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02/03/2023 | FRANCE | N°452492

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 02 mars 2023, 452492


Vu la procédure suivante :

La société en nom collectif (SNC) Argoloc Charter a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe du 26 octobre 2016 rejetant sa demande tendant à l'obtention de l'agrément fiscal nécessaire au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts. Par un jugement n° 1700011 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19BX01133 du 30 mars 2021, la cour admi

nistrative d'appel de Bordeaux, sur appel formé par la société, a annulé ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

La société en nom collectif (SNC) Argoloc Charter a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe du 26 octobre 2016 rejetant sa demande tendant à l'obtention de l'agrément fiscal nécessaire au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts. Par un jugement n° 1700011 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19BX01133 du 30 mars 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel formé par la société, a annulé ce jugement et la décision du directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 mai et 13 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Il soutient que la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que l'administration fiscale ne pouvait pas refuser à l'investissement litigieux le bénéfice de l'agrément prévu au III de l'article 217 undecies du code général des impôts en se fondant sur le non-respect des conditions posées par l'article 244 quater W du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2021, la SNC Argoloc Charter conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la SNC Argoloc Charter ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2023, présentée par la SNC Argoloc Charter ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Argoloc Charter, qui a pour objet " l'achat de bateaux de plaisance, en vue de leur location à des bases nautiques dans les départements d'outre-mer ou directement à des particuliers ", a fait l'acquisition, au cours de l'année 2016, de deux navires de plaisance, pour des valeurs hors taxes respectives de 749 552,95 et 321 345,90 euros. Par une décision du 26 octobre 2016, le directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'obtention de l'agrément fiscal nécessaire au bénéfice du crédit d'impôt en faveur des investissements productifs en outre-mer prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de la société Argoloc Charter tendant à l'annulation de cette décision. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mars 2021 par lequel la cour administrative d'appel a fait droit à l'appel formé par la société contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 244 quater W du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " I. - 1. Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 duodecies à 44 sexdecies, exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt à raison des investissements productifs neufs qu'elles réalisent dans un département d'outre-mer pour l'exercice d'une activité ne relevant pas de l'un des secteurs énumérés aux a à l du I de l'article 199 undecies B. / (...). / 3. Le crédit d'impôt est également accordé aux entreprises qui exploitent dans un département d'outre-mer des investissements mis à leur disposition dans le cadre d'un contrat de location avec option d'achat ou d'un contrat de crédit-bail, sous réserve du respect des conditions suivantes : / a) Le contrat de location ou de crédit-bail est conclu pour une durée au moins égale à cinq ans ou pour la durée normale d'utilisation du bien loué si elle est inférieure ; / b) Le contrat de location ou de crédit-bail revêt un caractère commercial ; / c) L'entreprise locataire ou crédit-preneuse aurait pu bénéficier du crédit d'impôt prévu au 1 si elle avait acquis directement le bien. / (...). / II. - 1. Le crédit d'impôt est assis sur le montant, hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition, à l'exception des frais de transport, d'installation et de mise en service amortissables, des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une aide publique. / (...). / IV. - 1. Le bénéfice du crédit d'impôt prévu au 1 du I est accordé au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est mis en service. / V. - 1. Lorsque l'entreprise ou l'organisme qui exploite l'investissement réalise un chiffre d'affaires, apprécié selon les règles définies au premier alinéa du I de l'article 199 undecies B, inférieur, selon le cas, aux limites prévues à ce même alinéa ou à la limite fixée à la première phrase du premier alinéa du I de l'article 217 undecies, le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné à l'exercice d'une option. / (...). / VII. - Lorsque le montant total par programme d'investissements est supérieur aux seuils mentionnés au II quater et au III de l'article 217 undecies, le bénéfice du crédit d'impôt est conditionné à l'obtention d'un agrément préalable délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III du même article, sauf dans le cas où il s'agit d'un programme d'investissements mentionné au 3° du 4 du I du présent article réalisé par un organisme mentionné au 1 du I de l'article 244 quater X. / VIII. - 1. L'investissement ayant ouvert droit au crédit d'impôt doit être affecté, par l'entreprise qui en bénéficie, à sa propre exploitation pendant un délai de cinq ans, décompté à partir de la date de l'acquisition ou de la création du bien. Ce délai est réduit à la durée normale d'utilisation de l'investissement si cette durée est inférieure à cinq ans. / Si, dans le délai ainsi défini, l'investissement ayant ouvert droit au crédit d'impôt est cédé ou cesse d'être affecté à l'exploitation de l'entreprise utilisatrice ou si l'acquéreur cesse son activité, le crédit d'impôt fait l'objet d'une reprise au titre de l'exercice ou de l'année au cours duquel interviennent les événements précités. / (...)." ;

3. Aux termes du II quater de l'article 217 undecies du même code : : "II quater- Les programmes d'investissement dont le montant total est supérieur à 1 000 000 euros ne peuvent ouvrir droit à la déduction mentionnée aux I, II et II ter que s'ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III. / Les dispositions du premier alinéa sont également applicables aux investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme est supérieur à 250 000 €, lorsqu'ils sont réalisés par une société ou un groupement mentionnés à l'avant-dernière phrase du premier alinéa de ce même I. ". Selon le III du même article : " 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés dans les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de l'agriculture, (...) doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer.(...) L'agrément est délivré lorsque l'investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; il ne doit pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituer une menace contre l'ordre public ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent ; b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé. (...).". Aux termes de l'article 170 decies I de l'annexe IV au même code : " L'agrément prévu aux II quater et III de l'article 217 undecies du code général des impôts est délivré par le directeur départemental ou le directeur régional des finances publiques du département dans lequel le programme d'investissement est réalisé lorsque son montant total n'excède pas 1,5 million d'euros, à l'exception du secteur du logement. "

4. Il résulte de ces dispositions que le crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts s'applique sous réserve que soient satisfaites les conditions de fond fixées à cet article, relatives notamment à la nature, à la localisation et à la réalisation des investissements. En vertu du VII de cet article, certains de ces investissements sont soumis à l'agrément préalable prévu au III de l'article 217 undecies du même code. La délivrance de cet agrément est ainsi subordonnée au respect des conditions posées à l'article 244 quater W ainsi qu'à celles, auxquelles cet article renvoie, fixées au III de l'article 217 undecies du même code. Il revient donc à l'administration fiscale, lorsqu'elle instruit une demande d'agrément, de s'assurer que l'investissement en cause entre bien dans le champ d'application de la réduction d'impôt, fixé à l'article 244 quater W, puis, le cas échéant, de vérifier si les conditions de délivrance de l'agrément au regard des conditions fixées par l'article 217 undecies sont remplies.

5. Par suite, en jugeant que les dispositions du III de l'article 217 undecies précité ne permettent ni de fonder un refus d'agrément, ni de limiter le montant des investissements productifs pour lesquels il est délivré, en se fondant sur d'autres conditions que celles qu'elles prévoient, alors même que l'investissement ne répondrait pas aux conditions fixées par les dispositions de l'article 244 quater W du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SNC Argoloc Charter à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 mars est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions de SNC Argoloc Charter présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société en nom collectif Argoloc Charter

Délibéré à l'issue de la séance du 25 janvier 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 2 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Delsol

La secrétaire :

Signé : Mme Naouel Adouane


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 452492
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mar. 2023, n° 452492
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Delsol
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:452492.20230302
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