Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 16 mars 2020 par laquelle la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin a confirmé sa décision du 5 décembre 2019 réduisant son allocation de revenu de solidarité active de 40 % pour le mois de novembre 2019 et d'enjoindre à ce département de le rétablir dans ses droits. Par un jugement n° 2005850 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mai et 1er août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de la Collectivité européenne d'Alsace la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A..., et à la SCP Buk-Lament, Robillot, avocat de la Collectivité européenne d'Alsace ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 16 mars 2020, la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin a confirmé sa décision du 5 décembre 2019 réduisant de 40 %, pour le mois de novembre 2019, le montant de l'allocation de revenu de solidarité active de M. A..., sur le fondement de l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles, au motif qu'il n'avait pas renouvelé son contrat d'engagements réciproques dans le délai attendu. Par un jugement du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme tardive la contestation par M. A... de la décision du 16 mars 2020. M. A... se pourvoit en cassation contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. "
3. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicable aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif en vertu du I de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ". Enfin, aux termes de l'article 1er de la même ordonnance, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire : " I.- Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus (...) ".
4. Il résulte des termes mêmes des dispositions citées au point 3 que c'est seulement lorsque le délai de recours légalement imparti devant les juridictions administratives est expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus que son échéance est, en application de ces dispositions, reportée au 24 août 2020.
5. Par suite, en rejetant comme tardive la contestation de M. A..., enregistrée au tribunal administratif le 22 septembre 2020, au seul motif qu'elle portait sur une décision prise le 16 mars 2020, sans rechercher si le délai de recours légalement imparti contre cette décision était, en application notamment des dispositions citées au point 2 qui imposent d'en rechercher la date de notification, expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.
6. M. A... est dès lors fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation pour ce motif du jugement qu'il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la Collectivité européenne d'Alsace, à verser à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 18 mars 2022 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg.
Article 3 : La Collectivité européenne d'Alsace versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Collectivité européenne d'Alsace au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée à la Collectivité européenne d'Alsace.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 9 mars 2023.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Jeannard
Le secrétaire :
Signé : M. Mickaël Lemasson