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30/03/2023 | FRANCE | N°462949

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 30 mars 2023, 462949


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 5 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale Solidaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 mars 2022 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes pour le mandat prud'homal 2023-2025 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

:

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-388 du 1er avril 2020 ;

- le code de j...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 5 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale Solidaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 mars 2022 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes pour le mandat prud'homal 2023-2025 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-388 du 1er avril 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l'Union syndicale Solidaires ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article L. 1441-2 du code du travail, les conseillers prud'hommes " sont nommés conjointement par le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail tous les quatre ans par conseil de prud'hommes, collège et section, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles " selon les modalités fixées au chapitre Ier du titre IV du livre IV de la première partie du code du travail. L'article L. 1441-2 de ce code prévoit que : " Les conseillers prud'hommes sont nommés durant l'année suivant chaque cycle de mesure de l'audience syndicale définie au 5° de l'article L. 2121-1 pour le collège des salariés (...) ". Le 5° de cet article L. 2121-1 du code du travail précise selon quels critères doit être mesurée l'audience des organisations syndicales suivant le niveau de négociation concerné et renvoie à cette fin aux dispositions des articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6, L. 2122-9 du même code, qui fixent respectivement ces critères au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, au niveau de la branche professionnelle ainsi qu'au niveau national et interprofessionnel. A la suite du scrutin visant à mesurer l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés intervenu, en vertu de l'ordonnance du 1er avril 2020 relative au report et à la prorogation des mandats des conseillers prud'hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, au premier semestre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail ont, le 14 mars 2022, arrêté le nombre de sièges attribués aux organisations syndicales et professionnelles pour la durée du mandat prud'homal 2023-2025. L'Union syndicale Solidaires demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article R. 1431-3 du code du travail : " Le Conseil supérieur de la prud'homie est consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs : / (...) 2° A la désignation, au statut et à la formation des conseillers prud'hommes (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est tenue de consulter le Conseil supérieur de la prud'homie sur le projet d'arrêté fixant le nombre de sièges de conseillers prud'hommes attribués aux différentes organisations syndicales et professionnelles. Compte tenu de ce que la répartition des sièges dans les conseils de prud'hommes résulte de l'addition de nombreux résultats, suivant l'affiliation de nombreuses organisations, secteur par secteur, représentant des centaines de pages de documents, les membres du Conseil supérieur de la prud'homie doivent disposer, suffisamment en amont de la réunion au cours de laquelle ce conseil donne son avis sur le projet d'arrêté d'attribution de ces sièges, des éléments nécessaires pour être en mesure de porter utilement une appréciation sur cette répartition.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, les membres du Conseil supérieur de la prud'homie ont été conviés par la direction générale du travail à une réunion d'information sur l'élaboration de l'arrêté litigieux qui s'est tenue le 15 décembre 2021. Ces membres ont eu communication des données ayant servi à l'élaboration du projet d'arrêté litigieux et de ce projet le 7 février 2022 et le Conseil a rendu son avis sur ce texte lors de sa réunion du 18 février 2022. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les membres du Conseil supérieur de la prud'homie n'auraient pas disposé en temps utile des éléments propres à leur permettre de porter valablement une appréciation sur la répartition des sièges projetée.

Sur la légalité interne :

4. L'article L. 1423-1 du code du travail prévoit que chaque conseil de prud'hommes est divisé en cinq sections, chacune comprenant au moins trois conseillers prud'hommes employeurs et trois conseillers prud'hommes salariés, et l'article L. 1423-1-1 du même code précise que, sous réserve des dispositions relatives à la section de l'encadrement définies à l'article L. 1423-1-2 de ce code, " les affaires sont réparties entre les sections du conseil des prud'hommes au regard du champ d'application de la convention ou de l'accord collectif de travail dont le salarié partie au litige relève ". Aux termes de l'article L. 1441-4 du code du travail : " Le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail arrêtent le nombre de sièges attribués pour la durée du mandat aux organisations syndicales et professionnelles par conseil de prud'hommes, collège et section, en fonction du nombre de conseillers défini à l'article L. 1423-2 ", c'est-à-dire, pour chaque conseil de prud'hommes, du nombre de conseillers à nommer par collège dans les différentes sections, et " pour les organisations syndicales de salariés, des suffrages obtenus au niveau départemental par chaque organisation dans le cadre de la mesure de l'audience définie au 5° de l'article L. 2121-1 ". Aux termes de l'article R. 1441-3 du même code : " Pour le collège des salariés, la détermination du nombre des sièges de chaque section de chacun des conseils de prud'hommes du département mentionnée à l'article L. 1441-4 prend en compte les suffrages retenus pour la mesure de l'audience au niveau national et interprofessionnel présentée en Haut Conseil du dialogue social en application de l'article R. 2122-3, par département et par section pour chaque organisation syndicale ".

5. En déterminant, en fonction de leur audience départementale, le nombre de sièges à attribuer aux organisations syndicales dans chaque section de chacun des conseils de prudhommes du département, conformément aux dispositions de l'article R. 1441-3 du code du travail, et non globalement pour l'ensemble des sections du ou des conseils de prudhommes du département, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu l'article L. 1441-4 du code du travail ni fait application de dispositions règlementaires qui seraient elles-mêmes illégales.

6. Par suite, l'union syndicale requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'Union syndicale Solidaires est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union syndicale Solidaires, au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 mars 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; M. Guillaume Larrivé, maître des requêtes et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 30 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Eric Buge

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 462949
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-01-02-01 TRAVAIL ET EMPLOI. - INSTITUTIONS DU TRAVAIL. - JURIDICTIONS DU TRAVAIL. - ÉLECTION DES CONSEILS DE PRUD'HOMMES. - ATTRIBUTION DES SIÈGES DÉVOLUS AUX ORGANISATIONS SYNDICALES (ART. L. 1441-4 DU CODE DU TRAVAIL) – ARRÊTÉ AYANT DÉTERMINÉ LEUR NOMBRE EN FONCTION DE L’AUDIENCE DÉPARTEMENTALE DANS CHAQUE SECTION DE CHACUN DES CONSEILS ET NON GLOBALEMENT À L’ÉCHELLE DU DÉPARTEMENT – LÉGALITÉ – EXISTENCE.

66-01-02-01 Arrêté du 14 mars 2022 portant attribution des sièges de conseillers prud’hommes pour le mandat prud’homal 2023-2025. ...En déterminant, en fonction de leur audience départementale, le nombre de sièges à attribuer aux organisations syndicales dans chaque section de chacun des conseils de prudhommes du département, conformément à l’article R. 1441-3 du code du travail, et non globalement pour l’ensemble des sections du ou des conseils de prudhommes du département, cet arrêté n’a pas méconnu l’article L. 1441-4 du même code ni fait application de dispositions règlementaires qui seraient elles-mêmes illégales.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2023, n° 462949
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462949.20230330
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