l'ensemble du projet aurait, pour ce motif, dû faire l'objet d'une nouvelle déclaration d'utilité publique après reprise, pour le tout, de la procédure de concertation et d'enquête publique ne peut donc qu'être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 123-9 du code de l'environnement : " La durée de l'enquête publique est fixée par l'autorité compétente chargée de l'ouvrir et de l'organiser. Elle ne peut être inférieure à trente jours pour les projets, plans et programmes faisant l'objet d'une évaluation environnementale ". D'une part, il est constant que l'enquête publique a été organisée du 28 juin au 29 juillet 2021, soit pour une durée conforme à ces dispositions législatives. D'autre part, le fait que l'enquête publique se soit déroulée pour partie pendant les vacances scolaires n'est pas, en lui-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la participation de la population à l'enquête publique aurait été limitée ou empêchée du fait de la durée et de la période durant laquelle elle s'est tenue. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du déroulement de l'enquête publique doit être écarté.

En ce qui concerne l'appréciation sommaire des dépenses :

6. L'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique impose au dossier soumis à enquête publique, lorsque le projet concerne la réalisation de travaux ou d'ouvrages, de comporter une appréciation sommaire des dépenses. Cette obligation a pour objet de permettre à tous les intéressés d'évaluer les charges pouvant en résulter pour la collectivité ou les usagers et de s'assurer que les travaux ou ouvrages envisagés ont, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à la date de l'enquête, un caractère d'utilité publique.

7. En premier lieu, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique initiale à l'appui de leur recours contre la déclaration d'utilité publique la modifiant. Par suite, le moyen tiré de la sous-estimation des dépenses figurant au dossier de la déclaration publique initiale ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, s'il est soutenu que l'appréciation des dépenses donnée par le dossier d'enquête était excessivement sommaire en ce qu'elle ne comportait aucune évaluation du coût des travaux de dépollution de l'emprise chantier de la gare de Bécon-les-Bruyères ou du coût de l'éviction des locataires, aucune disposition n'impose que le dossier d'enquête comprenne le détail des éléments retenus pour aboutir à l'appréciation sommaire des dépenses et indique, notamment, le coût de travaux particuliers. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'appréciation sommaire des dépenses serait entachée d'inexactitudes à cet égard.

9. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que les dépenses relatives aux acquisitions foncières auraient été sous-évaluées du fait d'une date de référence inexacte et de la non-prise en compte, en conséquence, du programme d'aménagement " Village Delage " entrepris depuis 2016 n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. En quatrième lieu, l'appréciation sommaire des dépenses figurant dans le dossier d'enquête de la déclaration d'utilité publique modificative met le public en mesure de connaître le coût réel de l'opération modifiée tel qu'il pouvait être raisonnablement estimé à la date de l'enquête publique, exprimé tant en valeur 2012 pour permettre les comparaisons qu'en valeur 2020. La seule circonstance que le coût du projet aurait augmenté de façon importante par rapport à la déclaration d'utilité publique initiale ne suffit pas, par elle-même, à établir que cette appréciation sommaire aurait fait l'objet d'une sous-estimation manifeste.

11. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que l'appréciation sommaire des dépenses serait entachée de sous-évaluation manifeste ou serait irrégulière ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne l'étude d'impact :

12. En premier lieu, s'il est soutenu que l'étude d'impact figurant dans le dossier d'enquête publique serait insuffisante, il ressort des pièces des dossiers que les mesures destinées à éviter, réduire ou compenser les impacts du projet ainsi que l'évaluation des incidences du projet sur le climat et sa vulnérabilité au changement climatique y sont suffisamment décrites, tout comme les interconnexions et le cumul de ses incidences avec les projets connexes concernant notamment le secteur de la gare de Nanterre - La Folie, le secteur de la gare de La Défense et le secteur de la gare de Bécon-les-Bruyères. De même, s'agissant du déport de l'emprise chantier de la gare de Bécon-les-Bruyères, elle comporte des développements suffisants concernant ses incidences sur le cadre de vie des habitants du Village Delage et le milieu naturel du site ainsi que sur les mesures d'évitement, de réduction ou de compensation destinées à réduire l'impact sonore des travaux, minimiser les nuisances des circulations et traiter les déblais du chantier.

13. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 123-14 du code de l'environnement : " Pendant l'enquête publique, si la personne responsable du projet, plan ou programme (...) estime nécessaire d'apporter à celui-ci, à l'étude d'impact ou au rapport sur les incidences environnementales afférent, des modifications substantielles, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête peut, après avoir entendu le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête, suspendre l'enquête pendant une durée maximale de six mois. Cette possibilité de suspension ne peut être utilisée qu'une seule fois ". Si l'hypothèse de la fermeture temporaire de la RN 1013 afin de faciliter les travaux de la gare de La Défense est évoquée de manière succincte dans le dossier d'enquête publique, il ressort des pièces des dossiers que cette hypothèse faisait encore, à la date de l'enquête publique et pendant toute la durée de son déroulement, l'objet de discussions entre les acteurs concernés et d'une étude de faisabilité et d'impact et n'avait pas été validée par les autorités compétentes ni ne revêtait le moindre degré de certitude. L'étude d'impact n'avait donc pas, contrairement à ce qui est soutenu, à contenir une analyse plus approfondie de cette hypothèse, ni l'enquête publique à être suspendue sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 123-14 du code de l'environnement.

14. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que, contrairement à ce qui est soutenu, des éléments relatifs aux principes des modalités de rétablissement des voies, exigés par l'article L. 2123-9 du code général de la propriété des personnes publiques, figuraient dans l'étude d'impact.

15. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière en raison des insuffisances de l'étude d'impact doivent être écartés.

En ce qui concerne l'évaluation socio-économique :

16. Aux termes de l'article R. 1511-4 du code des transports : " L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte : 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; / 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; / 3° Les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le maître d'ouvrage, le projet présenté a été retenu ; / 4° Une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation ".

17. Il ressort des pièces des dossiers que les modifications apportées au projet par le décret du 30 mars 2022 sont présentées et justifiées de manière précise dans l'évaluation socio-économique mise à jour. Celle-ci présente en outre une analyse actualisée des coûts et avantages socio-économiques du projet modifié. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'évaluation socio-économique n'aurait pas été suffisamment actualisée ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne l'utilité publique du projet :

18. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

19. En premier lieu, s'il est soutenu que d'autres options d'aménagement, tels que le maintien de la gare de La Défense sous le centre commercial Westfield Les Quatre Temps ou le déport de l'emprise chantier de la gare de Bécon-les-Bruyères sur un autre site, auraient offert les mêmes avantages au prix d'inconvénients moindres, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, d'apprécier la pertinence du choix retenu par rapport à ces autres partis. Il ressort en outre des pièces des dossiers que si la mobilisation du patrimoine foncier de la société du Grand Paris a permis de diminuer le recours à l'expropriation, notamment la taille de l'emprise chantier de la gare de Bécon-les-Bruyères, elle n'était pas suffisante à elle seule pour éviter toute atteinte à la propriété.

20. En deuxième lieu, les dispositions de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'administration de procéder, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'expropriation de parcelles de terrain à des fins d'occupation temporaire.

21. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que le tronçon de métro du réseau de transport public du Grand Paris reliant les gares de Pont-de-Sèvres et de Saint-Denis Pleyel constitue une partie intégrante de la rocade de la ligne 15 et présente un caractère stratégique pour le développement de l'Ouest et du Nord-Ouest parisien. Il a notamment pour objet d'améliorer les déplacements de banlieue à banlieue autour de Paris et la desserte des départements de la proche couronne ainsi que, par l'ouverture de nouvelles correspondances et de possibilités d'itinéraires, d'alléger certaines lignes de transport en commun du réseau francilien particulièrement chargées et de renforcer les liaisons vers des pôles économiques tel celui de La Défense et vers les aéroports franciliens.

22. Si les modifications apportées par le décret attaqué, consistant en un déplacement du lieu d'implantation de la gare de La Défense, en une évolution à la marge du tracé de la ligne 15 Ouest et en la création ou le déplacement de plusieurs ouvrages annexes, combinées avec les nouvelles données socio-économiques conduisent à une augmentation significative du coût global du projet, il ressort des pièces des dossiers qu'elles entraîneront également une création de valeur importante et que la rentabilité du projet reste élevée. Par ailleurs, les impacts liés aux ouvrages annexes créés ou déplacés, notamment l'emprise chantier de la gare de Bécon-les-Bruyères, sont, pour la plupart, temporaires, pendant la durée de réalisation des travaux, et concernent des installations dont la taille a été limitée afin de tenir compte des caractéristiques des secteurs d'implantation. Enfin, les modifications apportées, notamment le déplacement de la gare de La Défense, répondent à des considérations de faisabilité, de calendrier et de coût confortant la mise en œuvre du projet d'ensemble.

23. Par suite, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les modifications apportées au projet seraient de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique.

En ce qui concerne l'incompatibilité avec l'orientation d'aménagement et de programmation " Village Delage " :

24. Aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les prescriptions (...) d'un plan local d'urbanisme (...) s'effectue dans les conditions prévues au code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme : " Une opération faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique (...) et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. / Le maire de la ou des communes intéressées par l'opération est invité à participer à cet examen conjoint ".

25. S'il est soutenu que le déport de l'emprise chantier de la gare de Bécon-les-Bruyères sur le site du projet de Village Delage est de nature à compromettre l'orientation d'aménagement et de programmation " Village Delage " retenue par la commune de Courbevoie dans son plan local d'urbanisme, il ressort des pièces des dossiers que la surface de l'emprise chantier est limitée et que cette emprise revêt un caractère temporaire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le plan local d'urbanisme aurait dû faire l'objet d'une mise en compatibilité sur ce point ne peut qu'être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de la société Hublot Défense, des sociétés Interconstruction et BNP Paribas Immobilier Promotion et de la commune de Courbevoie doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune de ces requérantes une somme de 2 000 euros à verser à la société du Grand Paris à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société RTE.

Article 2 : Les requêtes de la société Hublot Défense, des sociétés Interconstruction et BNP Paribas Immobilier Promotion et de la commune de Courbevoie sont rejetées.

Article 3 : La société Hublot Défense, les sociétés Interconstruction et BNP Paribas Promotion Immobilier prises ensemble et la commune de Courbevoie verseront chacune à la société du Grand Paris la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Hublot Défense, à la société Réseau de Transport d'Électricité, à la société Interconstruction, à la société BNP Paris Immobilier Promotion, à la commune de Courbevoie, à la société du Grand Paris, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie sera transmise au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 mars 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, conseillers d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur.

Rendu le 17 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Clément Tonon

La secrétaire :

Signé : Mme Annie Di Vita


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 464389
Date de la décision : 17/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 avr. 2023, n° 464389
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464389.20230417
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