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26/12/2022 | FRANCE | N°468102

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 26 décembre 2022, 468102


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 octobre et 24 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 septembre 2022 par laquelle le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne a rejeté sa demande d'abrogation de la décision du 25 mai 2022 par laquelle cette même autorité a prorogé sa suspension à titre conservatoire jusqu'au prononcé de la décision de la section disciplinaire compétente ;

2°) de mettre

la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 octobre et 24 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 septembre 2022 par laquelle le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne a rejeté sa demande d'abrogation de la décision du 25 mai 2022 par laquelle cette même autorité a prorogé sa suspension à titre conservatoire jusqu'au prononcé de la décision de la section disciplinaire compétente ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement ". La suspension d'un professeur des universités, sur la base de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 13 septembre 2021, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne, agissant par délégation du ministre chargé de l'enseignement supérieur, a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation citées ci-dessus, suspendu M. B..., professeur des universités affecté à cette université, pour une durée de six mois, prolongée à deux reprises jusqu'au 31 mai 2022 par deux arrêtés en date des 10 mars et 30 avril 2022, pour des faits tirés du cumul d'activités extérieures exercées par l'intéressé à des fins lucratives et sans autorisation, et des carences graves et répétées dans son encadrement pédagogique de filières, résultant de ce cumul d'activités non autorisé. Le 24 mai 2022, l'administration a décidé d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. B... à raison de ces agissements, et par une décision du 25 mai 2022, le président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne a décidé de prolonger, à compter du 1er juin 2022, la mesure de suspension " jusqu'au prononcé du jugement de la section disciplinaire compétente ". Le 12 septembre 2022, M. B... a demandé au président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne d'abroger la décision du 25 mai 2022 en tant qu'à son article 1er, elle prolonge la mesure de suspension dont il fait l'objet au-delà du délai d'un an prévu par l'article L. 951-4 du code de l'éducation et de le réintégrer, à compter du 14 septembre 2022, dans ses fonctions au sein de l'université. Sa demande a été rejetée par une décision du 14 septembre 2022 dont M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir.

3. Il résulte de ce qui a été dit au point 1 que la durée totale de la suspension susceptible d'être infligée à un enseignant-chercheur ne peut excéder une année quand bien même l'intéressé fait l'objet de poursuites disciplinaires. Par suite, en refusant, par la décision attaquée, de mettre fin à la mesure de suspension dont M. B... fait l'objet depuis le 14 septembre 2021, une fois ce délai d'un an passé, l'université, agissant au nom de l'Etat, a méconnu les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation, peu importe à cet égard que la juridiction disciplinaire ne se soit pas encore prononcée sur la plainte formée par l'université contre l'intéressé.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du 14 septembre 2022 en tant qu'elle refuse d'abroger la décision du 25 mai 2022 en ce qu'à son article 1er, elle le suspend de ses fonctions jusqu'au prononcé de la décision de la section disciplinaire compétente.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 14 septembre 2022 du président de l'université d'Evry-Val-d'Essonne est annulée en tant qu'elle refuse d'abroger l'article 1er de la décision du 25 mai 2022 portant mesure de suspension de M. B....

Article 2 : l'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à l'université d'Evry-Val-d'Essonne.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 décembre 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Jérôme Marchand-Arvier, conseiller d'Etat et Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 26 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Fischer-Hirtz

La secrétaire :

Signé : Mme Romy Raquil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 468102
Date de la décision : 26/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2022, n° 468102
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Fischer-Hirtz
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:468102.20221226
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