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07/04/2023 | FRANCE | N°458671

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 07 avril 2023, 458671


Vu la procédure suivante :

La société Polyanna a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, à la contribution exceptionnelle de solidarité et aux centimes additionnels, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, ainsi que le versement des intérêts. Par un jugement n° 1900383 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20PA02104 du 22 se

ptembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a déchargé la société Polyan...

Vu la procédure suivante :

La société Polyanna a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, à la contribution exceptionnelle de solidarité et aux centimes additionnels, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, ainsi que le versement des intérêts. Par un jugement n° 1900383 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20PA02104 du 22 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a déchargé la société Polyanna, en droits et pénalités, des impositions en litige à concurrence d'une réduction de sa base d'imposition de 471 891 326 francs CFP, a réformé en ce sens le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et a rejeté le surplus des conclusions de la société Polyanna.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2021 et 24 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a prononcé la décharge des impositions en litige de la société Polyanna ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel de la société Polyanna ;

3°) de mettre à la charge de la société Polyanna la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat du gouvernement de la Nouvelle-calédonie et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Polyanna ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notamment assujetti la société Polyanna à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières à raison de la redistribution à laquelle elle a procédé, en 2014, de dividendes perçus de ses filiales au cours de plusieurs exercices antérieurs. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 22 septembre 2021 en tant que la cour administrative d'appel de Paris a partiellement déchargé la société Polyanna de l'imposition en litige.

2. Le premier alinéa de l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dispose que : " Lorsque le redevable démontre qu'il a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions, circulaires ou réponses publiées au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie à une date antérieure à celle du fait générateur à laquelle se rapportent les impositions litigieuses et qu'elle n'avait pas modifiée au moment des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement d'impositions déjà établies, en soutenant une interprétation différente. ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de la garantie qu'elles instituent n'est applicable qu'aux rehaussements d'impositions déjà établies et ne saurait faire obstacle à l'établissement d'une imposition primitive.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour accorder la réduction d'imposition réclamée par la société Polyanna, la cour administrative d'appel de Paris, sur le fondement de l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, cité au point 2, a fait application de la réponse de l'administration fiscale n° 1251 en date du 30 août 1993 publiée au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie du 23 septembre 1993. Or il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, si la société avait déclaré les redistributions en litige, elle avait estimé qu'elles devaient être exonérées en application des articles 536 et 536 bis du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et les avait soustraites de sa base imposable, de telle sorte qu'elle n'avait pas supporté l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières sur ces redistributions. Il s'ensuit que la remise en cause par l'administration fiscale du bénéfice de cette exonération avait le caractère d'une imposition primitive. Elle n'entrait donc pas dans le champ d'application de la garantie instituée par l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. En ne relevant pas d'office ce motif d'ordre public qui ressortait des pièces du dossier, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a réduit l'imposition en litige.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. En premier lieu, l'article 529 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie soumet à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières les dividendes distribués par les sociétés ayant leur siège social en Nouvelle-Calédonie. Selon son article 545, le montant de l'impôt dû est payé par la société qui verse les dividendes. Aux termes de son article 536, en vigueur à la date des impositions en litige : " Lorsqu'une société par actions ou à responsabilité limitée a reçu, en représentation de versements ou d'apports en nature ou en numéraire par elle faits : / a) à une autre société par actions, des actions ou des obligations nominatives de cette dernière société, / b) à une autre société à responsabilité limitée, des parts d'intérêts de cette dernière société ou des titres de créance, / les dividendes et intérêts distribués par la première société sont, pour chaque exercice, exonérés de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, dans la mesure du produit de ces actions, obligations et parts d'intérêts ou titres de créance touché par elle au cours de l'exercice qui ont déjà supporté l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières à condition que ces actions, obligations et parts d'intérêts ou titres de créance soient restés inscrits au nom de la société cédante ( ... ) ". Aux termes de l'article 536 bis du même code, alors en vigueur : " Pour les distributions effectuées à compter du 1er janvier 1993, le bénéfice des dispositions de l'article 536 est transposé de plein droit et sous conditions identiques pour les dividendes issus de participations autres que celles résultant d'apports ou d'augmentations de capital ". Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 232-12 et du second alinéa de l'article L. 232-13 du code de commerce applicable à la Nouvelle-Calédonie que les bénéfices d'un exercice sont normalement distribués lors de l'exercice suivant dans un délai maximal de neuf mois après sa clôture. Toutefois, le deuxième alinéa de l'article L. 232-12 permet, dans certaines conditions, de distribuer des acomptes sur dividendes avant l'approbation des comptes de l'exercice.

6. Il résulte de la lettre de l'article 536 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, cité au point précédent, que l'exonération d'imposition sur les revenus de valeurs mobilières qu'il institue en faveur des dividendes faisant l'objet d'une redistribution après avoir déjà supporté cette imposition lors de leur distribution initiale ne concerne que les dividendes perçus au cours de l'exercice au titre duquel leur redistribution est décidée, c'est-à-dire ceux qui sont reversés au cours du même exercice lorsque les dispositions du code de commerce le permettent ou au cours de l'exercice suivant selon les modalités de droit commun prévues par ce code. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions ainsi interprétées de l'article 536, en tout état de cause, ne privent pas d'effet utile le mécanisme d'exonération d'imposition qu'elles instituent en faveur des dividendes faisant l'objet d'une redistribution, pas plus qu'elles n'instaurent de différence de traitement injustifiée entre les dividendes redistribués ni ne méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques.

7. Il résulte de l'instruction que les dividendes en litige, perçus par la société Polyanna au titre des exercices clos les 30 juin 2009, 30 juin 2010 et 31 décembre 2011, ont été redistribués par elle en 2014. La société Polyanna n'est donc pas fondée à soutenir qu'ils auraient dû être exonérés de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières en application des dispositions, citées au point 5, des articles 536 et 536 bis du code général des impôts de la Nouvelle-Calédonie.

8. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que la société Polyanna n'est pas fondée à invoquer la garantie instituée par l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie pour demander l'application de la réponse de l'administration fiscale n° 1251 en date du 30 août 1993 publiée au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie du 23 septembre 1993. La société requérante ne saurait pas davantage soutenir que l'administration fiscale, en remettant en cause l'exonération d'imposition de la redistribution des dividendes dont elle avait admis le principe pendant une longue période, aurait méconnu le principe de sécurité juridique, ni, en tout état de cause, une obligation de loyauté. Enfin, elle ne peut, en tout état de cause, pas invoquer utilement le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne et ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif est régie par ce droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande de décharge des impositions en litige.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Polyanna en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 22 septembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : La requête présentée par la société Polyanna devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.

Article 3 : La société Polyanna versera une somme de 3 000 euros à la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Polyanna au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la société Polyanna.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. David Moreau, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 7 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. David Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Naouel Adouane


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 458671
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 2023, n° 458671
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:458671.20230407
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