La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2023 | FRANCE | N°461379

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 27 janvier 2023, 461379


Vu les procédures suivantes :

I. Sous le n° 461379, par une requête enregistrée le 10 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Consommation logement et cadre de vie (CLCV), l'Association pour l'information et la défense des consommateurs salariés CGT (INDECOSA-CGT), l'Association Force Ouvrière des consommateurs (AFOC), le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), l'Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC), l'association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs (ALLDC), l'Unio

n laïque et citoyenne des consommateurs (ULCC), la fédération natio...

Vu les procédures suivantes :

I. Sous le n° 461379, par une requête enregistrée le 10 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Consommation logement et cadre de vie (CLCV), l'Association pour l'information et la défense des consommateurs salariés CGT (INDECOSA-CGT), l'Association Force Ouvrière des consommateurs (AFOC), le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), l'Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC), l'association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs (ALLDC), l'Union laïque et citoyenne des consommateurs (ULCC), la fédération nationale de l'énergie et des mines (FNEMFO), la fédération chimie énergie FCE-CFDT, la CFE-CGC énergies et la fédération CGT des mines et de l'énergie (FME-CGT) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie n° 2022-08 du 18 janvier 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité ;

2°) de mettre à la charge de la Commission de régulation de l'énergie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 462470, par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 20 mars, 19 juin et 13 décembre 2022, la société EkWateur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l'énergie n° 2022-08 du 18 janvier 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité en tant qu'elle fixe ces tarifs à un niveau insuffisamment élevé ;

2°) d'enjoindre à la Commission de régulation de l'énergie, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prendre au plus tard dans un délai de 15 jours à compter de l'annulation de la délibération du 18 janvier 2022, une nouvelle délibération proposant un niveau de tarifs réglementés de vente d'électricité supérieur à celui résultant de la délibération annulée, reflétant l'ensemble des coûts supportés par les fournisseurs et de nature à assurer la couverture des coûts de la société Electricité de France ainsi que les rattrapages conformément aux dispositions applicables et notamment aux articles L. 337-6 et suivants du code de l'énergie et à la directive 2019/944/UE du Parlement et du Conseil du 5 juin 2019.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de l'association Consommation logement et cadre de vie (CLCV), et autres :

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 décembre 2022, présentée par l'association CLCV et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de l'association CLCV et autres et de la société EkWateur sont dirigées contre la même délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 18 janvier 2022. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-6 du code de l'énergie : " Les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques définies aux articles L. 121-7, L. 121-8 et L. 121-8-1 sont intégralement compensées par l'Etat ". En vertu de l'article L. 121-9 du même code : " Chaque année, la Commission de régulation de l'énergie évalue le montant des charges ". Aux termes de l'article L. 121-16 de ce code : " La compensation mentionnée à l'article L. 121-6 fait l'objet d'acomptes mensuels sur la base du montant des charges mentionnées à l'article L. 121-9. / La Caisse des dépôts et consignations assure, pour le compte de l'Etat, le versement de ces acomptes et retrace ces différentes opérations en compte spécifique. Les frais de gestion qu'elle expose sont arrêtés annuellement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie et sont intégralement compensés par l'Etat ". Aux termes de l'article L. 337-4 du même code : " La Commission de régulation de l'énergie transmet aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie ses propositions motivées de tarifs réglementés de vente d'électricité. La décision est réputée acquise en l'absence d'opposition de l'un des ministres dans un délai de trois mois suivant la réception de ces propositions. Les tarifs sont publiés au Journal officiel. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 : " VI. - En 2022, par dérogation aux articles L. 337-4 à L. 337-9 du code de l'énergie, si les propositions motivées de tarifs réglementés de vente d'électricité de la Commission de régulation de l'énergie conduisent à ce que les tarifs dits " bleus " applicables aux consommateurs résidentiels définis à l'article R. 337-18 du même code, majorés des taxes applicables après application de l'article 29 de la présente loi, excèdent de plus de 4 % ceux applicables au 31 décembre 2021, majorés des taxes applicables à cette date, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie peuvent s'opposer à ces propositions motivées de la Commission de régulation de l'énergie prises en application de l'article L. 337-4 du code de l'énergie et fixer, par arrêté conjoint, un niveau de tarifs inférieur afin de répondre à l'objectif de stabilité des prix. Le cas échéant, par dérogation aux articles L. 337-10 à L. 337-12 du même code, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie peuvent s'opposer aux propositions motivées de la Commission de régulation de l'énergie prises en application de l'article L. 337-10 dudit code relatif aux tarifs de cession aux entreprises locales de distribution et fixer, par arrêté conjoint, un niveau de tarifs inférieur. La Commission de régulation de l'énergie transmet à cet effet les données nécessaires à la fixation de ces tarifs. / VII. - A compter de leur première évolution de l'année 2023, les tarifs réglementés de vente d'électricité dits " bleus " applicables aux consommateurs résidentiels définis à l'article R. 337-18 du code de l'énergie intègrent une composante de rattrapage, sur douze mois, permettant de couvrir les pertes de recettes supportées par l'entreprise " Électricité de France " résultant de l'écart entre le niveau des tarifs réglementés de vente d'électricité dits " bleus " proposé par la Commission de régulation de l'énergie et le niveau des mêmes tarifs fixé par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie en application du VI du présent article. A compter de la même date, les tarifs de cession définis à l'article R. 337-26 du code de l'énergie intègrent une composante de rattrapage, sur douze mois, permettant de couvrir les pertes de recettes supportées par l'entreprise " Électricité de France " résultant de l'écart entre le niveau des tarifs de cession proposé par la Commission de régulation de l'énergie et le niveau des mêmes tarifs fixé par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie en application du VI du présent article. / VIII. - Les pertes de recettes supportées, entre l'entrée en vigueur des tarifs mentionnés au VI et leur première évolution de l'année 2023, par les fournisseurs d'électricité mentionnés à l'article L. 111-54 du code de l'énergie pour leurs offres aux tarifs réglementés de vente et par les fournisseurs d'électricité pour leurs offres de marché constituent des charges imputables aux obligations de service public, au sens de l'article L. 121-6 du même code, compensées par l'Etat. Ces pertes de recettes sont calculées par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure aux volumes livrés aux clients résidentiels en offre de marché par les fournisseurs d'électricité et aux tarifs réglementés pour les fournisseurs d'électricité mentionnés à l'article L. 111-54 du code de l'énergie, entre l'entrée en vigueur des tarifs mentionnés au VI du présent article et leur première évolution de l'année 2023. Le montant unitaire est calculé comme la différence, en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs dits " bleus " aux clients résidentiels en France métropolitaine continentale qui auraient été appliqués en l'absence du même VI et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs dits " bleus " aux clients résidentiels en France métropolitaine continentale effectivement appliqués en application dudit VI. Pour les fournisseurs d'électricité mentionnés à l'article L. 111-54 du code de l'énergie, les charges qui résultent de ces pertes de recettes sont diminuées des sommes résultant de l'application des tarifs de cession qui auraient été appliqués en l'absence du VI du présent article et les tarifs de cession effectivement appliqués en application du même VI. / (...) / X. - Par dérogation aux modalités prévues aux articles L. 121-9 à L. 121-28 du code de l'énergie, au plus tard un mois après l'entrée en vigueur des tarifs mentionnés au VI du présent article, les fournisseurs mentionnés au premier alinéa du VIII ayant moins d'un million de clients résidentiels déclarent à la Commission de régulation de l'énergie leurs pertes de recettes prévisionnelles mentionnées au même premier alinéa. Ces déclarations font l'objet d'une certification par leur commissaire aux comptes ou, le cas échéant, par leur comptable public. Une délibération de la Commission de régulation de l'énergie évalue, au plus tard deux mois après l'entrée en vigueur des tarifs mentionnés au VI, le montant de ces pertes. Ce montant fait l'objet d'un versement au titre des compensations de charges de ces fournisseurs, effectué au plus tard trois mois après l'entrée en vigueur des tarifs mentionnés au même VI. / XI. - La différence entre, d'une part, la compensation des pertes de recettes mentionnées au VIII, en tenant compte du versement prévu au X, et, d'autre part, le versement dû à l'Etat prévu au IX est compensée à partir de 2023 selon les modalités prévues aux articles L. 121-37 à L. 121-41 du code de l'énergie. Le cas échéant, les sommes sont déduites de la compensation au titre des charges de service public de l'énergie qui leur est versée en application des articles L. 121-6 à L. 121-28 du code de l'énergie ".

4. Sur le fondement des dispositions citées au point 2, la Commission de régulation de l'énergie a adopté, le 18 janvier 2022, une délibération portant proposition de tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE). Sous le numéro 461379, l'association CLCV et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération. Sous le numéro 462470, la société EkWateur demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération en tant qu'elle fixe ces tarifs à un niveau insuffisamment élevé.

5. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 337-4 du code de l'énergie citées au point 2 auxquelles le VI de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 cité au point 3 n'a pas entendu déroger sur ce point, que s'il peut être excipé de l'illégalité des propositions motivées de la Commission de régulation de l'énergie à l'appui d'une demande d'annulation de l'arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie fixant les TRVE, ces propositions ne constituent en elles-mêmes qu'un acte préparatoire à cet arrêté, insusceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du VII de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 cités au point 3 que si les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie dans la délibération contestée seront pris en compte pour déterminer la composante de rattrapage, intégrée aux TRVE dits " bleus " résidentiels lors de leur première évolution pour 2023 et correspondant à l'écart entre les tarifs proposés par la commission et les tarifs fixés par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie en application du VI de ce même article 181, la fixation de cette composante résultera du niveau des TRVE fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie lors de leur première évolution en 2023. Par suite, s'il pourra être excipé de l'illégalité de la délibération contestée à l'appui d'une demande d'annulation de cet arrêté, la seule circonstance que les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie soient susceptibles d'influer sur le niveau de la composante de rattrapage n'est pas de nature à conférer à cette délibération le caractère d'un acte pouvant être déféré au juge de l'excès de pouvoir.

7. En troisième lieu, il résulte des dispositions du VIII de l'article 181 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 cités au point 3 que si les tarifs proposés par la Commission de régulation de l'énergie dans la délibération contestée sont pris en compte pour déterminer les pertes de recettes supportées par les entreprises locales de distribution définies à l'article L. 111-54 du code de l'énergie et les fournisseurs alternatifs d'électricité à raison de l'application de ce même VI, en vue d'évaluer l'ampleur de la compensation pour charges de service public qui leur est due, cette compensation est déterminée par des actes spécifiques de la Commission de régulation de l'énergie en vertu des dispositions des X et XI de l'article 181 de la loi de finances pour 2022. Par suite, s'il pourra être excipé de l'illégalité de la délibération contestée à l'appui d'une demande d'annulation des actes de la Commission de régulation de l'énergie fixant le montant de la compensation pour charges de service public, la seule circonstance que les tarifs proposés par elle soient susceptibles d'influer sur le niveau de cette compensation n'est pas de nature à conférer à cette délibération le caractère d'un acte pouvant être déféré au juge de l'excès de pouvoir.

8. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la société EkWateur, la délibération contestée qui ne consiste, ainsi qu'il a été dit, qu'en une proposition de tarifs à l'attention des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, ne constitue pas, en tout état de cause, un acte de droit souple susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir, faute de produire, par elle-même, des effets notables, notamment de nature économique, sur la situation ou le comportement des fournisseurs d'électricité.

9. Il résulte de ce qui précède que l'association CLCV et autres et la société EkWateur ne sont pas recevables à demander l'annulation de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 18 janvier 2022 portant proposition de tarifs réglementés de vente d'électricité.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Commission de régulation de l'énergie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de l'association CLCV et autres et de la société EkWateur sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Consommation logement et cadre de vie, première requérante dénommée dans la requête n° 461379, à la société EkWateur ainsi qu'à la Commission de régulation de l'énergie.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 décembre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M.Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 27 janvier 2023.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de la transition énergétique chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461379
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2023, n° 461379
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:461379.20230127
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award