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27/03/2023 | FRANCE | N°453633

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 27 mars 2023, 453633


Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le préfet de la région Grand Est a rejeté sa demande tendant à la communication, d'une part, du dossier de la demande d'agrément relatif aux activités de maîtrise d'ouvrage " d'opérations d'acquisition, de construction ou de réhabilitation de logements ou de structures d'hébergement en tant que propriétaire ou preneur de bail à construction, emphytéotique ou de bail à réhabilitation ", déposé par l'association "

Centre meusien d'amélioration du logement " (CMAL), et, d'autre part, de ...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le préfet de la région Grand Est a rejeté sa demande tendant à la communication, d'une part, du dossier de la demande d'agrément relatif aux activités de maîtrise d'ouvrage " d'opérations d'acquisition, de construction ou de réhabilitation de logements ou de structures d'hébergement en tant que propriétaire ou preneur de bail à construction, emphytéotique ou de bail à réhabilitation ", déposé par l'association " Centre meusien d'amélioration du logement " (CMAL), et, d'autre part, de l'avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) de la région Grand Est sur cette demande d'agrément.

Par un jugement n° 2002571 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif a annulé le refus de communiquer l'organigramme du CMAL, les statuts de cette association, le budget en cours, le budget prévisionnel et les comptes financiers des deux derniers exercices clos mais rejeté le surplus des conclusions de la demande dont il était saisi.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 9 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a demandé au préfet de la région Grand Est la communication du dossier d'agrément relatif aux activités de maîtrise d'ouvrage " d'opérations d'acquisition, de construction ou de réhabilitation de logements ou de structures d'hébergement en tant que propriétaire ou preneur de bail à construction, emphytéotique ou de bail à réhabilitation ", déposé par l'association " Centre meusien d'amélioration du logement " (CMAL). Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du refus opposé à sa demande de communication en tant qu'elle visait l'estimation prévisionnelle du coût des travaux envisagés par le CMAL et l'avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) relatif à la demande d'agrément de cette association, par un jugement dont le requérant demande l'annulation dans cette mesure.

2. L'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte (...) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence ".

3. En vertu de l'article L. 365-2 du code de la construction et de l'habitation : " Les organismes qui exercent des activités de maîtrise d'ouvrage mentionnées au 1° de l'article L. 365-1 sont agréés par l'autorité administrative selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Les critères d'obtention de l'agrément portent sur les capacités financières de l'organisme, sa compétence dans le domaine du logement et le caractère désintéressé de la gestion de ses dirigeants ". Aux termes du 10° de l'article R. 365-5 du même code, l'organisme fournit, dans le cas où il sollicite l'agrément mentionné à l'article L. 365-2 : " / b) Un programme de construction, d'acquisition-amélioration et de rénovation pour les trois prochaines années ainsi qu'une estimation prévisionnelle du coût des travaux ; / c) Une copie de l'avis du comité régional de l'habitat ou de chaque comité régional de l'habitat concerné par la demande d'agrément, saisis par ses soins ".

Sur le jugement attaqué en ce qu'il statue sur la demande de communication de l'avis du comité régional de l'habitat :

4. En jugeant qu'il n'existait pas d'autre document correspondant à l'avis demandé que le courrier adressé par la directrice de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement au directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages faisant état de cet avis, après avoir relevé que le code de la construction et de l'habitation ne soumettait cet avis à aucun formalisme particulier, le tribunal administratif de Strasbourg a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation. En déduisant de la communication à M. A... de ce courrier que la demande du requérant avait été satisfaite en ce qui concerne l'avis du comité, le tribunal n'a entaché son jugement d'aucune erreur de droit.

Sur le jugement attaqué en ce qu'il statue sur l'estimation prévisionnelle du coût des travaux :

5. En premier lieu, si le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait état de ce que l'estimation prévisionnelle du coût des travaux a été communiquée au requérant après occultation des informations portant sur des secrets protégés par la loi, en particulier le secret des affaires, une telle circonstance n'est pas susceptible de priver le litige d'objet dès lors que M. A... a sollicité la communication du document complet sans occultation.

6. En second lieu, pour rejeter la demande de M. A... portant sur l'estimation prévisionnelle du coût des travaux fournie par le CMAL à l'appui de sa demande d'agrément, conformément au b) du 10° de l'article R. 365-5 du code de la construction et de l'habitation, le tribunal administratif s'est borné à relever qu'un tel document pouvait contenir des informations financières sur les travaux en cours ou à venir pour en déduire que sa communication portait atteinte au secret des affaires. En statuant ainsi, le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement. Par suite, M. A... est fondé à en demander l'annulation en tant qu'il se prononce sur la communication de l'estimation prévisionnelle du coût des travaux fournie par le CMAL dans le cadre de sa demande d'agrément.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'estimation prévisionnelle du coût des travaux devant figurer au dossier d'agrément en vertu du b) du 10° de l'article R. 365-5 du code de la construction et de l'habitation, portant sur un programme de travaux de trois ans, a été fournie par le CMAL à l'appui de la demande d'agrément qu'il a déposée en 2016. Alors même que les travaux envisagés seraient désormais achevés, ce document comporte des données économiques et financières et révèle des éléments de la stratégie du CMAL dont la divulgation serait de nature à affecter la concurrence entre les opérateurs de logement social. Par suite, la communication de ce document porterait, en l'espèce, atteinte au secret des affaires. Il en résulte que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du refus de communication de ce document doivent être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision implicite rejetant la demande de M. A... tendant à la communication de l'estimation prévisionnelle du coût des travaux transmise par l'association " Centre meusien d'amélioration du logement " à l'appui de sa demande d'agrément.

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande de communication de l'estimation prévisionnelle du coût des travaux mentionnée à l'article 1er sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 mars 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Bruno Delsol, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, conseillers d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 mar. 2023, n° 453633
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Date de la décision : 27/03/2023
Date de l'import : 12/05/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 453633
Numéro NOR : CETATEXT000047357723 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2023-03-27;453633 ?
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