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17/03/2023 | FRANCE | N°449842

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 17 mars 2023, 449842


Vu la procédure suivante :



Mme D... E... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mai 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation. Par un jugement n° 1925515-1925711-1925718 1926432 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif a rejeté leur demande.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémo

ire, enregistrés les 17 février et 14 mai 2021 et les 31 mars et 1er décembre 2022 au secr...

Vu la procédure suivante :

Mme D... E... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mai 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation. Par un jugement n° 1925515-1925711-1925718 1926432 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 février et 14 mai 2021 et les 31 mars et 1er décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... et M. A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de Mme E... et de M. B... A..., à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de la régie immobilière de la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 21 mai 2019, la maire de Paris a accordé à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation comprenant sept logements sociaux. Mme E... et M. A... se pourvoient en cassation contre le jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

3. En estimant, ainsi qu'il résulte des termes du jugement attaqué, qu'au vu du dossier de demande de permis de construire, les services instructeurs de la Ville de Paris étaient en mesure d'apprécier l'insertion de la partie du projet donnant sur la cour intérieure, en particulier son extension par l'élévation d'un bâtiment d'un étage et l'implantation d'une clôture en limite séparative, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. En second lieu, aux termes du b) de l'article UG.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris : " (...) Dans les zones d'anciennes carrières souterraines, dans les zones comportant des poches de gypse antéludien et dans la Zone de risque de dissolution du gypse antéludien, la réalisation de constructions ou d'installations et la surélévation, l'extension ou la modification de bâtiments existants sont, le cas échéant, subordonnées aux conditions spéciales imposées par l'Inspection générale des carrières en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées et de prévenir tout risque d'éboulement ou d'affaissement (la Zone de risque de dissolution du gypse antéludien est délimitée sur le Plan des secteurs de risques figurant dans l'atlas général ; le plan délimitant les zones d'anciennes carrières souterraines et les zones comportant des poches de gypse antéludien, ainsi que les prescriptions qui s'y appliquent, figurent dans les annexes du PLU, servitudes d'utilité publique, § IV, B : servitudes relatives à la sécurité publique).(...) ". Aux termes du c) du même article : " Lorsque des travaux nécessitent des fouilles ou une intervention dans le tréfonds, le pétitionnaire doit être en mesure, avant toute mise en œuvre, de justifier des précautions préalables prises pour éviter de compromettre la stabilité des constructions sur les terrains contigus ".

5. Les dispositions du b) et du c) de l'article UG 2.1 imposent seulement au pétitionnaire de se conformer aux prescriptions pouvant être émises par l'inspection générale des carrières et, avant commencement des travaux, de justifier des mesures de précaution. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que, pour écarter le moyen tiré de la violation des dispositions du c) de cet article, lequel impose à la RIVP de se conformer aux prescriptions émises le 11 juillet 2018 par l'inspection générale des carrières, le tribunal administratif a jugé que ces dispositions n'imposent pas que le dossier de demande de permis de construire justifie des précautions préalables prises par la RIVP pour garantir la stabilité du terrain et ne s'appliquent qu'à la mise en œuvre du permis.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article UG 3.1 du règlement du PLU : " Le permis de construire peut être refusé sur un terrain qui ne serait pas desservi par une voie publique ou privée dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de la construction projetée, et notamment si les caractéristiques de la voie rendent difficiles la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie ou l'enlèvement des ordures ménagères. Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la localisation des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic (...)1°- accès piétons : Les constructions neuves doivent être aménagées de manière à permettre l'accès des bâtiments aux personnes à mobilité réduite (...) ". Les requérants ont soutenu devant le tribunal administratif que ces dispositions étaient méconnues du fait que l'édification d'un escalier extérieur desservant certains étages de la construction n'en permettrait pas l'accès aux personnes à mobilité réduite. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la construction est pourvue d'un accès de plain-pied sur la voie publique et que cet escalier assure une desserte interne à l'immeuble. En jugeant, après avoir relevé que les dispositions de l'article UG 3.1 s'appliquent aux conditions de desserte et d'accès des terrains par les voies publiques ou privées et non aux conditions de desserte intérieure des bâtiments situés sur les terrains, que les dispositions du 1° de l'article UG 3.1 n'ont pas été méconnues, le tribunal administratif n'a ainsi pas commis d'erreur de droit.

7. En quatrième lieu, en application de l'article R. 111-13 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation fixe les règles de droit commun de protection de ces bâtiments contre l'incendie. Aux termes des dispositions de l'article R*. 431-29 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur un immeuble de grande hauteur, la demande est accompagnée du récépissé du dépôt en préfecture du dossier prévu par l'article R. 146-14 du code de la construction et de l'habitation ", lequel dispose que : " Le dossier de la demande d'autorisation est établi en trois exemplaires et comporte (...) ;2° Des plans accompagnés d'états descriptifs précisant le degré de résistance au feu des éléments de construction, ( ...) ". Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que la construction à usage d'habitation autorisée par l'arrêté du 21 mai 2019 n'est pas un immeuble de grande hauteur. Par suite, les dispositions de l'arrêté du 31 janvier 1986 ne sont pas au nombre de celles dont il appartenait à l'administration d'assurer le respect lors de la délivrance du permis de construire. Il en résulte que le moyen tiré de ce que l'escalier extérieur assurant un accès interne à certains étages de la construction méconnaîtrait les prescriptions de l'arrêté du 31 janvier 1986 était inopérant. Ce motif, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait et justifie légalement le dispositif du jugement attaqué, doit être substitué à celui retenu par le tribunal administratif pour écarter le moyen en raison de son inopérance.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme : " Dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l'article 232 du code général des impôts (...), il peut être autorisé des dérogations au règlement du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu, dans les conditions et selon les modalités définies au présent article. / En tenant compte de la nature du projet et de la zone d'implantation, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée : / 1° Dans le respect d'un objectif de mixité sociale, déroger aux règles relatives au gabarit et à la densité pour autoriser une construction destinée principalement à l'habitation à dépasser la hauteur maximale prévue par le règlement, sans pouvoir dépasser la hauteur de la construction contiguë existante calculée à son faîtage et sous réserve que le projet s'intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant ; (...) ".

9. En jugeant que ces dispositions permettent à l'administration d'autoriser le projet à comporter deux niveaux en retrait dont l'un dépasse trois mètres de hauteur, par dérogation aux règles relatives à la hauteur et à la densité prévues par l'article UG 10.2.4 du règlement du plan local d'urbanisme qui n'autorisent en principe, dans ce secteur, qu'un seul niveau de retrait, dont la hauteur ne peut dépasser trois mètres, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

10. En sixième lieu, en jugeant que le projet de construction litigieux, eu égard à ses caractéristiques, ne porte pas atteinte à la cohérence architecturale et à l'intérêt du quartier de la butte Montmartre, le tribunal administratif a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme E... et de M. A... doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... et M. B... la somme de 1 500 euros à verser à la Régie immobilière de la Ville de Paris et la somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de Mme E... et M. A... est rejeté.

Article 2 : Mme E... et M. A... verseront la somme de 1 500 euros à la Régie immobilière de la Ville de Paris et la somme de 1 500 euros à la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D... E..., première requérante dénommée, à la Ville de Paris et à la Régie immobilière de la Ville de Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 17 mars 2023.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 449842
Date de la décision : 17/03/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2023, n° 449842
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:449842.20230317
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