La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2023 | FRANCE | N°462809

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 16 mars 2023, 462809


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 462809, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril, 4 juillet, 7 octobre et 20 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des radio-pharmaciens, le syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires, le Conseil national professionnel de la pharmacie d'officine et de la pharmacie hospitalière et le syndicat national des pharmaciens gérants et hospitaliers public

s et privés demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 462809, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril, 4 juillet, 7 octobre et 20 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des radio-pharmaciens, le syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires, le Conseil national professionnel de la pharmacie d'officine et de la pharmacie hospitalière et le syndicat national des pharmaciens gérants et hospitaliers publics et privés demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-114 du 1er février 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l'activité de médecine nucléaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 462891, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 avril et 1er juillet 2022 et le 17 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens et le conseil central de la section H de l'ordre des pharmaciens demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-114 du 1er février 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l'activité de médecine nucléaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2021-1930 du 30 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat du syndicat national des radiopharmaciens, du syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires, du Conseil national professionnel de la pharmacie d'officine et du syndicat national des pharmaciens gérants et hospitaliers publics et privés et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et du conseil central de la section H ;

Considérant ce qui suit :

En vertu de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique, la liste des activités de soins et des équipements lourds soumis à autorisation de l'agence régionale de santé est fixée par décret en Conseil d'Etat. Sur ce fondement, le décret du 30 décembre 2021 relatif aux conditions d'implantation de l'activité de médecine nucléaire prévoit qu'à compter du 1er juin 2023, l'activité de médecine nucléaire, qu'il définit, est soumise à une autorisation qui est accordée par site géographique et comporte l'une des deux mentions suivantes : " Mention " A " lorsque l'activité concernée comprend les actes diagnostiques ou thérapeutiques hors thérapie des pathologies cancéreuses, réalisés par l'administration de médicament radio-pharmaceutique prêt à l'emploi ou préparé conformément au résumé des caractéristiques du produit, selon un procédé aseptisé en système clos " et " Mention " B ", lorsque l'activité concernée comprend en outre les actes diagnostiques ou thérapeutiques réalisés par l'administration de médicament radio-pharmaceutique préparé selon un procédé aseptisé en système ouvert, les actes diagnostiques réalisés dans le cadre d'exploration de marquage cellulaire des éléments figurés du sang par un ou des radionucléides, les actes thérapeutiques réalisés par l'administration de dispositif médical implantable actif ou les actes thérapeutiques pour les pathologies cancéreuses réalisés par l'administration de médicament radio-pharmaceutique.

L'article L. 6124-1 du code de la santé publique prévoit que : " Les conditions techniques de fonctionnement applicables aux établissements de santé et aux activités de soins et équipements matériels lourds mentionnés à l'article L. 6122-1 sont fixées par décret. " Le décret du 1er février 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l'activité de médecine nucléaire, créant les articles D. 6124-186 à D. 6124-193 du code de la santé publique, fixe, également à compter du 1er juin 2023, les conditions techniques de fonctionnement de ces activités, différenciées selon que le titulaire de l'autorisation dispose de la mention " A " ou " B ". Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le syndicat national des radio-pharmaciens, le syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires, le conseil national professionnel de la pharmacie d'officine et de la pharmacie hospitalière et le syndicat national des pharmaciens gérants et hospitaliers publics et privés, d'une part, et le Conseil national de l'ordre des pharmaciens et le conseil central de la section H de l'ordre des pharmaciens, d'autre part, demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 1er février 2022.

3. Aux termes de l'article L. 4211-1 du code de la santé publique : " Sont réservées aux pharmaciens, sauf les dérogations prévues aux articles du présent code : / 1° La préparation des médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine (...) ". Aux termes de l'article L. 4232-1 du même code : " L'ordre national des pharmaciens comporte sept sections dans lesquelles les pharmaciens sont répartis de la manière suivante : (...) / Section H : pharmaciens exerçant dans les établissements de santé (...) ". Aux termes de l'article L. 5121-1 de ce code : " On entend par (...) / 7° Médicament radio-pharmaceutique, tout médicament qui, lorsqu'il est prêt à l'emploi, contient un ou plusieurs isotopes radioactifs, dénommés radionucléides, incorporés à des fins médicales ". Aux termes du I de l'article R. 5126-9 : " Pour assurer une ou plusieurs des activités prévues aux 1° à 10° suivants, la pharmacie à usage intérieur est tenue de disposer d'une autorisation mentionnant expressément cette ou ces activités ou délivrée tacitement à la suite d'une demande mentionnant expressément cette ou ces activités : (...) / 6° La préparation des médicaments radio-pharmaceutiques (...) ".

4. S'agissant de l'autorisation de médecine nucléaire portant la mention " B ", le décret attaqué prévoit, à l'article D. 6124-186 du code de la santé publique qu'il crée, que son titulaire dispose d'une pharmacie à usage intérieur autorisée à assurer l'activité prévue au 6° de l'article R. 5126-9 de ce code. L'article D. 6124-187 précise que : " Lorsque le site dispose d'une pharmacie à usage intérieur, la préparation des médicaments radiopharmaceutiques doit être effectuée sous son contrôle. " Enfin, le II de l'article D. 6124-189 prévoit que le titulaire de l'autorisation mention " B " dispose d'une équipe qui comprend, notamment, au moins un radiopharmacien présent sur le site pendant les activités relevant de sa responsabilité.

5. S'agissant de l'autorisation portant la mention " A ", le I de l'article D. 6124-189 du code de la santé publique, issu du décret attaqué, définit l'équipe dont son titulaire doit disposer et prévoit que ce dernier doit en outre s'assurer du " concours ", notamment, d'un radio-pharmacien régulièrement inscrit à la section compétente de l'ordre national des pharmaciens. L'article D. 6124-190 du même code, également issu du décret attaqué, précise que ce concours " a pour but la sécurisation du circuit des médicaments radio-pharmaceutiques et comprend notamment : / 1° La réalisation d'actions de contrôle relatives aux préparations et aux conditions de détention de ces médicaments ; / 2° L'approvisionnement en médicaments, produits et objets mentionnés à l'article L. 4211-1 et en dispositifs médicaux stériles " et que le radiopharmacien " participe à l'élaboration et à la mise en œuvre du processus qualité dans son domaine de compétence et habilite le personnel en charge de la préparation et du contrôle des médicaments radio-pharmaceutiques. "

6. En premier lieu, s'il résulte des dispositions citées au point 3 que la préparation préalable d'un médicament radio-pharmaceutique, qui relève de l'autorisation portant la mention " B ", ressortit à la compétence du pharmacien, en revanche, la manipulation d'un médicament radio-pharmaceutique prêt à l'emploi ou sa préparation conformément au résumé des caractéristiques du produit, selon un procédé aseptique en système clos, seule activité autorisée au titre de la mention " A ", ne saurait être assimilée à une préparation médicamenteuse relevant du monopole des pharmaciens. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions des articles L. 4211-1, L. 4232-1 et R. 5126-9 du code de la santé publique en se bornant, pour les activités autorisés avec la mention " A " sur un site ne disposant pas d'une pharmacie à usage intérieur, à prévoir le simple " concours " d'un radiopharmacien régulièrement inscrit à la section compétente de l'ordre national des pharmaciens, sans imposer, comme il le fait pour l'autorisation portant la mention " B ", que les médicaments radio-pharmaceutiques soient préparés sous le contrôle d'une pharmacie à usage intérieur et sous la responsabilité d'un radiopharmacien inscrit à la section H de l'ordre national des pharmaciens.

7. En deuxième lieu, les requérants ne sauraient sérieusement soutenir que le décret attaqué, qui précise comme il a été dit ce que recouvre le " concours " apporté par le radiopharmacien dont le titulaire d'une autorisation portant la mention " A " doit s'assurer, méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme faute de définir les notions de " concours " et de " participation " utilisées à l'article D. 6124-190 du code de la santé publique.

8. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les dispositions du décret attaqué imposent que la préparation préalable des médicaments radio-pharmaceutiques, qui relève d'une autorisation " mention B " pour laquelle le titulaire de l'autorisation doit disposer d'une pharmacie à usage intérieur autorisée à assurer l'activité prévue au 6° de l'article R. 5126-9 du code de la santé publique, soit effectuée sous le contrôle de la pharmacie à usage intérieur et que l'équipe comprenne au moins un radiopharmacien présent sur le site pendant les activités relevant de sa responsabilité. Dès lors les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué, alors de surcroît que, comme il l'admettent d'ailleurs, il renforce le contrôle et la qualité des opérations de détention et de manipulation des médicaments radio-pharmaceutiques, n'aurait pas prévu de règles et garanties suffisamment précises, de nature à assurer la sécurité de l'usage des médicaments radio-pharmaceutiques et à protéger la santé publique, qu'il méconnaîtrait le droit de toute personne, garanti notamment par l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées et des bonnes pratiques de préparation des médicaments radio-pharmaceutiques prévues à l'article L. 5121-5 de ce code.

9. Il résulte de ce tout qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes du syndicat national des radiopharmaciens et autres et du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et autre sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national des radio-pharmaciens, premier dénommé, pour l'ensemble des requérants sous le n° 462809, au Conseil national de l'ordre des pharmaciens, premier dénommé, pour les deux requérants sous le n° 462891, et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 février 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 16 mars 2023.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 462809
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2023, n° 462809
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462809.20230316
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award