La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2023 | FRANCE | N°466732

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 13 avril 2023, 466732


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2006011 du 17 août 2022, enregistrée le 17 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente du tribunal administratif de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, une requête, enregistrée le 17 septembre 2020 au greffe de ce tribunal, présentée par Mme B... A....

Par cette requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 décembre 2022 et le 26 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... dema

nde au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2006011 du 17 août 2022, enregistrée le 17 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente du tribunal administratif de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, une requête, enregistrée le 17 septembre 2020 au greffe de ce tribunal, présentée par Mme B... A....

Par cette requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 décembre 2022 et le 26 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 juillet 2020 par lequel le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne l'a suspendue à titre conservatoire de ses fonctions pour une durée de six mois, sans privation de traitement ;

2°) d'enjoindre au président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne d'abroger cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'université d'Evry-Val-d'Essonne la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement ". La suspension d'un professeur des universités sur le fondement de ces dispositions revêt un caractère conservatoire et vise à préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 17 juillet 2020, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, agissant par délégation de la ministre chargée de l'enseignement supérieur, a suspendu pour une durée de six mois, sans privation de traitement, Mme A..., professeure des universités affectée dans cet établissement, après avoir engagé à son encontre une procédure disciplinaire. Cet arrêté, dont Mme A... demande l'annulation pour excès de pouvoir, impute à celle-ci la conduite d'expérimentations sur des êtres humains sans autorisation préalable, l'exercice d'une activité professionnelle à des fins lucratives en l'absence de toute autorisation de cumul, l'utilisation du matériel de l'université d'Evry-Val-d'Essonne et du laboratoire qu'elle dirigeait à des fins lucratives et, enfin, l'invitation de personnes extérieures sans autorisation préalable expresse du président de l'université, dans le cadre d'une activité privée.

3. En premier lieu, d'une part, s'agissant du manquement imputé à Mme A... en raison d'expérimentations menées sur des êtres humains, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne fait état de soupçons relatifs à la conduite d'expérimentations par une doctorante, dont Mme A... codirigeait la thèse, en l'absence de saisine préalable du Comité de protection des personnes, au regard en particulier d'échanges de courriels datant de mars 2019 entre cette doctorante et son autre co-directrice de thèse. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par un courriel du 21 novembre 2019 à destination de cette doctorante, le président de l'université lui a indiqué maintenir la soutenance de thèse après avoir relevé l'obtention de l'avis favorable du Comité de protection des personnes et pris acte de ce que les expérimentations avaient été menées postérieurement à cet avis. D'autre part, s'agissant de l'invitation sans autorisation préalable de personnes extérieures à l'université dans le cadre d'une activité privée, il ressort des pièces du dossier que le président de l'université s'est fondé exclusivement sur une vidéo du 8 mai 2016 publiée sur le réseau social " facebook " à propos de tests réalisés au sein du laboratoire alors dirigé par Mme A... et où apparaîtrait un étudiant non autorisé sur le site, sans que ne soit toutefois établi le caractère privé de cette activité ni la réitération du manquement allégué. Par suite, les faits relatifs aux expérimentations menées sur des êtres humains ainsi que ceux relatifs à l'invitation de personnes extérieures dans le cadre d'une activité privée ne peuvent être regardés comme revêtant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité à la date de l'arrêté attaqué.

4. En second lieu, si l'arrêté attaqué retient également à l'encontre de Mme A... l'exercice sans autorisation de cumul d'une activité lucrative à travers les sociétés Billatraining et Billatraining Concept ainsi que l'utilisation du matériel de l'université et du laboratoire " Unité de biologie intégrative des adaptations à l'exercice " (UBIAE) qu'elle dirigeait dans le cadre de l'activité de ces sociétés, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que, en l'absence de tout élément allégué par l'université d'Evry-Val-d'Essonne quant à l'incidence des faits imputés à Mme A..., en particulier sur le fonctionnement du service public universitaire, et alors que Mme A... a quitté en février 2018 la direction du laboratoire UBIAE, la poursuite des activités de l'intéressée au sein de l'université Evry-Val-d'Essonne aurait présenté, à la date de l'arrêté attaqué, des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours pouvant justifier, outre l'engagement de poursuites disciplinaires, la suspension de Mme A....

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit tant aux conclusions présentées à ce titre par l'université d'Evry-Val-d'Essonne qu'à celles présentées par Mme A... en tant qu'elle sont dirigées contre l'université d'Evry-Val-d'Essonne, dès lors que cette université n'a pas la qualité de partie en défense dans la présente instance, la décision en litige ayant été prise au nom de l'Etat, et que sa présence en qualité d'observateur ne lui confère pas davantage la qualité de partie, dans la mesure où elle n'aurait pas eu, à défaut d'être présente, qualité pour faire tierce opposition à la présente décision.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté du 17 juillet 2020 du président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne est annulé.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A..., présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions présentées au même titre par l'université d'Evry-Val-d'Essonne sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à l'université Evry-Val-d'Essonne.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 466732
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2023, n° 466732
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Monteillet
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466732.20230413
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award