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27/03/2023 | FRANCE | N°460777

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 27 mars 2023, 460777


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 14 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Castorama France dirigées contre le jugement n° 2104020 du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions relatives aux cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles cette société a été assujettie au titre de l'année 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le

15 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souverain...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 14 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Castorama France dirigées contre le jugement n° 2104020 du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions relatives aux cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles cette société a été assujettie au titre de l'année 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet, dans cette mesure, du pourvoi.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 6 mars 2023, la société Castorama France conclut aux mêmes fins que son pourvoi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Castorama France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la société Castorama France a été assujettie à des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison de ses établissements situés à Chambéry (Savoie), à Saint-Martin-d'Hères (Isère), à Bourgoin-Jallieu (Isère), à Epagny Metz-Tessy (Haute-Savoie) et à Saint-Marcel-lès-Valence (Drôme). Par un jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. Par une décision du 16 juin 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ce jugement en tant qu'il a statué, pour ce qui concerne les impositions dues au titre des années 2011 et 2012, sur les conclusions tendant à ce que soient tirées les conséquences, pour la détermination de la taxe, de la prise en compte de la surface de chapiteaux adjoints à titre temporaire aux locaux permanents de la société et renvoyé dans cette mesure l'affaire au tribunal administratif. Par un jugement du 23 novembre 2021 celui-ci a réduit les surfaces de vente à prendre en compte pour établir les cotisations de taxe sur les surfaces commerciales dues au titre des années 2011 et 2012 à raison des établissements situés à Bourgoin-Jallieu et Chambéry, prononcé la réduction correspondante de ces impositions et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La société se pourvoit en cassation contre ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande pour ces deux établissements. Par une décision du 14 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a admis les conclusions du pourvoi dirigées contre ce jugement en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions relatives aux impositions établies au titre de l'année 2012.

2. L'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés établit une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors que cette surface dépasse 400 mètres carrés, des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960, quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. Aux termes des alinéas 3 et 4 de cet article, dans leur rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " la surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe (...) (s'entend) des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. / La surface de vente des magasins de commerce de détail prise en compte pour le calcul de la taxe ne comprend que la partie close et couverte de ces magasins ". Ce même article prévoit que le taux de la taxe sur les surfaces commerciales est fonction du rapport entre le chiffre d'affaires de l'établissement assujetti, calculé conformément aux dispositions de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, et la surface de vente. L'article 6 de la loi du 13 juillet 1972 précitée dispose que le fait générateur de la taxe est constitué par l'existence de l'établissement au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due. Le dernier alinéa de l'article 1er du décret du 26 janvier 1995, applicable à la taxe due au titre de l'année en litige, précise que " lorsque la surface de vente est créée ou modifiée en cours d'exercice, le chiffre d'affaires annuel au mètre carré à prendre en compte est calculé au prorata du temps d'ouverture de ces surfaces ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour l'établissement de la taxe sur les surfaces commerciales due au titre de l'année 2012 en litige, la surface de vente à retenir pour le calcul de l'assiette est celle dont disposait l'établissement à raison duquel la taxe est établie à la date du fait générateur de l'imposition, soit le 1er janvier 2012. Doit être prise en compte, à cet égard, la surface de la totalité des espaces de l'établissement affectés, à la date du fait générateur, à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, à l'exposition des marchandises proposées à la vente ou à leur paiement et à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente qui présentent un caractère clos et couvert, sans qu'il y ait lieu d'exclure les surfaces des espaces ne revêtant pas un caractère permanent. Pour la détermination du taux de la taxe, il y a lieu, pour calculer le chiffre d'affaires au mètre carré, de tenir compte des surfaces de vente créées ou modifiées en cours d'exercice, y compris celles qui revêtent un caractère temporaire, au prorata du temps d'ouverture de ces surfaces.

4. Les paragraphes 58 à 60 de l'instruction fiscale 6 F-2-12 du 23 avril 2012, publiée au Bulletin officiel des impôts du 3 mai 2012, soit antérieurement à la date limite de déclaration de la taxe sur les surfaces commerciales due au titre de l'année 2012, commente les dispositions précitées de la loi fiscale en ces termes : " Lorsque la surface de vente exploitée est modifiée au cours de l'année précédant celle au titre de laquelle la taxe est due, le montant de la taxe est égal à la somme des montants de taxe dus pour chaque période concernée. / En application du dernier alinéa de l'article 1 du décret n°95-85 du 26 janvier 1995, lorsque la surface de vente est créée ou modifiée en cours d'exercice, le chiffre d'affaire annuel au m2 à prendre en compte est calculé au prorata du temps d'ouverture de ces surfaces. Par conséquent, en cas de modification de la surface de vente d'un établissement, le taux de la TaSCom est déterminé en rapportant le chiffre d'affaires annuel proratisé pour chaque période à la surface de chaque période considérée. Une fois le taux ainsi déterminé pour chaque période, celui-ci est ensuite appliqué à la surface de chaque période, avec application des éventuelles majorations ou réductions. / Dans le cas d'une modification de la surface de vente en cours d'année, le montant de la taxe due pour chaque période est fonction du taux, des majorations ou modulations de la taxe, déterminées pour chaque période ". Ces énonciations prévoient ainsi une règle de fractionnement de l'exercice en plusieurs périodes correspondant à des surfaces de vente différentes, le montant de la taxe dû au titre de l'année étant égal à la somme des montants de taxe calculés pour chaque période concernée, l'assiette, le taux et les éventuelles majorations étant calculés distinctement pour chaque période, en fonction de la surface de vente de la période et du chiffre d'affaire proratisé et par application du barème prévu par l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972.

5. Ces énonciations donnent ainsi de la loi fiscale une interprétation qui diffère de celle rappelée au point 3 et dont les contribuables sont, par suite, susceptibles de se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. En se fondant, pour refuser à la société requérante le bénéfice de l'interprétation contenue dans cette instruction, qu'elle invoquait, sur ce que celle-ci ne comportait aucune interprétation formelle de la loi fiscale, le tribunal administratif a par suite commis une erreur de droit.

6. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la société Castorama France est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur les impositions établies au titre de l'année 2012.

7. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations souscrites par la société requérante, que, s'agissant des établissements de Chambéry et Bourgoin-Jallieu, celle-ci a, pour une partie de l'année 2011, adjoint des chapiteaux temporaires à ses surfaces de vente permanentes. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que la société est fondée à soutenir qu'il y a lieu de prendre en compte ces surfaces de vente closes pour l'établissement de sa cotisation de taxe sur les surfaces commerciales au titre de 2012.

9. En revanche, ainsi qu'il est également dit au point 3, s'il convient, pour le calcul du chiffre d'affaires par mètre carré en vue de la détermination du taux d'imposition, de tenir compte des surfaces de vente créées ou modifiées en cours d'exercice, y compris celles qui revêtent un caractère temporaire, au prorata du temps d'ouverture de ces surfaces, il n'y a pas lieu de fractionner l'année en plusieurs périodes correspondant à des surfaces de vente différentes. Il suit de là que la société n'est pas fondée à demander, sur le terrain de la loi, que sa cotisation soit calculée par addition de montants dus pour chaque période comportant une surface de vente distincte.

10. Il résulte toutefois de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la société Castorama France est fondée à se prévaloir de l'instruction 6 F-2-12 du 23 avril 2012, selon laquelle il y a lieu de fractionner l'année et de calculer la taxe sur les surfaces commerciales par addition des montants dus pour chacune des périodes successives, débutant à chaque modification de surface. Il résulte de l'instruction que pour l'établissement de Bourgoin-Jallieu, la surface de vente était de 8 517 m2 pour une première période de 235 jours, puis de 9 742 m2 pour une deuxième période de 13 jours et, enfin, de 8 517 m2 pour une troisième période de 117 jours. Pour l'établissement de Chambéry, la surface de vente était de 9 773 m2 pour une première période de 235 jours, puis de 10 273 m2 pour une deuxième période de 13 jours et, enfin, de 9 773 m2 pour troisième période de 117 jours. La société Castorama est par suite fondée à solliciter la décharge des suppléments de taxe sur les surfaces commerciales résultant de la différence entre l'imposition mise à sa charge par les avis de mise en recouvrement des 18 et 29 mai 2015 et l'imposition résultant de la somme des cotisations calculées distinctement pour chacune de ces trois périodes.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Castorama France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il concerne les impositions établies au titre de l'année 2012 à raison des établissements de Bourgoin-Jallieu et Chambéry.

Article 2 : La cotisation de taxe sur les surfaces commerciales assignée à la société Castorama France au titre de l'année 2012 à raison de ses établissements situés à Bourgoin-Jallieu et Chambéry doit être déterminée selon les modalités de calcul fixées au point 10 de la présente décision.

Article 3 : La société Castorama France est déchargée de la fraction des cotisations de taxes sur les surfaces commerciales en litige correspondant à la différence entre le montant mis en recouvrement et le montant résultant de l'article 2.

Article 4 : L'Etat versera à la société Castorama France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée unipersonnelle Castorama France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Alianore Descours

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 460777
Date de la décision : 27/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2023, n° 460777
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alianore Descours
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460777.20230327
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