La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2023 | FRANCE | N°452452

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 17 février 2023, 452452


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Imerys Aluminates demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la ministre de la transition écologique a implicitement rejeté sa demande du 9 février 2021 tendant au maintien des ciments d'aluminates de calcium dans les référentiels de clinkers de ciment gris (BM 10) et blanc (BM 11) pour la 4ème période du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre ;

2°) d'enj

oindre à la ministre de la transition écologique, dans le délai d'un mois, d'inclure l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Imerys Aluminates demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la ministre de la transition écologique a implicitement rejeté sa demande du 9 février 2021 tendant au maintien des ciments d'aluminates de calcium dans les référentiels de clinkers de ciment gris (BM 10) et blanc (BM 11) pour la 4ème période du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre ;

2°) d'enjoindre à la ministre de la transition écologique, dans le délai d'un mois, d'inclure les ciments d'aluminates de calcium dans le référentiel de clinkers de ciments gris et blanc ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 ;

- le règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission du 19 décembre 2018 ;

- le règlement d'exécution (UE) 2021/447 de la Commission du 12 mars 2021 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Imerys Aluminates ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique du litige :

1. Le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'Union européenne est organisé par la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 modifiée, transposée aux articles L. 229-5 et suivants du code de l'environnement. Pour l'application de ces dispositions, un quota d'émission constitue une unité de compte représentative de l'émission d'une tonne d'équivalent dioxyde de carbone. Aux termes de l'article L. 229-7 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 octobre 2019 relative au système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre : " I. La quantité de gaz à effet de serre émise au cours d'une année civile est calculée ou mesurée et exprimée en tonnes d'équivalent dioxyde de carbone. / II. A l'issue de chaque année civile, l'exploitant restitue à l'autorité administrative, sous peine des sanctions prévues à l'article L. 229-10, un nombre d'unités égal au total des émissions de gaz à effet de serre durant cette année civile de ses installations (...) ". Aux termes du I de l'article L. 229-15 du même code : " Des quotas d'émission de gaz à effet de serre sont délivrés gratuitement, sur demande, par l'autorité administrative aux exploitants des installations bénéficiant de l'autorisation mentionnée au premier alinéa de l'article L. 229-6 (...). / L'affectation a lieu au titre de périodes de cinq années civiles consécutives, la première commençant le 1er janvier 2021 ". Aux termes du III du même article : " (...) la quantité initiale de quotas pour les secteurs ou sous-secteurs exposés à un risque important de fuite de carbone est de 100 % de la quantité déterminée conformément aux mesures mentionnées au paragraphe 1 de l'article 10 bis de la directive 2003/87/ CE du 13 octobre 2003. (...) ".

2. Les mesures mentionnées au III de l'article L. 229-15 du code de l'environnement sont des actes délégués par lesquels la Commission européenne arrête " des règles pleinement harmonisées à l'échelle de l'Union relatives à l'allocation des quotas (...) ". En particulier, pour l'application du paragraphe 2 de l'article 10 bis de la directive 2003/87 du 13 octobre 2003 relatif à la détermination de référentiels pour l'allocation des quotas à titre gratuit, le règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission du 19 décembre 2018 prévoit 54 référentiels de produits, avec les valeurs de ces référentiels et les taux d'actualisation de ces valeurs pour la période courant de 2021 à 2030, de façon à garantir que les modalités d'allocation des quotas encouragent l'utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce règlement délégué a été complété par le règlement d'exécution (UE) 2021/447 de la Commission du 12 mars 2021 déterminant les valeurs révisées des référentiels.

3. S'agissant de la procédure d'instruction des demandes d'allocation à titre gratuit de quotas d'émission, il résulte, en premier lieu, de l'article 4 du règlement mentionné au point 3 que : " L'exploitant d'une installation remplissant les conditions d'allocation de quotas d'émission à titre gratuit (...) peut soumettre à l'autorité compétente une demande d'allocation à titre gratuit pour une période d'allocation. Cette demande est présentée avant le 30 mai 2019 pour la première période d'allocation (...) ". En deuxième lieu, l'article 11 de la directive 2003/87 du 13 octobre 2003 prévoit que " 1. Chaque Etat membre publie et présente à la Commission (...) la liste des installations (...) qui se trouvent sur son territoire, ainsi que les quotas gratuits alloués à chaque installation installée sur son territoire, calculés conformément aux règles visées à l'article 10 bis, paragraphe 1 et à l'article 10 quater. / La liste des installations couvertes par la présente directive pour la période de cinq ans débutant le 1er janvier 2021 est présentée le 30 septembre 2019 au plus tard (...) / Les Etats membres ne peuvent octroyer de quotas à titre gratuit en vertu du paragraphe 2 aux installations dont la Commission a refusé l'inscription sur la liste visée au paragraphe 1 ". En troisième lieu, aux termes du paragraphe 3 de l'article 14 du règlement mentionné au point 3 : " Dès réception de la liste, la Commission examine l'inscription de chaque installation sur la liste ainsi que les données associées (...) ". Aux termes du paragraphe 4 du même article : " Si la Commission ne rejette pas l'inscription d'une installation sur cette liste, les données sont utilisées pour le calcul des valeurs révisées des référentiels visés à l'article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87/CE ". En quatrième lieu, par une décision concernant les mesures nationales d'exécution, la Commission " notifi[e] les quantités annuelles provisoires de quotas alloués à titre gratuit pour la période d'allocation concernée ". Enfin, en vertu de l'article R. 229-8 du code de l'environnement et " après approbation par la Commission européenne de la liste des installations qui lui a été notifiée ", le ministre chargé de l'environnement prend un arrêté fixant la liste des exploitants d'installations éligibles à l'affectation et la délivrance de quotas à titre gratuit.

Sur la demande d'annulation :

4. Il ressort des pièces du dossier que, par une demande du 30 mai 2019, la société Imerys Aluminates a sollicité l'allocation à titre gratuit de quotas d'émission de gaz à effet de serre pour la période 2021-2025, pour un volume calculé, conformément aux périodes précédentes, à partir du référentiel applicable au " clinker " de ciment gris pour la production de ciment d'aluminates de calcium de ses sites de Dunkerque et de Fos-sur-Mer et au " clinker " de ciment blanc pour celle du site du Teil. Les services du ministère de la transition écologique ont tenu compte de cette demande pour établir la liste des installations sollicitant l'allocation à titre gratuit de quotas, qu'ils ont présentée en septembre 2019 à la Commission européenne. Toutefois, informée en octobre 2020 du refus de la Commission de maintenir la production de ciment d'aluminates de calcium dans ces référentiels, la société Imerys Aluminates a présenté, le 24 novembre 2020, une nouvelle demande de quotas correspondant à un volume calculé à partir d'un référentiel de repli, dit " avec émissions de procédé ". Par un courrier du 9 février 2021, la société Imerys Aluminates a demandé à la ministre de la transition écologique de modifier les référentiels de " clinker " de ciment gris (BM10) et blanc (BM11) afin d'y maintenir la production de ciment d'aluminates de calcium. Le silence gardé par la ministre ayant fait naître une décision implicite de rejet de sa demande de modification des référentiels, la société requérante demande l'annulation de cette décision.

5. Il ressort des pièces du dossier que la Commission a, par le règlement d'exécution 2021/447 du 12 mars 2021 déterminant les valeurs révisées des référentiels, pris en compte pour les valeurs des référentiels de " clinker " de ciment gris et blanc des données qui n'incluent plus la production de ciment d'aluminates de calcium, et en a tiré la conséquence que ce type de ciment ne pourrait plus entrer dans ces référentiels et se voir octroyer des quotas gratuits à ce titre.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que l'autorité nationale est tenue de mettre en œuvre le règlement d'exécution arrêté par la Commission déterminant les référentiels. Par suite, la ministre de la transition écologique ne pouvait que refuser la demande adressée par la société Imerys Aluminates et tendant à ce que la production de ciment d'aluminates de calcium soit maintenue dans les référentiels de " clinker " de ciment gris et blanc.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Imerys Aluminates doit être rejetée.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Imerys Aluminates est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Imerys Aluminates et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 janvier 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 février 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 452452
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2023, n° 452452
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:452452.20230217
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award