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01/03/2023 | FRANCE | N°464552

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 01 mars 2023, 464552


Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Axa a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, au titre des exercices 2011 à 2015, des résultats fiscaux d'ensemble du groupe pour lequel elle s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés à hauteur de la neutralisation de la quote-part de frais et charges calculée sur les dividendes versés par la société Axa Reim SGP à la société Axa Reim SA et sur l'intégralité de ceux versés par les sociétés allemandes Axa Konzern AG et Kölnische Verwaltungs AG für Versicherung

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Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Axa a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, au titre des exercices 2011 à 2015, des résultats fiscaux d'ensemble du groupe pour lequel elle s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés à hauteur de la neutralisation de la quote-part de frais et charges calculée sur les dividendes versés par la société Axa Reim SGP à la société Axa Reim SA et sur l'intégralité de ceux versés par les sociétés allemandes Axa Konzern AG et Kölnische Verwaltungs AG für Versicherungswerte, ainsi que la restitution correspondante de ses cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt. Par un jugement nos 1806097, 1806098 du 7 novembre 2019, le tribunal a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 20VE00047 du 29 mars 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement en tant qu'il a statué sur la neutralisation de la quote-part de frais et charges calculée sur les dividendes reçus des sociétés Axa Konzern AG et Kölnische Verwaltungs AG für Versicherungswerte.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 30 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Axa demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 ;

- l'arrêt C-396/14 de la cour de justice de l'Union européenne du 2 septembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Axa ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sociétés du groupe fiscalement intégré à la tête duquel la société Axa s'est constituée, en tant que société mère, seule redevable de l'impôt sur les sociétés en application de l'article 223 A du code général des impôts, ont reçu au cours des exercices 2011 à 2015 des dividendes versés par des filiales établies dans des Etats membres de l'Union européenne autres que la France et placés sous le régime fiscal des sociétés mères. En application des dispositions alors en vigueur de l'article 216 du code général des impôts, la société Axa a déduit le montant de ces dividendes du résultat fiscal d'ensemble du groupe, à l'exception d'une quote-part de frais et charges de 5 %. A la suite de l'arrêt Groupe Steria SCA (C-386/14) rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 2 septembre 2015, la société Axa a demandé, au titre des exercices 2011 à 2015, la réduction des résultats fiscaux d'ensemble du groupe à hauteur de la quote-part de frais et charges afférente à ces dividendes, ainsi que la restitution correspondante des impositions dont elle s'est acquittée. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 7 novembre 2019 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il avait rejeté sa demande concernant les dividendes versés par ses filiales de droit allemand Axa Konzern AG et Kölnische Verwaltungs AG für Versicherungswerte.

2. Il résulte de l'arrêt Groupe Steria SCA mentionné au point précédent que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option, en vertu des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts.

3. Aux termes du premier alinéa du I de cet article 223 A dans sa rédaction applicable au litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les termes : 'sociétés du groupe', ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les termes : 'sociétés intermédiaires', détenus à 95 % au moins par la société mère, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires (...) ". Au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2014 notamment en litige, le sixième alinéa du même I prévoit que, pour l'application de ces dispositions " la détention de 95 % au moins du capital d'une société s'entend de la détention en pleine propriété de 95 % au moins des droits à dividendes et de 95 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par cette société ". Pour sa part, l'article 46 quater-0 ZF de l'annexe III au même code précise, pour l'appréciation de la condition de détention d'au moins 95 % du capital social, que " Les droits détenus indirectement s'entendent des droits détenus par l'intermédiaire d'une chaîne de participation. Le pourcentage de ces droits est apprécié en multipliant entre eux les taux de détention successifs ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 68 de la loi du 30 décembre 1987 de finances pour 1988 dont l'article 223 A du code général des impôts est issu, que, pour établir qu'un ensemble de "sociétés du groupe" ou de "sociétés intermédiaires" vérifient les conditions fixées au premier alinéa du I de l'article 223 A du code général des impôts pour la constitution d'un groupe fiscalement intégré, il y a seulement lieu de vérifier que chacune d'entre elles est détenue à hauteur d'au moins 95 % par la société tête de groupe, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés de cet ensemble, y compris, le cas échéant, au travers de participations réciproques internes à cet ensemble, en retenant la méthode de calcul définie au III de l'article 46 quater-0 ZF de l'annexe III au même code. Au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2014, il y a lieu d'exclure, le cas échéant, pour le calcul de ce taux de détention, les titres faisant l'objet de participations réciproques dont les dispositions de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce font obstacle à ce que les droits de vote correspondants soient exercés.

5. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que pour juger que les sociétés Axa Konzern AG et Kölnische Verwaltungs AG für Versicherungswerte n'auraient pu être regardées comme éligibles à l'intégration fiscale au titre des exercices clos de 2011 à 2015 si elles avaient été établies en France, la cour s'est fondée sur ce que les participations détenues par la société Axa dans la première de ces filiales par l'intermédiaire de la seconde et dans la seconde par l'intermédiaire de la première ne pouvaient être prises en considération dès lors qu'aucune de ces sociétés allemandes n'était elle-même détenue, directement par la société Axa ou indirectement par l'intermédiaire d'une filiale à 95 % de cette dernière, à 95% au moins par la société tête de groupe, ce dont elle a déduit que les participations détenues directement ou indirectement par la société Axa dans le capital de chacune de ces filiales au cours de ces exercices n'atteignaient pas 95 %.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel qu'en retenant, ainsi que la société Axa le demandait, le périmètre formé par la société intermédiaire Vinci BV et ces deux filiales liées par des participations réciproques, chacune de ces filiales était détenue, directement ou indirectement à travers des participations des trois sociétés de ce périmètre, en totalité par la société Axa, de sorte que ces filiales auraient bien, si elles avaient été résidentes, été éligibles à participer au périmètre du groupe fiscalement intégré à la tête duquel celle-ci s'est constituée, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la société Axa est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 29 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la société Axa la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Axa et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 1er mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 464552
Date de la décision : 01/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 2023, n° 464552
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François-René Burnod
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464552.20230301
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