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20/02/2023 | FRANCE | N°467178

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 20 février 2023, 467178


Vu la procédure suivante :

La société RMG a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, et subsidiairement, la réduction, du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1801109 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20NC03598 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société RMG contre ce jugement. <

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Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et ...

Vu la procédure suivante :

La société RMG a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, et subsidiairement, la réduction, du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1801109 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20NC03598 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société RMG contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 30 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société RMG demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 30 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société RMG demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi, de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 1586 ter, 1586 quinquies et 1586 quater du code général des impôts relatifs à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en tant que d'une part, en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 34 de la Constitution, elles ne prévoient pas de mécanisme de nature à garantir qu'un contribuable ne soit pas imposé sur la base d'un chiffre d'affaires afférent à une période antérieure au fait générateur de l'imposition et à la promulgation de la loi l'ayant créé et que, d'autre part, en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, elles traitent différemment les sociétés selon la date de clôture de leur exercice social.

Par un mémoire enregistré le 13 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine,Viaud, avocat de la société RMG ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société RMG a sollicité la décharge et, subsidiairement, la réduction, du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013. La société RMG se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre le jugement du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Besançon rejetant sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. / Pour la détermination de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, on retient la valeur ajoutée produite et le chiffre d'affaires réalisé au cours de la période mentionnée à l'article 1586 quinquies, à l'exception, d'une part, de la valeur ajoutée afférente aux activités exonérées de cotisation foncière des entreprises en application des articles 1449 à 1463 et 1464 K, à l'exception du 3° de l'article 1459, et, d'autre part, de la valeur ajoutée afférente aux activités exonérées de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en application des I à III de l'article 1586 nonies. Cette valeur ajoutée fait, le cas échéant, l'objet de l'abattement prévu au IV de l'article 1586 nonies. / Pour les entreprises de navigation maritime ou aérienne qui exercent des activités conjointement en France et à l'étranger, il n'est pas tenu compte de la valeur ajoutée provenant des opérations directement liées à l'exploitation de navires ou d'aéronefs ne correspondant pas à l'activité exercée en France. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du troisième alinéa. / 2. La fraction de la valeur ajoutée mentionnée au 1 est obtenue en multipliant cette valeur ajoutée par un taux égal à 1,5 %. / 3. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à la cotisation foncière des entreprises ". Aux termes de l'article 1585 quinquies du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1. Sous réserve des 2, 3 et 4, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est déterminée en fonction du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. / 2. Si l'exercice clos au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie est d'une durée de plus ou de moins de douze mois, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est établie à partir du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours de cet exercice. / 3. Si aucun exercice n'est clôturé au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est établie à partir du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite entre le premier jour suivant la fin de la période retenue pour le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de l'année précédente et le 31 décembre de l'année d'imposition. En cas de création d'entreprise au cours de l'année d'imposition, la période retenue correspond à la période comprise entre la date de création et le 31 décembre de l'année d'imposition. / 4. Lorsque plusieurs exercices sont clôturés au cours d'une même année, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est établie à partir du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours des exercices clos, quelles que soient leurs durées respectives. / 5. Dans les situations mentionnées aux 1 à 4, il n'est pas tenu compte de la fraction d'exercice clos qui se rapporte à une période retenue pour l'établissement de l'impôt dû au titre d'une ou de plusieurs années précédant celle de l'imposition. / II. - Le montant du chiffre d'affaires déterminé conformément aux 2, 3 et 4 du I est, pour l'application du premier alinéa du I de l'article 1586 ter et pour l'application de l'article 1586 quater, corrigé pour correspondre à une année pleine. "

3. D'autre part, aux termes de l'article 1586 quater du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les entreprises bénéficient d'un dégrèvement de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il est égal à la différence entre le montant de cette cotisation et l'application à la valeur ajoutée mentionnée au 1 du II de l'article 1586 ter d'un taux calculé de la manière suivante : / a) Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 €, le taux est nul ; / b) Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 500 000 € et 3 000 000 €, le taux est égal à : / 0,5 % × (montant du chiffre d'affaires-500 000 €)/2 500 000 € ; / c) Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 3 000 000 € et 10 000 000 €, le taux est égal à : / 0,5 % + 0,9 % × (montant du chiffre d'affaires-3 000 000 €)/7 000 000 € ; / d) Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 10 000 000 € et 50 000 000 €, le taux est égal à : / 1,4 % + 0,1 % × (montant du chiffre d'affaires-10 000 000 €)/40 000 000 € ; / e) Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 000 000 €, à 1,5 %. / Les taux mentionnés aux b, c et d sont exprimés en pourcentages et arrondis au centième le plus proche. / Pour l'application du présent article, le chiffre d'affaires s'entend de celui mentionné au 1 du II de l'article 1586 ter. (...). "

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

5. La société RMG soutient qu'en adoptant les dispositions des articles 1586 ter, 1586 quater et 1586 quinquies du code général des impôts, le législateur a méconnu l'étendue de ses compétences d'une manière affectant par elle-même la garantie des droits assurée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques en ce que, faute d'avoir prévu un mécanisme de nature à garantir qu'un contribuable ne soit pas imposé à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sur la base d'un chiffre d'affaires antérieur au fait générateur de l'imposition et à la promulgation de la loi qui l'a instituée, il a, dans le cas d'une société dont l'exercice social ne coïncide pas avec l'année civile, porté atteinte à une situation légalement acquise et institué une différence de traitement injustifiée entre les sociétés selon la date de clôture de leur exercice social.

6. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur à qui il était loisible de déterminer une assiette établie sur la base de données économiques afférentes à une période antérieure au fait générateur de l'imposition et à la promulgation de la loi, a pleinement exercé sa compétence et n'a disposé que pour l'avenir, sans porter atteinte à des situations juridiquement acquises ni remettre en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de telles situations.

7. En second lieu, d'une part, la définition, au 1 du I de l'article 1586 quinquies du code général des impôts, de la période de référence prise en compte pour l'établissement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises comme étant soit l'année au titre de laquelle l'imposition est établie, soit le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année, lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile, résulte de la différence de situation liée à la détermination de l'exercice comptable de l'entreprise et, en tout état de cause, implique, dans l'un et l'autre cas, la prise en compte de la période de douze mois précédant la clôture de l'exercice intervenue au cours de l'année d'imposition. D'autre part, si les dispositions du 4 du I du même article peuvent conduire à imposer une entreprise, au titre de l'année où elle modifie la date de clôture de ses exercices comptables, à raison d'une valeur ajoutée produite au cours d'une période plus longue que celle de douze mois normalement applicable en vertu du 1 du même I, elles permettent d'imposer une valeur ajoutée qui, à défaut, n'aurait pu être prise en compte au titre d'aucune année. Enfin, le 5 du I du même article prévoit qu'il n'est pas tenu compte de la fraction d'exercice clos qui se rapporte à une période retenue pour l'établissement de l'impôt dû au titre d'une ou de plusieurs années précédant celle de l'imposition. Dans ces conditions, ces dispositions ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la loi, ni le principe d'égalité devant les charges publiques.

8. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente, en tout état de cause, pas de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur l'autre moyen du pourvoi :

9. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

10. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la société RMG soutient que la cour administrative d'appel de Nancy a méconnu le principe de non-discrimination, qui découle de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en relation avec le respect de ses biens garanti par l'article 1er de son protocole additionnel, ainsi que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime nécessairement inhérents au droit de cette convention.

11. Ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions des articles 1586 ter, 1586 quater et 1586 quinquies du code général des impôts.

Article 2 : Le pourvoi de la société RMG n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société RMG.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 janvier 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 20 février 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 467178
Date de la décision : 20/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 fév. 2023, n° 467178
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mazauric
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP KRIVINE, VIAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467178.20230220
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