Vu la procédure suivante :
Par une requête, deux autres mémoires, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 16 mai, 5 et 6 octobre, 16 novembre et 7 décembre 2022 et le 4 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale du taxi (FNDT), la société par actions simplifiées Alonso, la société par actions simplifiée AP Taxis et la société à responsabilité limitée Taxis Bauer David demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la Caisse nationale de l'assurance maladie rejetant leur demande du 13 janvier 2022 tendant au retrait de la formule de calcul, différente de celle prévue au VI de l'article 2 du décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 relatif à la mise en œuvre de l'aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19, adoptée pour calculer le montant de l'indemnisation de la perte d'activité des exploitants de taxi conventionnés, ainsi que cette formule de calcul ;
2°) d'enjoindre à la Caisse nationale de l'assurance maladie d'adopter la formule de calcul telle qu'issue du VI de l'article 2 du décret du 30 décembre 2020 avant sa modification par le décret n° 2022-568 du 15 avril 2022 ;
3°) de mettre à la charge de la Caisse nationale de l'assurance maladie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2019 ;
- le décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 ;
- le décret n° 2022-568 du 15 avril 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Caisse nationale de l'assurance maladie ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'ordonnance du 2 mai 2020 instituant une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19, la Caisse nationale de l'assurance maladie, par un fonds d'aide aux professionnels de santé conventionnés, a financé un dispositif d'indemnisation de la perte d'activité (DIPA) permettant à ces professionnels de couvrir leurs charges malgré la baisse de leur activité au cours de la période allant du 16 mars au 30 juin 2020. Pouvaient notamment bénéficier de cette aide, sur leur demande, les entreprises de taxi préalablement conventionnées avec les caisses primaires d'assurance maladie et dont les revenus d'activité étaient financés pour une part majoritaire par l'assurance maladie. L'aide, qui tenait compte du niveau moyen des charges fixes de la profession, des conditions d'exercice et du niveau de la baisse des revenus d'activité du demandeur financés par l'assurance maladie, pouvait faire l'objet d'acomptes et la Caisse nationale de l'assurance maladie, après avoir arrêté le montant définitif au vu de la baisse des revenus d'activité effectivement subie par le demandeur, a procédé, s'il y avait lieu, au versement du solde ou à la récupération du trop-perçu selon la procédure prévue à l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale au plus tard le 1er décembre 2022. Le décret du 30 décembre 2020 relatif à la mise en œuvre de l'aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19, pris pour l'application de l'ordonnance, a prévu notamment, au 1° de son article 1er, que s'agissant des prestataires visés à l'article 1er de l'ordonnance, dont font partie les exploitants de taxi conventionnés, l'aide visait à couvrir les charges fixes pour la période du 16 mars au 30 juin 2020. Au VI de son article 2, le même décret a fixé la formule de calcul du montant de l'aide pour les entreprises de taxis dont la part du chiffre d'affaires remboursable réalisé au titre du transport de patients représentait plus de la moitié du chiffre d'affaires total. Enfin, en vertu des articles 3 et 4 du même décret, pour bénéficier de l'aide, les exploitants de taxis conventionnés devaient présenter leur demande, par voie dématérialisée au moyen d'un télé-service mis à disposition par la Caisse nationale de l'assurance maladie, au plus tard dans les quinze jours suivant la publication du décret, intervenue le 31 décembre 2020, à la suite de quoi un ou plusieurs acomptes dans la limite de 80 % ont pu être versés, le montant définitif de l'aide étant déterminé au plus tard dans les six mois après cette date.
2. A la suite de la notification aux exploitants de taxis conventionnés par les caisses primaires d'assurance maladie du montant définitif de l'aide à laquelle ils pouvaient prétendre, la Fédération nationale du taxi et autres ont demandé à la Caisse nationale de l'assurance maladie, par un courrier du 13 janvier 2022 reçu par la caisse le 17 janvier 2022, de retirer la formule de calcul qu'elle avait prescrit aux caisses primaires d'assurance maladie d'appliquer. Les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cette formule de calcul ainsi que du rejet implicite de leur recours gracieux.
3. Il ressort des pièces du dossier, comme l'admet d'ailleurs la Caisse nationale de l'assurance maladie, qu'elle a prescrit aux caisses primaires d'assurance maladie, dans la présentation qu'elle leur a faite du dispositif d'indemnisation pour perte d'activité, notamment au cours de réunions organisées au cours de l'été 2021, d'appliquer une formule différente de celle prévue au VI de l'article 2 du décret du 30 décembre 2020 pour calculer le montant définitif de l'aide aux exploitants de taxis éligibles à cette aide, en préconisant de déduire du montant de l'aide versée les autres aides et compensations reçues au titre de dispositifs publics, non pas, comme le prévoit ce texte, à due concurrence de la part dans le chiffre d'affaire 2019 des honoraires remboursables perçus en 2019 pour la période correspondant à celle de l'aide, soit trois mois et demi, mais à due concurrence de la part dans le chiffre d'affaire 2019 des honoraires remboursables perçus sur l'ensemble de l'année 2019, conduisant ainsi à un montant d'aide inférieur.
4. Si la Caisse nationale de l'assurance maladie fait valoir qu'elle s'est bornée, ce faisant, à interpréter le VI de l'article 2 du décret du 30 décembre 2020 en lui restituant sa juste portée, compte tenu de l'incohérence manifeste de la formule de calcul énoncée par les dispositions du décret, ce qui est corroboré par la modification apportée ultérieurement en ce sens par le décret du 15 avril 2022, il reste que la formule de calcul dont la Caisse a prescrit l'utilisation aux caisses primaires d'assurance maladie diffère de celle résultant des termes mêmes du VI de l'article 2 du décret du 30 décembre 2020, lesquels sont clairs et dépourvus de toute ambiguïté. Dans ces conditions, l'interprétation prescrite par la Caisse nationale de l'assurance maladie ne peut qu'être regardée comme ayant méconnu le sens et la portée du VI de l'article 2 du décret du 30 décembre 2020.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent, ainsi que du rejet de leur recours gracieux.
6. L'exécution de la présente décision, qui annule la décision prescrivant de mettre en œuvre une interprétation erronée du droit positif n'implique pas nécessairement que la Caisse nationale de l'assurance maladie prenne un acte pour indiquer qu'il doit être fait application aux exploitants de taxis d'une formule de calcul conforme au VI de l'article 2 du décret du 30 décembre 2020 dans sa rédaction applicable avant sa modification par le décret du 15 avril 2022. Il n'y a, dès lors, pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse nationale de l'assurance maladie une somme globale de 3 000 euros à verser aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la Caisse nationale de l'assurance maladie.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite de rejet par la Caisse nationale de l'assurance maladie de la demande de la Fédération nationale du taxi et autres de retirer la formule de calcul appliquée aux exploitants de taxi pour déterminer le montant définitif de l'aide accordée en application du décret du 30 décembre 2020 et la décision prescrivant de faire application de cette formule sont annulées.
Article 2 : La Caisse nationale de l'assurance maladie versera à la Fédération nationale du taxi, à la société Alonso, à la société AP Taxis et à la société Taxis Bauer David une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Caisse nationale de l'assurance maladie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale du taxi, représentante unique désignée, pour l'ensemble des requérants, et à la Caisse nationale de l'assurance maladie.
Copie en sera adressée au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 mars 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; M. Guillaume Larrivé, maître des requêtes ; Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 30 mars 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber