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28/12/2022 | FRANCE | N°449412

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 28 décembre 2022, 449412


Vu la procédure suivante :

L'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Bouches du Rhône du 12 avril 2016 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation (PPRi) de la basse vallée de la Durance sur le territoire de la commune de Châteaurenard, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n°1608493 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille, faisant d

roit à sa demande, a annulé ces décisions.

Par un arrêt n° 19MA041...

Vu la procédure suivante :

L'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet des Bouches du Rhône du 12 avril 2016 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation (PPRi) de la basse vallée de la Durance sur le territoire de la commune de Châteaurenard, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n°1608493 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille, faisant droit à sa demande, a annulé ces décisions.

Par un arrêt n° 19MA04105 du 4 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la ministre de la transition écologique et solidaire, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental ".

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 février 2021, 4 mai 2021 et 3 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la ministre de la transition écologique et solidaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 avril 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRi) de la basse vallée de la Durance sur le territoire de la commune de Châteaurenard. Par un jugement du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille, faisant droit à la demande de l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental ", a annulé cet arrêté, pour le seul motif tiré de l'illégalité de deux zones " RH MIN et " R1 MIN " créées spécifiquement pour accueillir le futur marché d'intérêt national, et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder, dans un délai de six mois, au réexamen du PPRi. Par un arrêt en date du 4 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie en appel par la ministre de la transition écologique et solidaire, a annulé ce jugement et rejeté la requête formée par l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental ", au motif que cette association ne justifiait pas d'un intérêt à contester le PPRi. L'association requérante se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Sur l'arrêt attaqué :

2. D'une part, il ressort des écritures en appel de la ministre de la transition écologique et solidaire que la cour administrative d'appel de Marseille n'était pas saisie de conclusions tendant à l'annulation de l'intégralité du jugement du tribunal administratif de Marseille, mais uniquement de conclusions tendant à l'annulation de ce jugement en tant seulement qu'il avait annulé la totalité du PPRi de la basse vallée de la Durance sur le territoire de la commune de Châteaurenard, alors que l'illégalité constatée n'affectait que les zones " RH MIN " et " R1 MIN " et que le jugement précisait qu'aucun autre moyen n'était fondé. Au demeurant, la ministre ne contestait nullement, dans ses écritures en appel, l'illégalité des zones " RH MIN " et " R1 MIN ". Par suite, l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " est fondée à soutenir qu'en annulant le jugement dans son intégralité, la cour a statué au-delà des conclusions dont elle était saisie.

3. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, selon ses statuts, l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " a pour objet " la défense d'un développement sûr, harmonieux, durable et équilibré de notre intercommunalité " terre de Provence " " et " la sauvegarde des espaces naturels et agricoles ". Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour dénier à l'association requérante une qualité lui donnant intérêt pour agir contre l'arrêté préfectoral approuvant le PPRi de la basse vallée de la Durance sur le territoire de la commune de Châteaurenard, la cour administrative d'appel a relevé que le but poursuivi par l'association tenant au développement " sûr " du territoire était formulé de manière très générale et ne pouvait être regardé comme incluant nécessairement la protection des personnes et des biens contre le risque d'inondation. Toutefois, la prévention du risque d'inondation se rapporte directement au développement " sûr, durable et équilibré " de l'intercommunalité, dont l'association a pour objet d'assurer la défense. Par suite, en jugeant que cette association ne justifiait pas d'un intérêt pour agir, la cour a entaché son arrêt d'une inexacte qualification juridique des faits.

4. Il résulte de tout de ce qui précède que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la ministre de la transition écologique et solidaire n'a fait appel du jugement du tribunal administratif qu'en tant que celui-ci avait annulé le PPRi dans son intégralité, sans remettre en cause l'annulation des dispositions de ce plan relatives aux zones " RH MIN " et " R1 MIN ", qui est devenue définitive.

Sur la régularité du jugement :

7. Il ressort des énonciations du jugement du 29 mai 2019 que le tribunal administratif de Marseille, après avoir constaté l'illégalité des zonages " RH MIN " et " R1 MIN " prévus dans le plan de prévention des risques d'inondation sur le territoire de la commune de Châteaurenard, a jugé que cette illégalité justifiait l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2016 approuvant ce plan. En statuant ainsi pour annuler le plan de prévention des risques d'inondation dans sa totalité, alors que le zonage illégal était divisible du reste du plan, le tribunal administratif a méconnu son office. Par suite, ce jugement, qui est entaché d'irrégularité, doit être annulé en tant qu'il a annulé la totalité du plan de prévention des risques d'inondation.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer sur la demande présentée par l'association requérante, sans remettre en cause la partie du jugement annulant les dispositions du plan relatives aux zones " RH MIN " et " R1 MIN ", qui, ainsi qu'il a été dit au point 6, n'a pas été frappée d'appel et est devenue définitive.

Sur la demande présentée par l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " devant le tribunal administratif de Marseille :

9. Pour les raisons indiquées au point 3, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de l'association requérante doit être rejetée.

10. En premier lieu, s'agissant de la procédure d'élaboration du document, les moyens invoqués par l'association requérante sont relatifs à la modification du projet de plan après la phase de concertation pour y inclure les zones " RH MIN " et " R1 MIN " destinées à l'accueil du marché d'intérêt national. L'annulation, devenue définitive, du classement des zones " RH MIN " et " R1 MIN " rend ces moyens inopérants contre la partie de l'arrêté qui reste en litige.

11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le plan de prévention des risques naturels d'inondation de la basse vallée de la Durance a pour seul objet le risque d'inondation par débordement de la Durance, ce qui exige de prendre en compte le débit de ses affluents tels que l'Anguillon, comme cela a été fait, mais non de traiter des risques de débordement de ces affluents, ni des risques d'inondation liés au ruissellement. Par suite, le moyen tiré de ce que ce plan serait illégal en ce qu'il ne prendrait pas suffisamment en compte le risque de crue de l'Anguillon et le risque de ruissellement ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " tendant à l'annulation de la partie du plan de prévention des risques non concernée par l'annulation devenue définitive du classement des zones " RH MIN " et " R1 MIN " doit être rejetée.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 4 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'article 2 du jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il ne se borne pas à annuler les dispositions relatives aux zones " RH MIN " et " R1 MIN " du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la basse vallée de la Durance sur le territoire de la commune de Châteaurenard approuvé par l'arrêté du 12 avril 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " devant le tribunal administratif de Marseille est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association " Châteaurenard défiguré - Association de protection du patrimoine rural et environnemental " et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 28 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 449412
Date de la décision : 28/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2022, n° 449412
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:449412.20221228
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