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29/12/2022 | FRANCE | N°458957

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 29 décembre 2022, 458957


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 15 mars 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin, sur le fondement du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au statut de réfugié dont il bénéficiait et, d'autre part, de le rétablir dans ce statut.

Par une décision n° 21017150 du 28 septembre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 15 mars 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin, sur le fondement du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au statut de réfugié dont il bénéficiait et, d'autre part, de le rétablir dans ce statut.

Par une décision n° 21017150 du 28 septembre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2021 et 28 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat d'annuler cette décision.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet , avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. B..., de nationalité arménienne, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Commission de recours des réfugiés du 20 juillet 2006. M. B... a été condamné par la cour d'assises de la Sarthe, par un jugement devenu définitif du 9 juin 2017, à une peine de quatorze ans d'emprisonnement pour des faits, commis le 16 avril 2014, de violence avec usage ou menace d'une arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner et de détention non autorisée d'arme, munition ou élément essentiel de catégorie B par une personne déjà condamnée à une peine privative de liberté. Par une décision du 15 mars 2021, prise sur le fondement du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFPRA a mis fin au statut de réfugié dont M. B... bénéficiait, au motif que la présence en France de l'intéressé constituait une menace grave pour la société. Par une décision du 28 septembre 2021, contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et a rétabli à M. B... le bénéfice du statut de réfugié.

2. Aux termes de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le statut de réfugié peut être refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes : (...) 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d'un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française. ".

3. Il résulte de ces dispositions que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, qui est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié dès lors qu'il en remplit les conditions, est subordonnée à deux conditions cumulatives. Il appartient à l'OFPRA et, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, de vérifier si l'intéressé a fait l'objet de l'une des condamnations que visent les dispositions précitées et, d'autre part, d'apprécier si sa présence sur le territoire français est de nature à constituer, à la date de leur décision, une menace grave pour la société au sens des dispositions précitées, c'est-à-dire si elle est de nature à affecter un intérêt fondamental de la société, compte tenu des infractions pénales commises - lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision refusant le statut de réfugié ou y mettant fin - et des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais aussi du temps qui s'est écoulé et de l'ensemble du comportement de l'intéressé depuis la commission des infractions ainsi que de toutes les circonstances pertinentes à la date à laquelle ils statuent.

4. Pour annuler la décision de l'OFPRA, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir relevé que la première des deux conditions fixées par le 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à l'existence d'une condamnation en dernier ressort pour un crime, était en l'espèce remplie, a estimé que la présence en France de M. B... ne constituait pas une menace grave pour la société, dès lors que, même si cette condamnation permettait de tenir pour établi qu'il avait eu un comportement d'une réelle dangerosité, du fait de son degré de violence, ayant entraîné la mort d'un jeune homme pour un différend anodin, ce crime remontait à plus de sept ans et qu'il avait ébauché une prise de conscience de la gravité de son comportement passé, exprimé des regrets et une volonté d'insertion sociale et professionnelle, dans un environnement familial favorable.

5. Si, ainsi qu'il a été dit au point 3, les infractions pénales commises par un réfugié ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision mettant fin au statut de réfugié, il appartient à l'OFPRA et, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile, d'examiner la gravité de la menace que constitue la présence de l'intéressé en France en tenant compte, parmi d'autres éléments, de la nature des infractions commises, des atteintes aux intérêts fondamentaux de la société auxquels la réitération de ces infractions exposerait celle-ci et du risque d'une telle réitération. La seule circonstance qu'un réfugié, condamné pour des faits qui, lorsqu'ils ont été commis, établissaient que sa présence constituait une menace grave pour la société, se soit abstenu, postérieurement à sa libération, de tout comportement répréhensible, n'implique pas, par elle-même, du moins avant l'expiration d'un certain délai, et en l'absence de tout autre élément positif significatif en ce sens, que cette menace ait disparu. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour que M. B..., qui avait déjà fait l'objet de plusieurs condamnations pour usage illicite de stupéfiants et conduite d'un véhicule sans permis, purge une peine de quatorze ans de réclusion criminelle pour les faits mentionnés au point précédent. Cette peine a fait l'objet d'une confusion avec une autre condamnation pour des faits, commis le même jour, de refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou infirmité, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, et de rébellion. Si, lors de l'audience devant la Cour, il a exprimé des regrets et s'est prévalu de ses efforts de formation et de réinsertion, ainsi que de la thérapie qu'il aurait engagée, ces circonstances, non plus que sa situation familiale, ne permettent de tenir pour acquis que sa présence en France ne constituait plus, à la date de la décision attaquée, une menace grave pour la société française. L'OFPRA est, par suite, fondé à soutenir que la Cour nationale du droit d'asile a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 septembre 2021 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 458957
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2022, n° 458957
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458957.20221229
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