La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/01/2023 | FRANCE | N°447363

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 06 janvier 2023, 447363


Vu la procédure suivante :

Par une demande enregistrée le 24 juin 2021 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, l'association Défense des milieux aquatiques (DMA) demande au Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre chargé de la pêche, en exécution de la décision nos 428271, 428276 du 8 juillet 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sous peine d'une astreinte de 1 537 euros par jour de retard à compter du 1er janvier 2022, de fixer un quota maximum de capture du maigre commun géniteur pour la pêche professionnelle, de limiter à un pois

son par pêcheur amateur et par jour les captures de maigre commun,...

Vu la procédure suivante :

Par une demande enregistrée le 24 juin 2021 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, l'association Défense des milieux aquatiques (DMA) demande au Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre chargé de la pêche, en exécution de la décision nos 428271, 428276 du 8 juillet 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sous peine d'une astreinte de 1 537 euros par jour de retard à compter du 1er janvier 2022, de fixer un quota maximum de capture du maigre commun géniteur pour la pêche professionnelle, de limiter à un poisson par pêcheur amateur et par jour les captures de maigre commun, de relever à au moins 60 cm pour la pêche professionnelle et 80 cm pour la pêche amateur la taille minimale de capture du maigre commun, avec mise en cohérence du maillage des filets employés, d'inscrire le maigre commun parmi les espèces à évaluer régulièrement au tableau 2 de l'annexe I de l'arrêté du 9 septembre 2019 relatif à la définition du bon état écologique des eaux marines et aux normes méthodologiques d'évaluation, et de désigner l'IFREMER comme expert scientifique pour l'ensemble de ces mesures, à mettre en place avant la fin de l'année 2021.

La section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu de l'article R. 931-4 du code de justice administrative et le président de cette section a transmis la demande d'exécution au président de la section du contentieux.

Par une ordonnance n° 458566 du 6 décembre 2021, le président de la section du contentieux a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

La note que le président de la section du rapport et des études a adressée au président de la section du contentieux a été communiquée aux parties en application des dispositions de l'article R. 931-5 du code de justice administrative.

Par des mémoires du 25 mai et du 6 juillet 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la demande de l'association DMA. Il soutient que le Gouvernement a opéré l'ensemble des diligences qu'impliquait la mise en œuvre de l'injonction prononcée par la décision du 8 juillet 2020.

Par des mémoires enregistrés les 12 avril, 8 juillet, 25 juillet et 2 décembre 2022, l'association DMA soutient que les mesures détaillées par le ministre n'assurent pas l'exécution de la décision du 8 juillet 2020.

Par une mesure supplémentaire d'instruction du 21 novembre 2022, le Conseil d'Etat a demandé au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de lui indiquer si les mesures annoncées dans son mémoire du 6 juillet 2022 en vue d'exécuter la décision du 8 juillet 2020 ont été adoptées.

Par deux mémoires, enregistrés les 23 et 25 novembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a répondu que ces mesures ont été adoptées et les a transmises au Conseil d'Etat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision n° 428271, 428276 du 8 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux ;

Vu :

- l'arrêté de la Première ministre du 23 août 2022 relatif à l'encadrement de la pêche professionnelle et de loisir du maigre commun (Argyrosomus regius) et modifiant l'arrêté du 26 octobre 2012 déterminant la taille minimale ou le poids minimal de capture des poissons et autres organismes marins (pour une espèce donnée ou pour une zone géographique donnée) effectuée dans le cadre de la pêche maritime de loisir et l'arrêté du 28 janvier 2013 déterminant la taille minimale ou le poids minimal de capture et de débarquement des poissons et autres organismes marins pour la pêche professionnelle;

- l'arrêté de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine n° 307 du 28 juillet 2022 portant réglementation de la pêche maritime dans l'estuaire de la Gironde et à son embouchure ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-5 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'une décision rendue par une juridiction administrative, le Conseil d'Etat peut, même d'office, prononcer une astreinte contre les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public pour assurer l'exécution de cette décision ".

2. Par une décision nos 428271, 428276 du 8 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a estimé qu'il n'était pas établi avec certitude que l'état du stock de maigre dans le golfe de Gascogne imposerait l'adoption d'une taille minimale de capture plus élevée mais que les éléments circonstanciés produits par l'Association de défense des ressources marines (ADRM) accréditaient l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement de nature à justifier, en dépit des incertitudes subsistant sur sa réalité et sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution, et constaté qu'aucune des études préconisées en 2009 par l'IFREMER n'avait été réalisée ni aucune autre mesure de protection spécifique au maigre mise en œuvre, alors que l'IFREMER recommandait, en cas de maintien de la taille minimale de capture du maigre à 30 cm, de protéger à tout le moins les nourriceries de cette espèce. Le Conseil d'Etat en a déduit qu'en refusant de reconsidérer le niveau de la taille minimale de capture du maigre à la lumière de ces éléments alors qu'aucune autre mesure adaptée n'était prise, le ministre avait méconnu les obligations découlant du principe de précaution. Il a pour ce motif annulé les décisions implicites du ministre de l'agriculture et de l'alimentation refusant d'abroger les dispositions des arrêtés des 26 octobre 2012 et du 28 janvier 2013 relatives à la taille minimale de capture du maigre commun, et enjoint à ce ministre de procéder, dans un délai d'un an, et conformément aux motifs de cette décision, au réexamen de la demande de l'ADRM tendant à la fixation de tailles minimales de capture plus élevées pour le maigre commun. L'association Défense des milieux aquatiques (DMA), nouveau nom de l'ADRM, a saisi le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 911-5 du code de justice administrative, d'une demande d'astreinte pour assurer l'exécution de cette décision.

3. Il résulte de l'instruction, en premier lieu, que, postérieurement à la notification de la décision du 8 juillet 2020, la Première ministre a, à la suite d'un réexamen de la demande de l'ADRM, décidé, par arrêté du 23 août 2022, d'une part, de rehausser la taille minimale de capture du maigre de 30 à 35 centimètres pour la pêche professionnelle et de 45 à 50 centimètres pour la pêche de loisir et, d'autre part, de relever la taille de maillage minimal des filets de pêche professionnelle à 100 millimètres mailles étirées pour la pêche ciblée du maigre. En second lieu, à la suite de ce réexamen, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a adopté, le 28 juillet 2022, un arrêté qui, d'une part, instaure des fermetures temporaires de pêche dans des zones de l'estuaire de la Gironde constitutives de frayères pour cette espèce et, d'autre part, met en place une relève décadaire pour les engins pêchant le maigre. Ainsi, quand bien même ces mesures ont été adoptées dans des délais excédant ceux qui avaient été impartis par la décision du 8 juillet 2020, le Gouvernement a effectivement procédé, conformément à l'injonction dont cette décision était assortie, au réexamen de la demande de l'ADRM. Il suit de là que les conclusions de l'association DMA tendant à ce que l'Etat soit condamné à une astreinte sont devenues sans objet.

4. Si l'association DMA soutient que les mesures adoptées au terme de ce réexamen sont insuffisantes pour assurer la reconstitution du stock de maigre, et demande qu'il soit enjoint au ministre de l'agriculture de prendre diverses mesures destinées à limiter davantage les captures de géniteurs et à inscrire le maigre parmi les espèces à évaluer régulièrement au titre du suivi du bon état écologique des eaux marines, cette contestation et ces demandes relèvent, eu égard au dispositif de la décision du 8 juillet 2020, d'un litige distinct, qui ne se rapporte pas à l'exécution de cette décision et dont il n'appartient pas au Conseil d'Etat de connaître dans le cadre de la présente instance.

5. Il suit de là que la demande tendant à ce que le Conseil d'Etat prononce une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision du 8 juillet 2020 est devenue sans objet.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'association DMA.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Défense des milieux aquatiques et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée à la présidente de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 décembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Françoise Tomé, conseillers ; M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 6 janvier 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Géraud Sajust de Bergues

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

N° 458566- 2 -


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 447363
Date de la décision : 06/01/2023
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jan. 2023, n° 447363
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Le Coq
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:447363.20230106
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award