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12/04/2023 | FRANCE | N°461194

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 12 avril 2023, 461194


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 461194, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février et 9 mai 2022 et le 30 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération SUD santé sociaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 relatif aux comités sociaux d'établissement des établissements publics de santé, des établissements sociaux, des établissement médico-sociaux et des groupements de coopération sanita

ire de moyens de droit public ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 00...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 461194, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février et 9 mai 2022 et le 30 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération SUD santé sociaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 relatif aux comités sociaux d'établissement des établissements publics de santé, des établissements sociaux, des établissement médico-sociaux et des groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 461221, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février et 9 mai 2022 et le 21 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 relatif aux comités sociaux d'établissement des établissements publics de santé, des établissements sociaux, des établissement médico-sociaux et des groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération Sud Santé Sociaux ;

Considérant ce qui suit :

1. Le IV de l'article 4 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, dont les dispositions sont désormais codifiées au titre V du livre II de la partie législative du code général de la fonction publique, a prévu la création, dans chaque établissement public de santé, groupement de coopération sanitaire de moyens de droit public et établissement public social ou médico-social, d'un comité social d'établissement, présidé par le directeur de l'établissement ou l'administrateur du groupement et composé de représentants de l'administration et du personnel. Ce comité, doté de compétences consultatives, connaît notamment des questions relatives aux orientations stratégiques de l'établissement ou du groupement, à son organisation interne, aux orientations stratégiques sur les politiques de ressources humaines, aux enjeux et aux politiques d'égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations, aux lignes directrices de gestion en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels et à la protection de la santé physique et mentale, à l'hygiène, à la sécurité des agents dans leur travail, à l'organisation du travail, au télétravail, aux enjeux liés à la déconnexion et aux dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, à l'amélioration des conditions de travail et aux prescriptions légales y afférentes.

2. Par des requêtes qu'il y a lieu de joindre, la Fédération SUD santé sociaux et la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 3 décembre 2021 relatif aux comités sociaux d'établissement des établissements publics de santé, des établissements sociaux, des établissement médico-sociaux et des groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public, pris pour l'application de ces dispositions législatives.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

3. Aux termes de l'article 9 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le Conseil commun de la fonction publique (...) est saisi des projets de loi, d'ordonnance et de décret communs à au moins deux des trois fonctions publiques. / Lorsque le projet de texte comporte, en outre, des dispositions propres à l'une des fonctions publiques, le conseil commun peut également être consulté sur ces dispositions, après accord du président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière selon la fonction publique concernée, dès lors qu'elles présentent un lien avec les dispositions communes. / (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué, qui a fait l'objet d'une consultation du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, ne comporte que des dispositions propres à la fonction publique hospitalière. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait entaché d'irrégularité et de détournement de procédure, faute d'avoir été soumis pour avis au Conseil commun de la fonction publique, ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne la personnalité morale du comité et de la formation spécialisée :

4. Il résulte des dispositions de l'article 4 de la loi du 6 août 2019 désormais codifiées, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, au titre V du livre II de la partie législative du code général de la fonction publique que le législateur n'a entendu conférer la personnalité morale ni aux comités sociaux d'établissement des établissements publics de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public, ni aux formations spécialisées qui sont instituées, le cas échéant, en leur sein. Par suite, et en tout état de cause, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que le décret attaqué, en ne précisant pas que ces instances sont dotées de la personnalité morale, porterait atteinte au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

En ce qui concerne l'article 2 :

5. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 6144-3-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi du 6 août 2019, dont les dispositions sont désormais reprises, sur ce point, à l'article L. 251-11 du code général de la fonction publique : " Les groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public dont les effectifs sont inférieurs à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat peuvent décider de se rattacher, pour le respect des dispositions relatives aux comités sociaux d'établissement, au comité social d'établissement de l'un des établissements qui en sont membres, dans des conditions prévues par ce même décret ". Pour l'application de ces dispositions, l'article 2 du décret attaqué dispose que : " Les groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public dont les effectifs sont inférieurs à cinquante agents peuvent décider, par délibération de l'assemblée générale et après avis du comité social d'établissement du groupement, de se rattacher au comité social de l'un des établissements publics de santé membre du groupement. Ce rattachement doit intervenir au moins huit mois avant l'élection du comité social d'établissement ". Par ailleurs, aux termes des dispositions, non contestées, du premier alinéa du III de l'article 11 du même décret, pour le calcul des effectifs dans les établissements publics de santé, dans les établissements sociaux et médicaux sociaux et dans les groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public, " l'effectif retenu, comprenant les parts respectives de femmes et d'hommes, est apprécié au 1er janvier de l'année de l'élection des représentants du personnel. Il est déterminé au plus tard huit mois avant la date du scrutin ".

6. La condition, prévue par les dispositions citées au point précédent, tenant à ce que le rattachement d'un groupement de coopération sanitaire de moyens de droit public au comité social de l'un des établissements publics de santé membre du groupement intervienne au moins huit mois avant l'élection du comité social d'établissement, qui vise à faciliter l'organisation de l'élection des représentants du personnel au sein du comité social d'établissement en permettant d'assurer que l'effectif retenu pour cette élection, dont dépend le nombre de sièges à pourvoir, soit déterminé à une date à laquelle le rattachement est déjà intervenu, ne porte pas par elle-même, en tout état de cause, atteinte à la liberté syndicale.

En ce qui concerne l'article 3 :

7. Aux termes du premier et du deuxième alinéas du III de l'article L. 6144-3 du code de la santé publique, du premier et du deuxième alinéas du III de l'article L. 6144-3-1 du même code et du premier et du deuxième alinéas du III de l'article L. 315-13 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de l'article 4 de la loi du 6 août 2019, dont les dispositions sont désormais reprises, sur ce point, à l'article L. 251-12 du code général de la fonction publique, dans les établissements ou groupements de coopération " dont les effectifs sont au moins égaux à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, il est institué, au sein du comité social d'établissement, une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail " et, dans les établissements ou groupements de coopération " dont les effectifs sont inférieurs au seuil précité, une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail peut être instituée au sein du comité social d'établissement lorsque des risques professionnels particuliers le justifient, selon des modalités définies par le décret mentionné au premier alinéa du présent III ". Pour l'application de ces dispositions, le I de l'article 3 du décret attaqué dispose que : " I. - La formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail instituée au sein d'un comité social d'établissement en application du premier ou du deuxième alinéa du III de l'article L. 6144-3, du premier ou du deuxième alinéa du III de l'article L. 6144-3-1 du code de la santé publique et du premier ou du deuxième alinéa du III de l'article L. 315-13 du code de l'action sociale et des familles est dénommée formation spécialisée du comité. / (...) / Le seuil prévu par les mêmes III est fixé à deux cents agents ".

8. Il résulte des dispositions de l'article 4 de la loi du 6 août 2019 que, ainsi qu'il a été dit au point 1, les comités sociaux d'établissement connaissent, quel que soit l'effectif de l'établissement ou du groupement de coopération, des questions relatives à la protection de la santé physique et mentale, à l'hygiène, à la sécurité des agents dans leur travail, à l'organisation du travail, au télétravail, aux enjeux liés à la déconnexion et aux dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, à l'amélioration des conditions de travail et aux prescriptions légales afférentes. Ainsi, même lorsqu'aucune formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail n'est instituée au sein du comité social d'établissement, les représentants du personnel participent, au sein de ce comité, à la protection de la santé et de la sécurité des agents. Par suite, les dispositions contestées du I de l'article 3 du décret attaqué, en fixant à deux cents agents le seuil prévu par l'article 4 de la loi du 6 août 2019 pour la création obligatoire d'une formation spécialisée, n'ont, contrairement à ce qui est soutenu, pas privé d'effectivité les dispositions de ce dernier article qui mettent en œuvre le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ni porté atteinte à la liberté syndicale garantie par le sixième alinéa du même préambule et par l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors au demeurant qu'il résulte des dispositions de l'article 4 de la loi du 6 août 2019 qu'une formation spécialisée peut être créée, dès lors que des risques professionnels particuliers le justifient, même dans les établissements ou groupements de coopération dont les effectifs sont inférieurs à ce seuil.

En ce qui concerne l'article 48 :

9. Aux termes de l'article 48 du décret attaqué : " Les membres de la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail procèdent à intervalles réguliers, à la visite des services relevant du champ de compétence de ladite formation. / Une délibération adoptée en séance à la majorité des membres de la formation spécialisée mandate une délégation de la formation spécialisée pour procéder à chaque visite. Elle fixe l'objectif, le secteur géographique et la composition de la délégation chargée de cette dernière. / Cette délégation comporte entre autre le président de la formation spécialisée ou son représentant et des représentants du personnel membres de la formation. / Des agents du secteur géographique concerné, peuvent être conviés sous réserve des nécessités de service. / Elle peut être assistée du médecin du travail, de l'assistant ou du conseiller de prévention. / L'agent de contrôle de l'inspection du travail est invité par le président à ces visites. / Les missions accomplies dans le cadre du présent article donnent lieu à un procès-verbal présenté à la formation spécialisée ".

10. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que les membres de la formation spécialisée procèdent à intervalles réguliers à la visite des services relevant de la compétence de la formation. Par suite, alors que, contrairement à ce qui est soutenu et ainsi qu'il est dit au point 18, doivent obligatoirement être inscrits à l'ordre du jour des réunions de la formation spécialisée les points dont l'examen a été demandé par la moitié au moins des représentants titulaires du personnel au sein de cette instance et qui entrent dans sa compétence, parmi lesquels, le cas échéant, une délibération mandatant une délégation de la formation spécialisée pour procéder à une visite des services et fixant l'objectif, le secteur géographique et la composition de cette délégation, la circonstance que l'exercice du droit de visite des membres de la formation spécialisée soit conditionné à l'adoption d'une telle délibération ne méconnaît pas, par elle-même, les dispositions, applicables au litige, de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifiées à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique, en vertu desquelles " des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ".

11. En second lieu, la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale ne peut utilement soutenir que les dispositions contestées de l'article 48 du décret attaqué portent atteinte au principe d'égalité en ce qu'elles ne prévoient pas les mêmes conditions de visite que celles prévues par le code du travail s'agissant du comité social et économique des entreprises.

En ce qui concerne l'article 51 :

12. Aux termes de l'article 51 du décret attaqué : " Lorsque la formation spécialisée ne dispose pas des éléments nécessaires à l'évaluation des risques professionnels, des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail, le président de la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail peut, à son initiative ou à la suite d'un vote majoritaire favorable des membres de la formation, faire appel à un expert certifié conformément aux articles R. 2315-51 et R. 2315-52 du code du travail dans les cas suivants : / 1° En cas de risque grave avéré, révélé ou non par un accident de service ou par un accident du travail ou en cas de maladie professionnelle ou à caractère professionnel ; / 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail lorsqu'il ne s'intègre pas dans un projet de réorganisation de service. / Les frais d'expertise sont supportés par l'administration ou l'établissement dont relève la formation spécialisée. / (...) / Le délai pour mener une expertise ne peut excéder quarante-cinq jours à compter du choix de l'expert certifié. / Le président de la formation spécialisée doit motiver substantiellement sa décision de refus de faire appel à un expert en cas de vote majoritaire favorable des membres de la formation. Cette décision est communiquée à la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. / En cas de désaccord sérieux et persistant entre les représentants du personnel et le président de la formation spécialisée sur le recours à l'expert certifié, la procédure prévue à l'alinéa suivant est mise en œuvre dans le délai mentionné au quatrième alinéa. / L'agent de contrôle de l'inspection du travail est obligatoirement saisi. Cette intervention donne lieu à un rapport adressé conjointement au directeur d'établissement ou à l'administrateur du groupement et à la formation spécialisée. Ce rapport indique, s'il y a lieu, les manquements en matière d'hygiène et de sécurité et les mesures proposées pour remédier à la situation. / Le directeur d'établissement ou à l'administrateur du groupement adresse dans les quinze jours à l'auteur du rapport une réponse motivée indiquant : / 1° Les mesures prises au vu du rapport ; / 2° Les mesures qu'elle va prendre et le calendrier de leur mise en œuvre. / Le directeur d'établissement ou à l'administrateur du groupement communique, dans le même délai, copie de sa réponse à la formation spécialisée ".

13. En premier lieu, il ne peut être sérieusement soutenu que ces dispositions, en prévoyant que le président de la formation spécialisée ne peut faire appel à un expert certifié que dans les cas où cette dernière ne dispose pas déjà des éléments nécessaires à l'évaluation des risques professionnels, des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail, méconnaîtraient le droit à la protection de la santé garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

14. En deuxième lieu, les projets de réorganisation de service étant examinés, en vertu de l'article 4 de la loi du 6 août 2019, dont les dispositions sont désormais codifiées, sur ce point, à l'article L. 253-10 du code général de la fonction publique, non par la formation spécialisée mais par le comité social d'établissement, les dispositions citées au point 12 ne méconnaissent pas davantage le droit à la protection de la santé en prévoyant que le président de la formation spécialisée ne peut faire appel à un expert, en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, que lorsque ce projet ne s'intègre pas dans un projet de réorganisation de service.

15. En troisième lieu, il résulte des dispositions citées au point 12 que si le président de la formation spécialisée peut refuser de faire appel à un expert malgré le vote majoritaire favorable des membres de la formation, sa décision, qui est communiquée à la formation spécialisée, doit être substantiellement motivée. En outre, en cas de désaccord sérieux et persistant entre les représentants du personnel et le président de la formation spécialisée, l'agent de contrôle de l'inspection du travail est obligatoirement saisi par le président de la formation spécialisée ou par un ou des représentants du personnel, et adresse son rapport à la formation spécialisée et au directeur d'établissement ou à l'administrateur du groupement dans un délai qui ne peut excéder quarante-cinq jours. Ce dernier est lui-même tenu d'adresser à l'auteur du rapport, dans un délai de quinze jours, une réponse motivée dont il communique copie, dans le même délai, à la formation spécialisée. Dans ces conditions, la possibilité, prévue par les dispositions contestées de l'article 51 du décret attaqué, pour le président de la formation spécialisée de refuser de faire appel à un expert malgré le vote majoritaire favorable des membres de la formation, alors au demeurant qu'un tel refus constitue, contrairement à ce qui est soutenu, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, ne méconnaît en tout état de cause pas, par elle-même, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail garanti par le huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, ni le droit à la protection de la santé garanti par le onzième alinéa du même préambule, sans qu'ait à cet égard d'incidence la circonstance que le comité social d'établissement et la formation spécialisée ne seraient pas dotés de l'autonomie financière.

16. Enfin, la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale ne peut utilement soutenir que les dispositions contestées de l'article 51 du décret attaqué portent atteinte au principe d'égalité en ce qu'elles ne prévoient pas les mêmes conditions de recours à une expertise que celles prévues par le code du travail s'agissant du comité social et économique des entreprises.

En ce qui concerne l'article 67 :

17. D'une part, aux termes de l'article 67 du décret attaqué : " La convocation du comité social d'établissement est accompagnée de l'ordre du jour de la séance. Les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire sont inscrites de plein droit à l'ordre du jour par le président. / L'ordre du jour du comité est fixé par le président. Le secrétaire du comité social d'établissement est consulté préalablement à la définition de l'ordre du jour et peut proposer l'inscription de points à l'ordre du jour. Doivent notamment y être inscrits les points entrant dans la compétence du comité dont l'examen a été demandé par la moitié au moins des représentants titulaires du personnel. / La convocation de la formation spécialisée est accompagnée de l'ordre du jour de la séance. L'ordre du jour est fixé par le président. Le secrétaire de la formation spécialisée est consulté préalablement à la définition de l'ordre du jour et peut proposer l'inscription de points à l'ordre du jour ". D'autre part, aux termes de l'article 60 du même décret : " Lorsqu'aucune formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail n'a été instituée au sein du comité social d'établissement, ce dernier met en œuvre les compétences de la formation spécialisée telles que définies aux articles 42 et suivants " et, aux termes du deuxième alinéa de l'article 66 du même décret : " Lorsqu'il n'existe pas de formation spécialisée du comité et en dehors des cas où ils se réunissent à la suite d'un accident du travail, en présence d'un danger grave et imminent ou pour des raisons exceptionnelles, les comités tiennent en outre à chacune de leur réunion un ordre du jour portant spécifiquement sur les questions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ".

18. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que, si l'ordre du jour des réunions du comité social d'établissement ou de la formation spécialisée instituée, le cas échéant, en son sein est fixé par leur président, celui-ci est tenu de consulter au préalable le secrétaire du comité ou de la formation spécialisée, lequel peut proposer l'inscription de points à l'ordre du jour. En outre, ces dispositions doivent être interprétées comme prévoyant l'inscription à l'ordre du jour des réunions de la formation spécialisée, et non seulement de celles du comité, des points entrant dans la compétence de ces instances dont l'examen a été demandé par la moitié au moins des représentants titulaires du personnel en leur sein. De même, les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire sont inscrites de plein droit, par le président, à l'ordre du jour des réunions de la formation spécialisée, comme de celles du comité, ces dernières comprenant d'ailleurs obligatoirement, lorsqu'il n'existe pas de formation spécialisée au sein du comité et en dehors des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article 66 du décret attaqué, un ordre du jour portant spécifiquement sur les questions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Dans ces conditions, les dispositions contestées de l'article 67 du décret attaqué ne peuvent être regardées comme privant d'effectivité les dispositions de l'article 4 de la loi du 6 août 2019 qui mettent en œuvre le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 au motif qu'elles prévoient que l'ordre du jour des réunions du comité ou de sa formation spécialisée est fixé par leur président.

19. En deuxième lieu, la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale ne peut utilement soutenir que les dispositions contestées de l'article 67 du décret attaqué portent atteinte au principe d'égalité en ce qu'elles ne prévoient pas les mêmes conditions de fixation de l'ordre du jour des réunions du comité ou de sa formation spécialisée que celles prévues, par la partie législative du code du travail, s'agissant du comité social et économique des entreprises.

20. Enfin, la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale ne peut utilement soutenir que le décret attaqué porterait atteinte au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 au seul motif que les sujets sur lesquels le comité social d'établissement est obligatoirement consulté en application des dispositions combinées de l'article 4 de la loi du 6 août 2019 et de l'article 36 du décret attaqué ne sont pas identiques aux sujets sur lesquels l'ancien comité technique d'établissement était jusqu'alors obligatoirement consulté en application des dispositions de l'article R. 6144-40 du code de la santé publique. En tout état de cause, les dispositions, citées ci-dessus, de l'article 67 du décret attaqué prévoient, ainsi qu'il a été dit au point 18, l'inscription à l'ordre du jour des réunions du comité social d'établissement des points entrant dans la compétence de cette instance dont l'examen a été demandé par la moitié au moins des représentants titulaires du personnel en son sein.

21. Il résulte de ce tout qui précède que la Fédération SUD santé sociaux et la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale ne sont pas fondées à demander l'annulation de du décret qu'elles attaquent. Leurs requêtes doivent par suite être rejetées, y compris, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la Fédération SUD santé sociaux et de la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération SUD santé sociaux, à la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461194
Date de la décision : 12/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 2023, n° 461194
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:461194.20230412
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