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21/02/2023 | FRANCE | N°463506

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 21 février 2023, 463506


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 463506, par une décision du 25 novembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. A... B... dirigées contre le jugement n° 1805770 du 4 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille en tant seulement que ce jugement a statué sur les conclusions reconventionnelles présentées par l'Institut d'études politiques (IEP) d'Aix-en-Provence tendant à ce que soit mise à sa charge une indemnité de 500 euros à verser à l'IEP pour recours abusif.

2° Sous le numér

o 469529, le président du tribunal administratif de Paris a, en application d...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 463506, par une décision du 25 novembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. A... B... dirigées contre le jugement n° 1805770 du 4 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille en tant seulement que ce jugement a statué sur les conclusions reconventionnelles présentées par l'Institut d'études politiques (IEP) d'Aix-en-Provence tendant à ce que soit mise à sa charge une indemnité de 500 euros à verser à l'IEP pour recours abusif.

2° Sous le numéro 469529, le président du tribunal administratif de Paris a, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, transmis au juge des référés du Conseil d'Etat la demande, enregistrée le 28 novembre 2022 au greffe de ce tribunal, présentée par M. B....

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, il ressort des pièces soumises aux juges du fond que

M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Institut d'études politiques (IEP) d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2014 par lequel l'administrateur provisoire de cet établissement lui a interdit, pour une durée d'un mois, l'accès aux locaux de l'établissement. Par un jugement du 4 mai 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande et mis à sa charge une indemnité de 500 euros à verser à l'IEP pour recours abusif. Par une décision n° 463506 du 25 novembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a admis les conclusions du pourvoi formé par M. B... contre ce jugement en tant qu'il lui a infligé une indemnité de 500 euros à verser à l'IEP pour recours abusif.

2. En second lieu, M. B..., qui n'a pas obtenu l'aide juridictionnelle au titre du pourvoi mentionné au point précédent, demande, dans le cadre d'un référé-provision présenté sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, que l'Etat soit condamné à lui verser une provision de 3 000 euros, augmentée des intérêts moratoires au taux légal à compter du 28 mars 2022, compte tenu de la créance dont il estime pouvoir se prévaloir en application du quatrième alinéa de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique qui prévoit que, lorsque la juridiction a fait droit à l'action intentée par le demandeur, il est accordé à ce dernier le remboursement des frais, dépens et honoraires par lui exposés ou versés, à concurrence de l'aide juridictionnelle dont il aurait bénéficié compte tenu de ses ressources. A l'appui de cette requête, il présente deux questions prioritaires de constitutionnalité.

3. Il y a lieu de joindre le pourvoi et la requête respectivement mentionnés aux points 1 et 2, qui présentent à juger des questions connexes.

Sur le pourvoi en cassation :

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour des faits de violence avec arme commis au préjudice d'un étudiant de l'IEP d'Aix-en-Provence alors que M. B... était lui-même étudiant dans cet établissement. Après la commission de ces faits, l'administrateur provisoire de l'IEP d'Aix-en-Provence a, par une décision du

17 décembre 2014, interdit à M. B... l'accès au locaux de l'établissement. M. B... a également fait, à raison de ces agissements, l'objet de poursuites disciplinaires qui ont donné lieu au prononcé d'une sanction en première instance, l'appel formé par M. B... contre cette dernière étant encore pendant devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire. Enfin, par un jugement, contre lequel M. B... a formé appel, ce dernier a été condamné pour des faits d'appels téléphoniques et de messages malveillants et réitérés envers le directeur et un enseignant de l'IEP

d'Aix-en Provence. Par ailleurs, M. B... a engagé successivement plusieurs actions indemnitaires contre l'IEP d'Aix-en-Provence, en se prévalant de ce qu'il aurait commis des fautes dans le cadre des procédures précédemment mentionnées, les fautes ainsi alléguées concernant des éléments ponctuels de ces procédures, telle celle qui résulterait de la transmission, dix-huit jours après sa réception, d'un mémoire que M. B... avait adressé à l'IEP d'Aix-en-Provence et qui était destiné au CNESER, lequel n'avait alors pas encore statué sur le litige dont il était saisi. Il a ensuite présenté une nouvelle demande indemnitaire fondée sur l'illégalité fautive de la décision du 17 décembre 2014 lui interdisant pour une durée d'un mois l'accès aux locaux de cet établissement. Durant l'instruction de cette demande, M. B... a ajouté à ses conclusions initiales celles tendant à ce que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, le tribunal procède à la suppression de certains passages du mémoire en défense du 6 octobre 2020 de l'IEP d'Aix-en-Provence et à ce qu'il condamne ce dernier à lui verser la somme de 1 000 euros à raison des préjudices subis du fait de ces passages du mémoire. Par le jugement du 4 mai 2021 mentionné au point 1, devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Marseille a jugé que si la décision contestée était insuffisamment motivée, les faits qui en étaient à l'origine et les troubles qu'ils avaient causés étaient de nature à la justifier, de sorte que M. B... n'était pas fondé à soutenir qu'elle était entachée d'une illégalité fautive de nature à lui avoir causé des préjudices. Le tribunal a ainsi rejeté ses conclusions indemnitaires de même que toutes ses autres conclusions, en estimant notamment, s'agissant de celles présentées au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, que le passage du mémoire en défense dont la suppression était demandée par

M. B... n'excédait pas le droit à la libre discussion et ne présentait pas un caractère injurieux, outrageant, ou diffamatoire. Enfin, par l'article 2 du dispositif de ce jugement, dont l'annulation est demandée par les conclusions du pourvoi qui ont été admises, il a condamné M. B... à verser à l'IEP d'Aix-en-Provence la somme de 500 euros pour procédure abusive.

5. Dans les circonstances de l'espèce et à l'aune des demandes présentées par M. B... dans l'instance mentionnée au point précédent, le tribunal administratif de Marseille n'a ni commis d'erreur de droit, ni méconnu les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la requête de M. B... dont il était saisi présentait un caractère abusif, peu important à cet égard, en l'espèce, que M. B... ait bénéficié de l'aide juridictionnelle et que le tribunal ait retenu, comme M. B... le soutenait, que la décision attaquée était insuffisamment motivée.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions, mentionnées au point 1, du pourvoi de M. B..., ainsi que, par suite, celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

Sur le référé-provision :

En ce qui concerne les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B... :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

8. A l'appui de sa requête, M. B... soulève deux questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre certaines dispositions de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique aux termes duquel : " L'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable, dénuée de fondement ou abusive en raison notamment du nombre des demandes, de leur caractère répétitif ou systématique. / Cette condition n'est pas applicable au défendeur à l'action, à la personne civilement responsable, au témoin assisté, à la personne mise en examen, au prévenu, à l'accusé, au condamné et à la personne faisant l'objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. / En outre, en matière de cassation, l'aide juridictionnelle est refusée au demandeur si aucun moyen de cassation sérieux ne peut être relevé. / Lorsqu'en vertu des alinéas qui précèdent, l'aide juridictionnelle n'a pas été accordée et que cependant le juge a fait droit à l'action intentée par le demandeur, il est accordé à ce dernier le remboursement des frais, dépens et honoraires par lui exposés ou versés, à concurrence de l'aide juridictionnelle dont il aurait bénéficié compte tenu de ses ressources ".

S'agissant de la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. B... soutient à l'appui de cette question prioritaire de constitutionnalité que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 porteraient atteinte au " droit à être jugé dans un délai raisonnable ".

10. Toutefois, les dispositions contestées de l'article 7 de la loi du

10 juillet 1991, qui se bornent à prévoir les conditions de l'octroi de l'aide juridictionnelle en cassation et le remboursement, dans la limite du barème de l'aide juridictionnelle, des frais, dépens et honoraires exposés ou versés par un demandeur dont le pourvoi est accueilli par le juge alors que, faute de moyen sérieux, l'aide juridictionnelle ne lui avait pas été accordée, ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte au droit à être jugé dans un délai raisonnable. Par suite et en tout état de cause, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

11. Il en résulte qu'il n'y a pas lieu de renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

S'agissant de la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. M. B... soutient à l'appui de sa seconde question prioritaire de constitutionnalité que les dispositions du quatrième alinéa de l'article 7 de la loi du

10 juillet 1991 méconnaîtraient le principe d'égalité faute d'étendre le remboursement qu'elles prévoient au cas où un pourvoi est admis.

13. Toutefois, l'admission d'un pourvoi en cassation à l'issue de la procédure de filtrage des pourvois en cassation ne revêt pas, en principe, la forme d'une décision juridictionnelle et est, dans tous les cas, dépourvue d'autorité de chose jugée. Il s'ensuit que le principe d'égalité n'est, en tout état de cause, pas méconnu par les dispositions précitées au motif qu'elles ne prévoient pas que l'admission d'un pourvoi en cassation donne droit à son auteur, lorsqu'il n'a pas obtenu l'aide juridictionnelle pour défaut de moyen sérieux, à être remboursé des frais, dépens et honoraires par lui exposés ou versés. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

14. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Sur le surplus de la requête :

15. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

16. Il résulte de l'instruction qu'en vue de se pourvoir en cassation contre le jugement du 4 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille, mentionné au point 1, M. B... a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ce bénéfice lui a été refusé par une décision du

29 décembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle établi près le Conseil d'Etat au motif qu'aucun moyen de cassation sérieux ne pouvait être relevé contre la décision attaquée. Par une ordonnance du 25 février 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a rejeté le recours formé par M. B... contre cette décision. Si, par sa décision du

25 novembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de M. B... contre le même jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il l'avait condamné à payer une indemnité à l'IEP d'Aix-en-Provence pour recours abusif, la présente décision, ainsi qu'il a été dit au point 6, rejette ces conclusions.

17. Il résulte des dispositions citées au point 8, dont M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'elles seraient contraires au droit à un procès équitable tel que garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le remboursement des frais et honoraires exposés ou versés par un demandeur qui n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle faute de moyen sérieux ne peut être accordé que si le juge fait droit à son action. Ainsi qu'il vient être dit, les conclusions admises du pourvoi de M. B... contre le jugement attaqué ont été rejetées au point 6 de la présente décision. Il s'ensuit que l'obligation dont se prévaut M. B... ne saurait être regardée comme non sérieusement contestable. Par suite, les conclusions de la requête de M. B... par lesquelles il demande, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le versement d'une provision d'un montant de 3 000 euros correspondant au montant des honoraires d'avocat qu'il a versés ne peuvent être accueillies.

18. Il résulte de ce qui précède que la requête en référé-provision de M. B..., y compris en ce qu'elle présente des conclusions au titre des dispositions des articles L. 761-1 et L. 911-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi n° 463506 de M. B... est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B....

Article 3 : La requête n° 469529 de M. B... est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 463506
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 fév. 2023, n° 463506
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463506.20230221
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