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27/12/2022 | FRANCE | N°460226

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 décembre 2022, 460226


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 460226, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 janvier, 24 février et 5 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Conférence nationale des comités de protection des personnes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 8.2.6 du règlement intérieur type des comités de protection des personnes annexé à l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 25 octobre 2021 fixant le règlement intérieur

type des comités de protection des personnes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 460226, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 janvier, 24 février et 5 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Conférence nationale des comités de protection des personnes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 8.2.6 du règlement intérieur type des comités de protection des personnes annexé à l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 25 octobre 2021 fixant le règlement intérieur type des comités de protection des personnes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 463553, par une requête, enregistrée le 27 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-323 du 4 mars 2022 relatif aux recherches impliquant la personne humaine et aux essais cliniques de médicament.

....................................................................................

3° Sous le n° 463744, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 mai, 18 juillet et 20 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Conférence nationale des comités de protection des personnes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-323 du 4 mars 2022 relatif aux recherches impliquant la personne humaine et aux essais cliniques de médicament ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, signée à Oviedo, du 4 avril 1997 ;

- le règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Conférence nationale des comités de protection des personnes ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 décembre 2022, présentée par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le règlement européen n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, ayant abrogé la directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001, a modifié le cadre juridique des recherches impliquant la personne humaine. Entré en vigueur le 31 janvier 2022, il prévoit notamment que les projets de recherche portant sur un médicament à usage humain ne sont plus qualifiés de recherches impliquant la personne humaine. Ces projets de recherche constituent des essais cliniques relevant d'un cadre spécifique, ainsi que le prévoit désormais l'article L. 1121-1 du code de la santé publique, aux termes duquel " Les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées dans les conditions prévues au présent livre et sont désignées ci-après par les termes " recherche impliquant la personne humaine ". / (...) Les dispositions du présent titre, à l'exception de celles mentionnées au chapitre IV, ne sont pas applicables aux essais cliniques de médicaments régis par les dispositions du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ".

2. Pour tirer les conséquences de ce règlement et en application des dispositions de l'article R. 1123-15 du code de la santé publique, le ministre chargé de la santé a pris le 25 octobre 2021 un arrêté fixant le règlement intérieur type des comités de protection des personnes. Le Premier ministre a ensuite pris, le 4 mars 2022, un décret relatif aux recherches impliquant la personne humaine et aux essais cliniques de médicament modifiant plusieurs dispositions du code de la santé publique. Par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre, la Conférence nationale des comités de protection des personnes et M. A... B..., membre du 2ème collège du comité de protection des personnes Ile-de-France VIII, demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 4 mars 2022 ainsi que de l'article 8.2.6 du règlement intérieur type des comités de protection des personnes annexé à l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 25 octobre 2021.

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 4 mars 2022 :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. En premier lieu, le I de l'article L. 1124-1 du code de la santé publique dispose que " Les essais cliniques de médicaments sont régis par les dispositions du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 / L'autorité compétente pour effectuer l'évaluation de la partie I du rapport d'évaluation prévue à l'article 6 de ce règlement est l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. / L'évaluation de la partie II prévue à l'article 7 de ce règlement relève de la compétence et de la responsabilité des comités de protection des personnes (...) ". La circonstance que cet article ne prévoit la compétence des comités de protection des personnes que sur la seule partie II du rapport d'évaluation des demandes d'autorisation d'essais cliniques ne saurait méconnaître, en tout état de cause, un principe d'égalité entre les participants à des recherches impliquant la personne humaine.

5. En deuxième lieu, la Conférence nationale des comités de protection des personnes n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les dispositions du II de l'article L. 1124-1 du code de la santé publique, en ce qu'elles ne prévoiraient une procédure de réexamen qu'en cas de refus d'autorisation et non en cas de refus d'élargissement ultérieur de l'autorisation déjà délivrée à un autre Etat membre ou en cas de modifications substantielles portant sur la partie I, la partie II ou les parties I et II, seraient entachées d'incompétence négative et porteraient atteinte au droit au recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les contestations en litige ne présentant pas de caractère juridictionnel.

6. En troisième lieu, le IV de l'article L. 1124-1 du code de la santé publique, qui fixe les dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine s'appliquant aux essais cliniques de médicaments régis par les dispositions du règlement (UE) du 16 avril 2014, ne prévoit pas l'application des dispositions de l'article L. 1122-2 de ce code, portant sur les modalités d'information et de recueil du consentement des mineurs non émancipés, des majeurs protégés ou des majeurs hors d'état d'exprimer leur consentement et qui ne font pas l'objet d'une mesure de protection juridique. Cependant, les modalités d'information et de recueil du consentement de ces personnes sont soumises aux dispositions des articles 31 et 32 du règlement (UE) du 16 avril 2014 auquel renvoie le I de l'article L. 1124-1, lesquelles prévoient des modalités spécifiques pour l'information et le consentement des mineurs et des " participants incapables ", et ainsi aux garanties qu'elles prévoient. Par suite, la Conférence des comités de protection des personnes n'est pas fondée à soutenir que les dispositions contestées seraient entachées d'incompétence négative et porteraient atteinte au principe de sauvegarde et de dignité de la personne humaine.

7. Il résulte de ce qui précède que les questions soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Ainsi, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne la légalité externe du décret du 4 mars 2022 :

8. En premier lieu, en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure l'exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire, sous réserve de la compétence conférée au Président de la République par l'article 13. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. B..., le Premier ministre était compétent pour prendre le décret attaqué.

9. En second lieu, il ressort des pièces des dossiers que le ministre chargé de la santé a consulté sur le projet de décret, ainsi que le requiert l'article L. 1123-1-1 du code de la santé publique, la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. Cette commission devait, aux termes du 3° de l'article D. 1123-27 du même code, transmettre ce projet de décret pour information aux comités de protection des personnes. Il ressort des pièces des dossiers que cette transmission n'a pas eu lieu. Cependant, dans les circonstances de l'espèce, ce défaut de transmission du projet de décret, qui devait l'être pour information et non pour avis, ne peut être regardé comme ayant privé les intéressés d'une garantie ou comme ayant pu avoir une influence sur le sens des dispositions adoptées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'adoption du décret attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne du décret du 4 mars 2022 :

Quant au moyen relatif à la portée de l'examen éthique dans le cadre d'essais cliniques de médicaments :

10. Selon le considérant 18 du préambule du règlement (UE) du 16 avril 2014, les décisions relatives à la désignation des organes appropriés participant à l'évaluation des demandes et à l'organisation de la participation des comités éthiques à cette évaluation relèvent de l'organisation interne de chaque Etat membre. Aux termes de l'article 4 de ce règlement : " Un essai clinique est soumis à un examen scientifique et éthique et est autorisé conformément au présent règlement. / L'examen éthique est réalisé par un comité d'éthique conformément au droit de l'État membre concerné. L'examen par le comité d'éthique peut englober des aspects mentionnés dans la partie I du rapport d'évaluation pour l'autorisation d'un essai clinique visé à l'article 6, et dans la partie II dudit rapport d'évaluation visé à l'article 7, comme il convient pour chaque État membre concerné ". Ses articles 6 et 7 définissent les critères au regard desquels et les délais dans lesquels chaque Etat membre conduit respectivement la partie I et la partie II de l'évaluation.

11. De première part, ni l'article 4 du règlement cité au point précédent, ni aucune autre disposition de ce règlement, n'exigent que l'examen éthique des demandes d'autorisation d'essais cliniques porte à la fois sur la partie I et la partie II du rapport d'évaluation ou n'ont pour effet de requérir qu'un examen éthique global ait lieu en sus de l'évaluation des parties I et II. Par suite, la Conférence nationale des comités de protection des personnes et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que méconnaîtraient le règlement (UE) du 16 avril 2014 les dispositions de l'article L. 1124-1 du code de la santé publique, en ce qu'elles ne confient pas l'évaluation de la partie I aux comités de protection des personnes, ni, en conséquence, les dispositions du décret attaqué faisant application de cet article, qui permettent seulement aux comités de protection des personnes de transmettre à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé des observations en lien avec l'éthique sur des éléments relevant de la partie I.

12. De deuxième part, dès lors que le I de l'article L. 1124-1, ou les dispositions du décret attaqué qui en tirent les conséquences, prévoient un examen éthique du protocole d'essai clinique, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, signée à Oviedo, du 4 avril 1997, qui se borne à prévoir de manière générale que tout projet de recherche entreprise sur une personne doit faire l'objet " d'un examen pluridisciplinaire de son acceptabilité sur le plan éthique ", ne peut qu'être écarté.

13. Enfin, la déclaration d'Helsinki, adoptée en juin 1964 par l'Association médicale mondiale et révisée pour la dernière fois en octobre 2013, qui n'est pas un engagement international de la France, ne peut être utilement invoquée.

Quant aux autres moyens :

14. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le Premier ministre, en modifiant l'article R. 1123-4 du code de la santé publique pour faire passer de vingt-huit à trente-six le nombre des membres des comités de protection des personnes ou en modifiant l'article R. 1123-11 pour abaisser le quorum de 7 à 5 membres, eu égard au mode de fonctionnement particulier de ces comités, ait commis une erreur manifeste d'appréciation. Ce faisant, il n'a méconnu ni le principe de sécurité juridique, faute dans le premier cas de dispositions transitoires, ni le paragraphe 2 de l'article 9 du règlement (UE) du 16 avril 2014 dans le second cas.

15. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles R. 1124-8 et R. 1124-12 du code de la santé publique, introduits par le décret attaqué, que peut examiner les demandes d'informations complémentaires et de modifications substantielles un " comité restreint composé de deux représentants de chacun des collèges mentionnés à l'article R. 1123-4 dont au moins une personne qualifiée en raison de sa compétence en matière de biostatistique ou d'épidémiologie, et du président ou, à défaut, du vice-président ". Cette disposition doit être regardée, compte tenu de l'exigence, fixée par l'article 9 du règlement (UE) du 16 avril 2014, qu'" au moins une personne profane participe à l'évaluation " des demandes d'autorisation d'essais cliniques, comme prévoyant que l'autre représentant de chacun des collèges mentionnés à l'article R. 1123-4 soit une " personne profane " au sens du règlement. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le règlement européen serait méconnu doit être écarté.

16. En troisième lieu, le Premier ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prévoyant, à l'article R. 1124-17 dans le cadre de la procédure d'évaluation accélérée qu'il instaure, un mode de désignation dérogatoire, par le ministre chargé de la santé, du comité de protection des personnes devant se prononcer sur une demande d'autorisation d'un essai clinique, plutôt qu'une désignation par le tirage au sort effectué par le système d'information des recherches impliquant la personne humaine prévu au II de l'article R. 1123-20-1 du code de la santé publique précité. Il n'a, ce faisant, méconnu ni les dispositions de l'article L. 1123-6 du code de la santé publique, ni celles du règlement (UE) du 16 avril 2014. Il n'a pas davantage procédé à une subdélégation illégale.

17. En quatrième lieu, les dispositions du II de l'article L. 1124-1 du code de la santé publique ne prévoient une procédure de réexamen qu'en cas de refus d'autorisation, cas prévu par l'article 8 du règlement (UE) du 16 avril 2014, et non en cas de refus d'élargissement ultérieur à un autre Etat membre, visé par l'article 14 du règlement européen, ou en cas de modifications substantielles portant sur la partie I, la partie II ou les parties I et II, visées respectivement par les articles 19, 20 et 23. Cependant, d'une part, un refus d'élargissement d'autorisation relève du même régime que celui du refus d'autorisation, d'autre part, les procédures s'appliquant aux modifications substantielles sont identiques à celle prévue par l'article 8 en cas de refus d'autorisation, et, enfin, les dispositions du règlement du 16 avril 2014 sont d'application directe. Par suite, la Conférence nationale des comités de protection des personnes n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué aurait été pris en application de dispositions législatives adoptées en méconnaissance des articles 14, 19, 20 et 23 du règlement (UE) du 16 avril 2014.

18. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la Conférence nationale des comités de protection des personnes n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué, faute d'avoir prévu une procédure d'appel en cas de refus d'autorisation initiale ou de modification substantielle, méconnaîtrait le règlement (UE) du 16 avril 2014 ou, en tout état de cause, le droit au recours garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que, en déclinant de façon partielle et confuse les différentes procédures prévues par le règlement, le décret attaqué méconnaîtrait le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme.

19. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 1124-6 du code de la santé publique, introduit par le 15° de l'article 1er du décret attaqué : " En application du troisième alinéa du I de l'article L. 1124-1, les comités de protection des personnes effectuent l'évaluation de la partie II prévue à l'article 7 du règlement du 16 avril 2014 susmentionné. Le comité émet un avis favorable, favorable sous réserve de conditions spécifiques ou défavorable sur la demande d'essai clinique. / Le comité se prononce dans le délai défini au 2 de l'article 7 du règlement du 16 avril 2014 susmentionné. / Le silence gardé par le comité au terme de ce délai vaut acceptation de la demande ".

20. Selon le dernier alinéa de l'article 4 du règlement (UE) du 16 avril 2014 : " Les États membres veillent à ce que les délais et les procédures pour l'examen par les comités d'éthique soient compatibles avec les délais et procédures établis dans le présent règlement en ce qui concerne l'évaluation de la demande d'autorisation d'un essai clinique ". Aux termes de l'article 8 de ce règlement : " 1. Chaque État membre concerné fait savoir au promoteur (...) si l'essai clinique est autorisé, s'il est autorisé sous conditions ou si l'autorisation est rejetée. / (...) / 2. Lorsque l'État membre rapporteur parvient à la conclusion que, pour ce qui concerne la partie I du rapport d'évaluation, la conduite de l'essai clinique est acceptable, ou acceptable sous réserve du respect de conditions spécifiques, cette conclusion est réputée être la conclusion de l'État membre concerné. (...) / 6. Si l'État membre concerné n'a pas notifié sa décision au promoteur dans les délais pertinents visés au paragraphe 1, la conclusion sur la partie I du rapport d'évaluation est réputée être la décision de l'État membre concerné relative à la demande d'autorisation de l'essai clinique ". Il résulte de ces dispositions que si un comité de protection des personnes, responsable pour la France de la partie II du rapport d'évaluation d'une demande d'autorisation d'un essai clinique, ne rend pas son avis dans des délais compatibles avec les délais définis par le règlement pour la notification de la décision de la France, alors que l'Agence nationale de sécurité du médicament sur la partie I du rapport d'évaluation conclut au caractère acceptable ou acceptable sous conditions de l'essai clinique, la France sera réputée avoir autorisé, le cas échéant sous conditions, cet essai clinique. Par suite, la Conférence nationale des comités de protection des personnes n'est pas fondée à soutenir que l'article R. 1124-6 introduit par le décret attaqué, instaurant un mécanisme d'avis favorable tacite des comités de protection des personnes dans la procédure d'évaluation de la partie II des essais cliniques de médicaments à usage humain, méconnaîtrait les dispositions du règlement (UE) du 16 avril 2014.

21. En dernier lieu, il ne saurait être utilement soutenu que la mise en place de régimes distincts de rejet tacite pour les recherches impliquant la personne humaine et d'accord tacite pour les essais cliniques de médicaments à usage humain méconnaîtrait un principe d'égalité entre les participants à des recherches impliquant la personne humaine ou serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent.

Sur les conclusions dirigées contre les dispositions de l'article 8.2.6 de l'arrêté du 25 octobre 2021 :

23. Aux termes de l'article 8.2.6 de l'arrêté du 25 octobre 2021 fixant le règlement intérieur type des comités de protection des personnes : " Dans le cadre du règlement (UE) n° 536/2014 portant sur le médicament le comité se prononcera dans les délais imposés par ce dernier, c'est-à-dire pour les éléments en lien avec la partie II des dossiers 45 jours et 38 jours pour l'évaluation respective du dossier initial et des modifications substantielles éventuelles et 19 jours pour l'évaluation des réponses du promoteur aux éventuelles demandes d'informations complémentaires, sous peine d'accord tacite, et pour les éléments en liens avec la partie I du dossier les échéances convenues avec l'ANSM dans le cadre de l'organisation de la coordination. (...) Dans le cadre du règlement (UE) n° 536/2014 portant sur le médicament l'avis sera transmis uniquement à l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé qui notifiera au promoteur la décision unique (parties I et II) de la France ".

24. En premier lieu, en vertu de l'article R. 1123-15 du code de la santé publique, le ministre des solidarités et de la santé était compétent pour définir par arrêté un règlement intérieur type des comités de protection des personnes. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le ministre a pu légalement arrêter les conditions dans lesquelles les comités de protection des personnes se prononcent sur les parties I et II des dossiers de demande d'autorisation d'essais cliniques, en tenant compte de la répartition des rôles entre l'Agence nationale de sécurité du médicament et les comités de protection des personnes fixée par les dispositions de l'article L. 1124-1 précitées, peu important la circonstance qu'un décret en Conseil d'Etat soit intervenu postérieurement pour adapter les dispositions de la partie règlementaire du code de la santé publique au règlement (UE) du 16 avril 2014.

25. En deuxième lieu, la requérante ne saurait utilement soutenir que l'article 8.2.6 du règlement intérieur type des comités de protection des personnes annexé à l'arrêté attaqué, en ce qu'il prévoit que le silence gardé par un comité de protection des personnes au terme du délai défini par cet article sur une demande d'autorisation d'essai clinique de médicament à usage humain vaut avis favorable, méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 1123-23 du code de la santé publique, ce dernier n'étant pas applicable aux avis rendus dans le cadre de la procédure d'autorisation des essais cliniques de médicaments. En tout état de cause, la disposition litigieuse se borne à rappeler l'existence de la procédure, mentionnée au point 20, d'accord tacite prévue par le règlement (UE) du 16 avril 2014.

26. En dernier lieu, la circonstance que les comités de protection des personnes émettent un simple avis consultatif sur la partie I des demandes d'autorisation d'essais cliniques, alors que leur avis est conforme dans le cadre des recherches impliquant la personne humaine, ne méconnaît pas, en tout état de cause, un principe d'égalité entre les participants à des recherches impliquant la personne humaine.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la Conférence nationale des comités de protection des personnes n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions de l'article 8.2.6 de l'arrêté du 25 octobre 2021 qu'elle attaque.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Conférence nationale des comités de protection des personnes.

Article 2 : Les requêtes de la Conférence nationale des comités de protection des personnes et de M. B... sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Conférence nationale des comités de protection des personnes, à M. A... B..., à la Première ministre et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 décembre 2022 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, assesseur, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 27 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jean-Luc Nevache

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 460226
Date de la décision : 27/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2022, n° 460226
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460226.20221227
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