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25/01/2023 | FRANCE | N°456535

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 25 janvier 2023, 456535


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 mars 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de prendre en compte, à l'occasion de sa nomination en tant qu'élève surveillant de l'administration pénitentiaire, son ancienneté au titre de son affectation antérieure en tant qu'adjoint de sécurité non titulaire. Par une ordonnance n° 1905320 du 12 septembre 2019, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.<

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Par un arrêt n° 19VE03491 du 9 juillet 2021, la cour administrative d...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 mars 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de prendre en compte, à l'occasion de sa nomination en tant qu'élève surveillant de l'administration pénitentiaire, son ancienneté au titre de son affectation antérieure en tant qu'adjoint de sécurité non titulaire. Par une ordonnance n° 1905320 du 12 septembre 2019, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE03491 du 9 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de M. A..., annulé cette ordonnance mais, statuant par la voie de l'évocation, rejeté la demande présentée par M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 9 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A... a été recruté en qualité d'adjoint de sécurité non titulaire au ministère de l'intérieur à compter du 2 novembre 2010. Par un courrier du 19 août 2016, la direction de l'administration pénitentiaire l'a informé qu'il avait été déclaré apte à la fonction de surveillant de l'administration pénitentiaire et que sa nomination en qualité d'élève surveillant serait prononcée le 17 octobre 2016, date de début de sa scolarité à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP). Par un courrier du 13 septembre 2016, M. A... a présenté sa démission comme agent non titulaire à compter du 16 octobre 2016, en précisant être convoqué à l'ENAP le 17 octobre 2016 et en joignant sa convocation. Par une décision du 6 octobre 2016, le préfet d'Eure-et-Loir a accepté cette démission. Par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 17 octobre 2016, M. A... a été nommé en qualité d'élève surveillant à l'ENAP à compter du 17 octobre 2016 avant d'être nommé stagiaire dans le corps des personnels d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire puis d'être titularisé dans le grade de surveillant de ce corps à compter du 18 juin 2018. Par une décision du 8 mars 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de M. A... tendant à la reprise de ses services effectués en qualité d'adjoint de sécurité non titulaire du 2 novembre 2010 au 16 octobre 2016. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé l'ordonnance du 12 septembre 2019 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande d'annulation de la décision du 8 mars 2019, a également rejeté cette demande.

2. Aux termes de l'article 10 du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, dans sa version applicable à la date de la titularisation de M. A... : " I. - Sous réserve des dispositions du II, du III et du IV, les surveillants titularisés sont classés au 1er échelon de leur grade. (...) / III. - Les surveillants qui avaient, à la date de leur nomination en tant qu'élève, la qualité d'agent non titulaire de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics en relevant sont classés à un échelon déterminé en prenant en compte, sur la base des durées fixées à l'article 11 pour chaque avancement d'échelon, les services accomplis dans un emploi de même niveau, à raison des trois quarts de leur durée (...) ".

3. En prévoyant que la mesure de reclassement qu'elles prévoient bénéficie aux personnes justifiant de la qualité d'agent non titulaire à la date de leur nomination en tant qu'élève, les dispositions de l'article 10 du décret du 14 avril 2006 n'ont pas entendu exclure de ce bénéfice les agents non titulaires qui ont présenté leur démission avant la date de leur nomination comme élève dans le but de permettre à cette nomination d'intervenir dans des conditions régulières.

4. En l'espèce, pour juger que M. A... n'était pas fondé à demander l'annulation de la décision du 8 mars 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice refusant de prendre en compte les services effectués en qualité d'adjoint de sécurité non titulaire du 2 novembre 2010 au 16 octobre 2016, la cour administrative d'appel s'est fondée sur la circonstance qu'il avait cessé d'exercer ses fonctions d'adjoint de sécurité le 16 octobre 2016 et qu'il n'avait donc plus la qualité d'agent non titulaire de l'Etat à la date de sa nomination le 17 octobre 2016 en qualité d'élève surveillant à l'ENAP. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des courriers des 13 septembre et 6 octobre 2016, que l'intéressé avait démissionné de ses fonctions le 16 octobre 2016 dans le but de commencer sa scolarité à l'ENAP le lendemain, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

7. Pour contester, dans sa demande présentée le 7 juillet 2019 devant le tribunal administratif de Versailles, la décision du 8 mars 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice avait rejeté sa demande de reprise d'ancienneté, M. A... faisait valoir la nécessaire prise en compte de ses fonctions exercées en tant qu'adjoint de sécurité non titulaire jusqu'au 16 octobre 2016 et précisait avoir quitté ces fonctions afin de pouvoir commencer sa scolarité à l'ENAP le 17 octobre 2016. Sa demande satisfaisait ainsi à l'exigence de motivation requise par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son appel, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 12 septembre 2019 par laquelle le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles a retenu que sa demande était dépourvue de l'exposé de tout moyen et l'a rejetée comme manifestement irrecevable.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Versailles.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté sa démission de ses fonctions d'adjoint de sécurité non titulaire exercées au commissariat de Chartres à compter du 16 octobre 2016 dans le but de commencer sa scolarité à l'ENAP le lendemain. Ainsi, à la date de sa nomination le 17 octobre 2016 en qualité d'élève surveillant, M. A... devait être regardé comme ayant conservé la qualité d'agent non titulaire de l'Etat pour l'application des dispositions de l'article 10 du décret du 14 avril 2006. Dès lors, en refusant de prendre en compte, par la décision attaquée du 8 mars 2019, les services de M. A... effectués en qualité d'adjoint de sécurité du 2 novembre 2010 au 16 octobre 2016 pour procéder au classement de l'intéressé dans le corps des personnels d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, le garde des sceaux, ministre de la justice a fait une inexacte application du décret du 14 avril 2006. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 8 mars 2019 qu'il attaque.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt n° 19VE03491 de la cour administrative d'appel de Versailles du 9 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : L'ordonnance n° 1905320 du 12 septembre 2019 du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 3 : La décision du 8 mars 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice, est annulée.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 janvier 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 25 janvier 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 456535
Date de la décision : 25/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jan. 2023, n° 456535
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:456535.20230125
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