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27/03/2023 | FRANCE | N°451633

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 27 mars 2023, 451633


Vu les procédures suivantes :

I. La société Parc éolien des terres et vents de Ravières a demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 4 septembre 2018 rejetant sa demande d'autorisation environnementale en vue d'exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Ravières, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux. Par un arrêt n° 18LY04638 du 11 février 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a fait droit à sa demande.

Sous le

n° 451633, par un pourvoi enregistré le 12 avril 2021 au secrétariat du content...

Vu les procédures suivantes :

I. La société Parc éolien des terres et vents de Ravières a demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 4 septembre 2018 rejetant sa demande d'autorisation environnementale en vue d'exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Ravières, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux. Par un arrêt n° 18LY04638 du 11 février 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a fait droit à sa demande.

Sous le n° 451633, par un pourvoi enregistré le 12 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la société Parc éolien des terres et vents de Ravières.

Sous le n° 451634, par un pourvoi enregistré le 12 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la société Parc éolien des terres et vents de Ravières.

....................................................................................

Sous le n° 451635, par un pourvoi enregistré le 12 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la société Parc éolien des terres et vents de Ravières.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté interministériel du 10 octobre 1957 relatif au survol des agglomérations et des rassemblements de personnes ou d'animaux ;

- l'arrêté interministériel du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- l'arrêté du ministre de la défense du 20 juillet 2016 fixant les règles et services de la circulation aérienne militaire ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Parc éolien des terres et vents de Ravières ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 23 février 2023, dans chacune des instances, présentées par la société Parc éolien des terres et vents de Ravières.

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Par trois arrêtés du 4 septembre 2018, le préfet de l'Yonne a rejeté les demandes d'autorisation environnementale présentées par la société Parc éolien des terres et vents de Ravières en vue d'exploiter, sur le territoire de la commune de Ravières, des parcs éoliens composés respectivement de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison (parc " TVR n° 2 "), quatre aérogénérateurs et un poste de livraison (parc " TVR n° 3 ") et, enfin, trois aérogénérateurs et un poste de livraison (parc " TVR n° 4 "), en se fondant, à chaque fois, sur les avis défavorables émis le 7 août 2018 par la direction de la sécurité aéronautique d'Etat du ministère des armées du fait de la localisation des projets dans un secteur dédié de façon permanente à l'entraînement au vol à très basse altitude (SETBA AUBE), au motif que ces projets seraient préjudiciables à la sécurité des vols et la réalisation des missions des forces armées. Par trois arrêts du 11 février 2021, contre lesquels le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit régulièrement en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ces arrêtés, ainsi que les décisions rejetant les recours gracieux formés par la société Parc éolien des terres et vents de Ravières, au motif que le ministre des armées aurait méconnu les dispositions de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile en émettant de tels avis défavorables.

3. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : 1° Le ministre chargé de l'aviation civile (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable (...) ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté interministériel du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté interministériel du 10 octobre 1957 relatif au survol des agglomérations et des rassemblements de personnes ou d'animaux : " Sauf pour les besoins du décollage ou de l'atterrissage et des manœuvres qui s'y rattachent, les aéronefs motopropulsés (...) doivent se maintenir à une hauteur minima au-dessus du sol définie comme suit : (...) B-Pour le survol de toute agglomération dont la largeur moyenne ne dépasse pas 1 200 mètres (...) : 500 mètres pour les aéronefs équipés d'un moteur à pistons ; / 1 000 mètres pour les aéronefs équipés de plusieurs moteurs à pistons ou d'une ou plusieurs turbomachines. C-Pour le survol de toute ville dont la largeur moyenne est comprise entre 1 200 et 3 600 mètres (...) : 1000 mètres pour tous les aéronefs motopropulsés (...) ". Enfin, l'annexe de l'arrêté du ministre de la défense du 20 juillet 2016 fixant les règles et services de la circulation aérienne militaire prévoit, à son paragraphe 5006-01, que la hauteur de vol minimale est déterminée par l'obstacle le plus élevé situé dans un rayon égal à la distance parcourue en dix secondes de vol par un aéronef.

4. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération peut constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison d'une hauteur supérieure à 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense afin de recueillir leur accord, de sorte que l'autorisation unique tienne lieu de l'autorisation prévue à l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile. A défaut d'accord de l'un de ces ministres, l'autorité compétente est tenue de refuser l'autorisation demandée.

5. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond, notamment des documents cartographiques produits par l'administration, que la partie du SETBA Aube dans laquelle sont localisés les trois parcs éoliens projetés par la société Parc éolien des terres et vents de Ravières est empruntée par des appareils de l'armée de l'air lors de missions d'entraînement simulant les conditions de vol sur les théâtres étrangers, à très basse altitude. Lorsqu'ils circulent dans cette zone, les appareils doivent, pour les besoins de la simulation, passer par deux couloirs parallèles, orientés sud-ouest/nord-ouest, leur donnant accès à l'espace d'entraînement, sans pouvoir modifier temporairement leur altitude ni se cantonner à l'un des deux couloirs, sous peine de priver l'exercice de toute utilité. De plus, eu égard à la vitesse moyenne de vol des appareils concernés, qui s'élève à 833 km/h, le périmètre de sécurité à respecter autour de chacune des éoliennes litigieuses, découlant des dispositions précitées du paragraphe 5006-01 de l'arrêté du 20 juillet 2016 et correspondant à la distance parcourue en 10 secondes de vol, est de 2 350 mètres, ce qui empiète sur l'un des couloirs d'entrée dans le SETBA.

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en estimant, à propos du parc TVR n° 2, que les ouvrages projetés n'étaient pas susceptibles de constituer des obstacles pour la navigation aérienne au sens de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile au motif que, d'une part, la partie du SETBA affectée par l'implantation du projet servirait seulement à entrer dans l'espace d'entraînement sans qu'y soient simulées des missions et que, d'autre part, le périmètre de sécurité de 2 350 mètres n'empiéterait que sur l'un des deux couloirs aériens d'entrée dans ce secteur, alors qu'ainsi qu'il est dit au point 5, les appareils doivent pouvoir voler à basse altitude dès leur entrée dans l'espace d'entraînement et ne sauraient se cantonner à l'un des deux couloirs aériens, la cour administrative d'appel de Lyon a dénaturé les pièces du dossier.

7. En deuxième lieu, en jugeant, s'agissant du parc TVR n° 3, que la circonstance que celui-ci serait implanté à moins de deux kilomètres de la commune de Ravières faisait obstacle, du fait des dispositions précitées de l'article 1er de l'arrêté interministériel du 10 octobre 1957, à ce que ces ouvrages puissent constituer des obstacles pour la navigation aérienne, sans tenir compte des dispositions du paragraphe 5006-01 de l'arrêté du ministre de la défense du 20 juillet 2016 imposant un périmètre de sécurité de 2 350 mètres autour de chaque éolienne, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.

8. Enfin, en jugeant, s'agissant du parc TVR n° 4, que ces ouvrages n'étaient pas susceptibles de constituer des obstacles pour la navigation aérienne au motif que, d'une part, la partie du SETBA concernée ne serait utilisée que pour entrer dans l'espace d'entraînement et que, d'autre part, l'implantation des éoliennes litigieuses dans la stricte continuité du projet TVR n° 3 conduirait à faire obstacle, du fait de l'application des dispositions de l'arrêté interministériel du 10 octobre 1957, au survol à basse altitude de ces installations, la cour administrative d'appel de Lyon a dénaturé les pièces du dossier.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 février 2021 sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Parc éolien des terres et vents de Ravières au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Parc éolien des terres et vents de Ravières.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.

Rendu le 27 mars 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Antoine Berger

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 451633
Date de la décision : 27/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2023, n° 451633
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Antoine Berger
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:451633.20230327
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