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27/12/2022 | FRANCE | N°453709

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 27 décembre 2022, 453709


Vu la procédure suivante :

La société Maintenance Industrie a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 4 mai 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Vega Conseil Sécurité à lui transférer le contrat de travail de M. B... A..., ainsi que, d'autre part, les deux décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique qu'elle avait formés contre cette décision. Par un jugement n° 1906321 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société Maintenance Industri

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Par un arrêt n° 20PA01137 du 19 avril 2021, la cour administrative d'a...

Vu la procédure suivante :

La société Maintenance Industrie a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 4 mai 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Vega Conseil Sécurité à lui transférer le contrat de travail de M. B... A..., ainsi que, d'autre part, les deux décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique qu'elle avait formés contre cette décision. Par un jugement n° 1906321 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société Maintenance Industrie.

Par un arrêt n° 20PA01137 du 19 avril 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Maintenance Industrie, annulé ce jugement ainsi que la décision de l'inspecteur du travail et les décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique de la société Maintenance Industrie en tant qu'elles autorisent le transfert de plus de 48 % du contrat de travail de M. A... vers celle-ci.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 15 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vega Conseil Sécurité demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la société Maintenance Industrie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la société Vega Conseil Sécurité et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Maintenance Industrie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le marché public de nettoyage de certains locaux de la ville et du département de Paris dont la société Vega Conseil Sécurité était l'unique titulaire a été, à la suite d'un nouvel appel d'offres, attribué à trois autres sociétés, dont la société Maintenance Industrie. En application de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, la société Vega Conseil Sécurité a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de transférer le contrat de travail de M. A..., salarié protégé exerçant les fonctions d'inspecteur, à la société Maintenance Industrie. Par une décision du 4 mai 2018, l'inspectrice du travail responsable de l'unité territoriale de contrôle 3 Section 8 de l'Essonne a autorisé ce transfert. Le recours gracieux formé contre cette décision par la société Maintenance Industrie auprès de l'inspectrice du travail puis son recours hiérarchique formé auprès de la ministre du travail ont été rejetés implicitement. Par un jugement du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardive la demande de cette société tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de l'inspectrice du travail et des décisions implicites de rejet de ses recours gracieux et hiérarchique. Par un arrêt du 19 avril 2021 contre lequel la société Vega Conseil Sécurité se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Maintenance Industrie, d'une part, annulé ce jugement, et, d'autre part, annulé la décision de l'inspectrice du travail et les décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique de la société Maintenance Industrie en tant qu'elles autorisent le transfert de plus de 48 % du contrat de travail de M. A... vers cette société.

2. Selon les stipulations de l'article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, qui prévoit une garantie d'emploi au bénéfice de certains salariés en cas de changement de prestataire à la suite de la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché : " Obligations à la charge du nouveau prestataire (entreprise entrante) : (...) I.'-'Conditions d'un°maintien de l'emploi : Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100'% du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes': A.'-'Appartenir expressément : (...) - soit à l'un des 2 premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification nationale des emplois (MP1 et MP2) et être affecté exclusivement sur le marché concerné. (...) / Lorsque le marché initial est redistribué en plusieurs lots, la (ou les) entreprise(s) entrante(s) a (ont) l'obligation d'assurer la continuité des contrats de travail des personnes affectées sur le (ou les) lot(s) qu'elle(s) reprend (reprennent) dès lors que les conditions définies ci-dessus, appréciées alors à l'égard du marché initial détenu par l'entreprise sortante, sont remplies ". Ces stipulations prévoient que lorsqu'un marché détenu par une seule entreprise a été attribué, à la suite d'un nouvel appel d'offre comportant plusieurs lots, à plusieurs prestataires, la condition posée pour le bénéfice de la garantie d'emploi tenant à ce que les salariés relevant de l'un des deux premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification nationale des emplois soient affectés exclusivement sur le marché concerné s'apprécie par rapport au marché initial, et non par rapport au nouveau marché. La circonstance que, dans une telle hypothèse, le périmètre d'activité d'un salarié affecté exclusivement sur le marché initial se trouve réparti entre plusieurs lots du nouveau marché attribués à des prestataires différents ne fait ainsi, en principe, pas obstacle à l'obligation pour ces prestataires d'assurer, chacun pour sa part, la continuité de son contrat de travail.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour apprécier le respect de la condition tenant à l'affectation exclusive de M. A... au marché concerné posée par l'article 7-2 de la convention précitée, la cour administrative d'appel de Paris a relevé que le périmètre d'activité de ce salarié dans le cadre de son contrat de travail avec la société Véga Conseil Sécurité ne correspondait pas intégralement aux lots du marché repris par la société Maintenance Industrie, certains sites supervisés par ce salarié dans le marché initial se trouvant dans d'autres arrondissements que ceux relevant de son marché, situés dans les 11e et 12e arrondissement, et d'autres, bien que situés dans les 11e et 12e arrondissements, relevant d'un lot attribué à une autre entreprise. Elle en a déduit que cette condition n'était pas satisfaite. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en se référant au périmètre des lots du marché repris par la société Maintenance Industrie et non au marché initial, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Vega Sécurité Conseil est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Vega Conseil Sécurité qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Maintenance Industrie la somme que demande la société Vega Conseil Sécurité au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 avril 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Vega Conseil Sécurité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Maintenance Industrie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Vega Conseil Sécurité et à la société Maintenance Industrie.

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Laurent Cabrera

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Alleil


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 453709
Date de la décision : 27/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - APPLICATION DES CONVENTIONS COLLECTIVES - TRANSFERT D’UN SALARIÉ PROTÉGÉ [RJ1] – GARANTIE D’EMPLOI EN CAS DE CHANGEMENT DE PRESTATAIRE (ART - 7-2 DE LA CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE DU 26 JUILLET 2011) – CAS D’UN MARCHÉ DÉTENU PAR UNE SEULE ENTREPRISE ATTRIBUÉ - À LA SUITE D’UN NOUVEL APPEL D’OFFRE - À PLUSIEURS PRESTATAIRES – CONDITION TENANT À CE QUE L’AGENT SOIT EXCLUSIVEMENT AFFECTÉ SUR LE MARCHÉ CONCERNÉ – 1) APPRÉCIATION – PÉRIMÈTRE DU MARCHÉ INITIAL – 2) CIRCONSTANCE QUE LE PÉRIMÈTRE D’ACTIVITÉ DU SALARIÉ SE TROUVE RÉPARTI ENTRE PLUSIEURS LOTS ATTRIBUÉS À DES PRESTATAIRES DIFFÉRENTS – INCIDENCE – ABSENCE - EN PRINCIPE.

66-02-04 Article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 prévoyant une garantie d'emploi au bénéfice de certains salariés en cas de changement de prestataire à la suite de la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché. ...1) Ces stipulations prévoient que lorsqu’un marché détenu par une seule entreprise a été attribué, à la suite d’un nouvel appel d’offre comportant plusieurs lots, à plusieurs prestataires, la condition posée pour le bénéfice de la garantie d’emploi tenant à ce que les salariés relevant de l’un des deux premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification nationale des emplois soient affectés exclusivement sur le marché concerné s’apprécie par rapport au marché initial, et non par rapport au nouveau marché. ...2) La circonstance que, dans une telle hypothèse, le périmètre d’activité d’un salarié affecté exclusivement sur le marché initial se trouve réparti entre plusieurs lots du nouveau marché attribués à des prestataires différents ne fait ainsi, en principe, pas obstacle à l’obligation pour ces prestataires d’assurer, chacun pour sa part, la continuité de son contrat de travail.

TRAVAIL ET EMPLOI - TRANSFERTS - SALARIÉ PROTÉGÉ [RJ1] – GARANTIE D’EMPLOI EN CAS DE CHANGEMENT DE PRESTATAIRE (ART - 7-2 DE LA CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE DU 26 JUILLET 2011) – CAS D’UN MARCHÉ DÉTENU PAR UNE SEULE ENTREPRISE ATTRIBUÉ - À LA SUITE D’UN NOUVEL APPEL D’OFFRE - À PLUSIEURS PRESTATAIRES – CONDITION TENANT À CE QUE L’AGENT SOIT EXCLUSIVEMENT AFFECTÉ SUR LE MARCHÉ CONCERNÉ – 1) APPRÉCIATION – PÉRIMÈTRE DU MARCHÉ INITIAL – 2) CIRCONSTANCE QUE LE PÉRIMÈTRE D’ACTIVITÉ DU SALARIÉ SE TROUVE RÉPARTI ENTRE PLUSIEURS LOTS ATTRIBUÉS À DES PRESTATAIRES DIFFÉRENTS – INCIDENCE – ABSENCE - EN PRINCIPE.

66-075 Article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 prévoyant une garantie d'emploi au bénéfice de certains salariés en cas de changement de prestataire à la suite de la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché. ...1) Ces stipulations prévoient que lorsqu’un marché détenu par une seule entreprise a été attribué, à la suite d’un nouvel appel d’offre comportant plusieurs lots, à plusieurs prestataires, la condition posée pour le bénéfice de la garantie d’emploi tenant à ce que les salariés relevant de l’un des deux premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification nationale des emplois soient affectés exclusivement sur le marché concerné s’apprécie par rapport au marché initial, et non par rapport au nouveau marché. ...2) La circonstance que, dans une telle hypothèse, le périmètre d’activité d’un salarié affecté exclusivement sur le marché initial se trouve réparti entre plusieurs lots du nouveau marché attribués à des prestataires différents ne fait ainsi, en principe, pas obstacle à l’obligation pour ces prestataires d’assurer, chacun pour sa part, la continuité de son contrat de travail.


Références :

[RJ1]

Cf., sur l’exigence d’une autorisation préalable de l’inspecteur du travail, CE, 28 mars 2013, Société Challancin, n°s 350436 350437, T. p. 868.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2022, n° 453709
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453709.20221227
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