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17/03/2023 | FRANCE | N°466719

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 17 mars 2023, 466719


Vu la procédure suivante :

Mme B... d'Arras a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 10 mai 2022 par laquelle le directeur des soins et coordinateur du pôle des formations paramédicales de l'Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) rattaché au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen Normandie l'a suspendue de sa formation d'infirmière à compter du 11 mai 2022. Par une ordonnance n° 2201533 du 29 juillet 20

22, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi somm...

Vu la procédure suivante :

Mme B... d'Arras a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 10 mai 2022 par laquelle le directeur des soins et coordinateur du pôle des formations paramédicales de l'Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) rattaché au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen Normandie l'a suspendue de sa formation d'infirmière à compter du 11 mai 2022. Par une ordonnance n° 2201533 du 29 juillet 2022, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 31 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Caen Normandie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'éducation ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de Mme A... et au Cabinet François Pinet, avocat du centre hospitalier universitaire de Caen.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Caen que par une décision du 10 mai 2022 entrant en vigueur le lendemain, le directeur des soins et coordinateur du pôle des formations paramédicales de l'Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) rattaché au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen Normandie a suspendu Mme d'Arras, étudiante, de la formation qu'elle suivait au sein de l'institut, jusqu'à ce qu'elle satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Mme d'Arras se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 29 juillet 2022 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande, sur le fondement des dispositions, citées ci-dessus, de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

4. Il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que pour estimer que la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas remplie, le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé sur les circonstances que les examens et stages auxquels Mme d'Arras demandait à être réintégrée étaient passés, que la situation financière dont elle se prévalait n'était pas remise en cause par la décision contestée et que près d'un mois et demi s'était écoulé entre la notification de cette décision et la demande de suspension présentée par Mme d'Arras. Cette appréciation, alors d'une part qu'il ressortait des pièces du dossier que la décision contestée portait à la situation de Mme d'Arras une atteinte suffisamment grave et immédiate, notamment en ce qu'elle avait pour effet de la priver du bénéfice de ses bourses d'études et de son logement étudiant, d'autre part qu'aucun intérêt public s'attachant au maintien de l'exécution de la décision n'était invoqué devant lui, est entachée de dénaturation.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme d'Arras est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé.

7. Pour demander la suspension de la décision contestée, Mme d'Arras soutient qu'elle n'est pas suffisamment motivée, qu'elle ne mentionne pas la possibilité de produire un certificat de rétablissement pour lever la mesure de suspension, qu'elle méconnaît le droit à la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le droit à l'éducation et le principe d'égal accès à l'instruction garanti notamment par les articles 13 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tel qu'amendé par le protocole n°11, qu'elle revêt le caractère d'une sanction disciplinaire, qu'elle a été prise alors qu'elle justifiait d'une contre-indication à la vaccination contre la covid-19 et qu'elle n'effectuait que des tâches ponctuelles au sein du CHU de Caen Normandie, et que l'instruction interministérielle du 7 septembre 2021 relative à la mise en œuvre de l'obligation vaccinale pour les étudiants et élèves en santé, les étudiants des formations préparant à l'exercice des professions à usage de titre et les personnels enseignants et hospitaliers titulaires et non titulaires ainsi qu'à l'organisation de la rentrée 2021 dans les écoles et instituts de formation paramédicaux est entachée d'illégalité.

8. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, la demande de Mme d'Arras tendant à la suspension de cette décision doit être rejetée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CHU de Caen Normandie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme d'Arras la somme que demande le CHU de Caen Normandie au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 29 juillet 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Caen est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme d'Arras devant le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: La présente décision sera notifiée à Mme B... d'Arras et au centre hospitalier universitaire de Caen Normandie.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 17 mars 2023.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 466719
Date de la décision : 17/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2023, n° 466719
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; CABINET FRANÇOIS PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466719.20230317
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