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21/03/2023 | FRANCE | N°454374

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21 mars 2023, 454374


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 mars 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de Mme B... A... enregistré sous le n° 454374 dirigées contre l'arrêt n° 20MA00086 de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 mai 2021, en tant seulement que cet arrêt se prononce sur les préjudices nés des frais d'aménagement de l'appartement de Mme A... ainsi des frais d'aménagement des domiciles de ses parents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2022, l'Office national d'indemnisation de

s accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomia...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 mars 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de Mme B... A... enregistré sous le n° 454374 dirigées contre l'arrêt n° 20MA00086 de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 mai 2021, en tant seulement que cet arrêt se prononce sur les préjudices nés des frais d'aménagement de l'appartement de Mme A... ainsi des frais d'aménagement des domiciles de ses parents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut au rejet du pourvoi et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de Mme A... et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., née en 1997, ayant conservé d'une opération réalisée le 15 octobre 2015 par le centre hospitalier universitaire de Montpellier un lourd handicap, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner, sur le terrain de la prise en charge non fautive, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices subis, évalués à la somme de 3 363 513,90 euros. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 mai 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a réduit le montant de l'indemnisation accordée par le tribunal administratif en le fixant à la somme de 373 763,20 euros. Par une décision du 30 mars 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a admis le pourvoi de Mme A... dirigé contre cet arrêt, en tant qu'il se prononce sur les préjudices nés des frais d'aménagement de son appartement et des frais d'aménagement des domiciles de ses parents.

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir reconnu d'une part, qu'il incombait à l'ONIAM d'indemniser Mme A... au titre de la solidarité nationale en application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et, d'autre part, que son état de santé nécessitait l'aménagement de l'appartement qu'elle occupe à Montpellier, pendant la durée de ses études d'architecte, reconnaissant ainsi l'existence d'un préjudice de la patiente, s'est bornée à relever qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la désignation d'un expert pour évaluer le coût des travaux d'aménagement du domicile, dès lors que l'intéressée avait la possibilité de faire établir elle-même directement des devis. En rejetant ainsi les conclusions indemnitaires présentées pour ce poste de préjudice, alors qu'il lui revenait, le cas échéant, de faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour que soit précisée l'étendue de ce préjudice, la cour administrative d'appel a méconnu son office et commis une erreur de droit.

3. En second lieu, lorsque le préjudice à réparer consiste dans l'aménagement du domicile de la victime, il ouvre droit à son indemnisation alors même que la victime n'a pas avancé les frais d'aménagement. En outre, l'indemnisation des frais d'aménagement du logement doit porter en principe sur le domicile principal de la victime. Toutefois, lorsque la victime justifie, eu égard aux contraintes imposées par la nature et la gravité de son état de santé, partager son temps entre son domicile principal et un domicile familial ou celui d'un proche, elle est fondée, au titre de ce préjudice, à demander l'indemnisation des frais strictement nécessaires à son accueil dans cet autre domicile.

4. Il ressort des termes de l'arrêt attaqué que, pour juger que les frais d'adaptation du domicile familial ainsi que, après la séparation de ses parents, de l'appartement occupé par sa mère, n'étaient pas des préjudices personnels de la requérante, la cour s'est bornée à retenir que leur coût avait été exposé par ses parents. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour a ce faisant commis une erreur de droit. En s'abstenant, ensuite, d'une part, de tenir compte du fait, qui ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, que, s'agissant de la période immédiatement postérieure à son hospitalisation, le domicile familial constituait le domicile principal de Mme A... et, d'autre part, de rechercher, s'agissant de la période postérieure à la consolidation de son état de santé et à l'installation dans un domicile principal situé à proximité du lieu de ses études, si les deux logements parentaux qui avaient été aménagés en raison de son handicap ne constituaient pas des lieux entre lesquels elle justifiait, en raison des contraintes imposées par la nature et la gravité de son état de santé, partager son temps, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une seconde erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses demandes d'indemnisation des frais d'aménagement des logements qu'elle a occupés successivement à titre principal et des frais d'hébergement au domicile de ses parents.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font, en revanche obstacle, à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 mai 2021 est annulé en tant qu'il rejette les demandes d'indemnisation, d'une part, des frais d'aménagement des logements principaux de Mme A... et, d'autre part, des frais d'hébergement au domicile de ses parents.

Article 2 : L'affaire est, dans cette mesure, renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à Mme B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 21 mars 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454374
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-04 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. - RÉPARATION. - MODALITÉS DE LA RÉPARATION. - INDEMNISATION DU PRÉJUDICE CONSISTANT EN L’AMÉNAGEMENT DU DOMICILE DE LA VICTIME D’UN DOMMAGE CORPOREL – 1) CIRCONSTANCE QUE LA VICTIME N’A PAS AVANCÉ LES FRAIS D’AMÉNAGEMENT – INCIDENCE – ABSENCE – 2) MONTANT – APPRÉCIATION – A) PRINCIPE – FRAIS D’AMÉNAGEMENT DU DOMICILE PRINCIPAL – B) TEMPÉRAMENT – FRAIS D’AMÉNAGEMENT D’UN AUTRE DOMICILE, LORSQUE LA VICTIME JUSTIFIE PARTAGER SON TEMPS ENTRE CE DOMICILE ET SON DOMICILE PRINCIPAL.

60-04-04 1) Lorsque le préjudice à réparer consiste dans l’aménagement du domicile de la victime d’un dommage corporel, il ouvre droit à son indemnisation alors même que la victime n’a pas avancé les frais d’aménagement. ...2) a) En outre, l’indemnisation des frais d’aménagement du logement doit porter en principe sur le domicile principal de la victime. ...b) Toutefois, lorsque la victime justifie, eu égard aux contraintes imposées par la nature et la gravité de son état de santé, partager son temps entre son domicile principal et un domicile familial ou celui d’un proche, elle est fondée, au titre de ce préjudice, à demander l’indemnisation des frais strictement nécessaires à son accueil dans cet autre domicile.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2023, n° 454374
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Flavie Le Tallec
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP OHL, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:454374.20230321
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