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10/03/2023 | FRANCE | N°459869

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 10 mars 2023, 459869


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 décembre 2021, 28 mars 2022 et 25 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Quinto Avenio demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 27 octobre 2021 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel, devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 15 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de

l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique la somme de 6 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 décembre 2021, 28 mars 2022 et 25 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Quinto Avenio demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 27 octobre 2021 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel, devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 15 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Quinto Avenio et à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la société Quinto Avenio a été autorisée à exploiter un service de radio dénommé " Skyrock nord " sur la fréquence 106.9 Mhz dans la zone de Béthune (Nord), à partir d'un émetteur situé à Fresnicourt-le-Dolmen. L'autorisation qui lui a été délivrée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 21 octobre 2008, reconduite par deux décisions des 23 avril 2013 et 18 avril 2018, a fixé la puissance apparente rayonnée maximale autorisée à 1000 watts. Par la décision attaquée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, devenu au 1er janvier 2022 l'Autorité de régulation des communications audiovisuelles et numériques (ARCOM), a prononcé une sanction pécuniaire de 15 000 euros à l'encontre de la société Quinto Avenio pour dépassement de la puissance apparente rayonnée maximale.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles infligeant une sanction " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". Le respect du principe général des droits de la défense implique que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé d'une sanction, des griefs formulés à son encontre et de la sanction encourue, soit mise à même d'avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus si elle en fait la demande et de faire valoir ses observations sur les manquements qui lui sont reprochés. Aux termes de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée : " Les sanctions prévues aux articles 42-1,42-3,42-4, 42-6,42-15,48-2,48-3 et 62 sont prononcées dans les conditions suivantes : / 1° L'engagement des poursuites et l'instruction préalable au prononcé des sanctions prévues par les dispositions précitées sont assurés par un rapporteur (...) / S'il estime que les faits justifient l'engagement d'une procédure de sanction, le rapporteur notifie les griefs aux personnes mises en cause, qui peuvent consulter le dossier et présenter leurs observations dans un délai d'un mois suivant la notification (...) / 5° Au terme de l'instruction, le rapporteur communique son rapport, accompagné des documents sur lesquels il se fonde, à la personne mise en cause et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ou à la formation du collège composée de cinq membres mentionnée au dernier alinéa de l'article 42-1. / Sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à l'exercice des droits de la défense de la personne mise en cause, le rapporteur peut lui refuser la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires d'autres personnes. Dans ce cas, une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause lui sont accessibles ; / 6° Le rapporteur expose devant l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ou devant la formation du collège composée de cinq membres mentionnée au même dernier alinéa, lors d'une séance à laquelle est convoquée la personne mise en cause, son opinion sur les faits dont il a connaissance et les griefs notifiés. Le cas échéant, il propose à l'autorité ou à la formation du collège composée de cinq membres mentionnée audit dernier alinéa d'adopter l'une des sanctions prévues aux articles 42-1, 42-3, 42-4, 42-6, 42-15, 48-2 et 48-3. Au cours de cette séance, la personne mise en cause, qui peut se faire assister par toute personne de son choix, est entendue par l'autorité ou la formation du collège composée de cinq membres mentionnée au dernier alinéa de l'article 42-1, qui peut également entendre, en présence de la personne mise en cause, toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer à son information (...) ". Ces dispositions, qui permettent à la personne concernée d'avoir accès aux pièces du dossier et de faire valoir ses observations sur les manquements qui lui sont reprochés, organisent ainsi une procédure contradictoire conforme au principe général des droits de la défense, n'impliquant pas que le rapporteur de l'ARCOM soit tenu de donner accès, après la communication des griefs, à d'autres éléments que ceux du dossier ni d'assortir la communication de son rapport de celle d'autres documents que ceux sur lesquels il se fonde. Il est loisible à la personne sanctionnée, pour contester devant le juge la valeur probante des mesures qui lui sont opposées, d'en remettre en cause la méthode, le juge appréciant cette valeur probante au regard des pièces du dossier, après avoir, le cas échéant, fait usage de ses pouvoirs d'instruction.

3. Il résulte de ce qui précède que la société requérante ne peut utilement soutenir que la régularité de la procédure de sanction serait entachée par la circonstance qu'il n'a pas été donné suite à sa demande, faite en réponse à la notification des griefs par le rapporteur, que lui soient communiqués le cahier des charges, la description des procédures et l'évaluation des marges d'erreur applicables aux mesures réalisées par l'Agence nationale des fréquences qui lui étaient opposées, les éléments relatifs à la méthodologie des contrôles ne constituant ni une pièce du dossier de sanction ni une pièce sur laquelle le rapporteur se serait fondé pour proposer la sanction. En tout état de cause, il ressort de l'instruction que la société requérante, qui ne conteste d'ailleurs pas l'exactitude matérielle des mesures de la puissance apparente rayonnée qui ont été effectuées, a été en mesure d'en contester la méthode, ce qu'elle a fait par les observations qu'elle a adressées au rapporteur le 8 octobre 2020, en se fondant sur le procès-verbal de constat établi par le technicien du Conseil supérieur de l'audiovisuel le 18 juin 2019, qui mentionne les principales spécificités techniques de l'équipement utilisé pour effectuer ces mesures ainsi que des indications relatives au déroulement de la campagne de mesures. La circonstance qu'il n'a pas été accédé à sa demande tendant à la réalisation de nouvelles mesures de la puissance apparente rayonnée est, par ailleurs, sans incidence sur la régularité de la procédure qui a été suivie. La société Quinto Avenio n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la sanction qui lui a été infligée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société Quinto Avenio, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'est pas tenu, lorsqu'il fait usage des pouvoirs qui lui sont confiés par l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986, de répondre dans sa décision aux arguments développés au cours de la procédure contradictoire par la personne qui fait l'objet de la sanction. Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'impose au Conseil supérieur de l'audiovisuel de répondre dans sa décision aux arguments opposés par la personne sanctionnée ou de préciser dans sa décision la méthode de calcul sur laquelle il se fonde pour fixer le montant de la sanction pécuniaire infligée. La décision attaquée, qui énonce les motifs pour lesquels le CSA retient l'existence d'un manquement ainsi que la sanction qu'il inflige est, par suite, suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 la loi du 30 septembre 1986 modifiée : " L'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre est subordonné au respect des conditions techniques définies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et concernant notamment : (...) 3° La limite supérieure et, le cas échéant, inférieure de puissance apparente rayonnée ". Aux termes de l'article 42-2de la même loi : " Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement par le service autorisé, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. (...) ". Pour fixer le quantum de la sanction, il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel de prendre en compte, d'une part, la nature de la règle méconnue et, d'autre part, les conséquences des manquements constatés sur l'exploitation des services de radiodiffusion concurrents. Par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, le CSA n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus en justifiant le montant de la sanction prononcée, qui ne correspond d'ailleurs pas au maximum encouru, par le motif tiré de ce que les dépassements de puissance apparente rayonnée maximale autorisée ont pour effet de remettre en cause la planification des fréquences, alors au surplus que le CSA avait établi, par un procès-verbal de constat du 18 juin 2019, que la puissance apparente rayonnée de service, utilisée sur la fréquence 106,9 MHz, avait été diminuée entre la veille et le jour du contrôle auquel un représentant de la société Quinto Avenir avait été convoqué.

6. Enfin, si la société requérante soutient que le dépassement de la puissance maximale autorisée n'a pas altéré, notamment par des brouillages, les conditions de diffusion des opérateurs autorisés à émettre depuis les sites voisins, cette circonstance est sans incidence sur la matérialité du manquement. La circonstance que la sanction prononcée à l'encontre d'autres services de radiodiffusion pour des manquements de même nature aurait été moindre est sans incidence sur le bien-fondé de la sanction infligée à la société Quinto Avenio. Cette société n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la sanction prononcée serait disproportionnée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Quinto Avenio doit être rejetée, y compris sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Quinto Avenio est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Quinto Avenio et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 février 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 10 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 459869
Date de la décision : 10/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2023, n° 459869
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459869.20230310
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