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26/12/2022 | FRANCE | N°466760

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 26 décembre 2022, 466760


Vu la procédure suivante :

Mme A... C... et M. D... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision du 27 juin 2022 par laquelle l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne, a refusé la demande d'autorisation d'instruction dans la famille qu'ils avaient formée pour leur fils B... au titre de l'année scolaire 2022-2023 et a ordonné la scolarisation de l'enfan

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Vu la procédure suivante :

Mme A... C... et M. D... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision du 27 juin 2022 par laquelle l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne, a refusé la demande d'autorisation d'instruction dans la famille qu'ils avaient formée pour leur fils B... au titre de l'année scolaire 2022-2023 et a ordonné la scolarisation de l'enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé au titre de cette année scolaire, d'autre part, de la décision du 21 juillet 2022 par laquelle la commission académique du rectorat de Toulouse a rejeté leur recours contre la décision de l'inspecteur d'académie. Par une ordonnance nos 2204063, 2204214 du 4 août 2022, le juge des référés a rejeté ces demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 août, 2 septembre et 24 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme C... et M. E... demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leurs demandes ;

3°) de leur allouer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, notamment son article 49 ;

- le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 ;

- la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme C... et de M. E... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 décembre 2022, présentée par Mme C... et M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse que Mme C... et M. E... ont demandé l'autorisation d'instruire dans la famille leur fils B... pour l'année scolaire 2022-2023, en se prévalant d'une situation propre de leur enfant justifiant son instruction en famille. Par une décision du 27 juin 2022, l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne, a refusé d'accorder cette autorisation et a ordonné la scolarisation de l'enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé au titre de l'année scolaire 2022-2023. Par une décision du 21 juillet 2022, la commission académique a rejeté le recours préalable formé par Mme C... et M. E... contre la décision du 27 juin 2022. Mme C... et M. E... se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 4 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes, présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l'exécution des décisions des 27 juin et 21 juillet 2022.

Sur le cadre juridique :

3. Aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. / Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence. / La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de trois ans. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant:/ (...) 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour une durée qui ne peut excéder l'année scolaire. Elle peut être accordée pour une durée supérieure lorsqu'elle est justifiée par l'un des motifs prévus au 1°. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de délivrance de cette autorisation. / L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation peut convoquer l'enfant, ses responsables et, le cas échéant, les personnes chargées d'instruire l'enfant à un entretien afin d'apprécier la situation de l'enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l'instruction en famille. / En application de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé pendant deux mois par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation sur une demande d'autorisation formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d'acceptation. / La décision de refus d'autorisation fait l'objet d'un recours administratif préalable auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie, dans des conditions fixées par décret. / Le président du conseil départemental et le maire de la commune de résidence de l'enfant sont informés de la délivrance de l'autorisation (...) ". Pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement d'enseignement public ou privé, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part, dans un établissement d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.

4. En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation prévoyant la délivrance par l'administration, à titre dérogatoire, d'une autorisation pour dispenser l'instruction dans la famille en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ", ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire.

Sur les moyens du pourvoi :

5. En premier lieu, il appartient au juge des référés qui rejette une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, d'analyser, soit dans les visas de son ordonnance, soit dans les motifs de celle-ci, les moyens développés au soutien de la demande de suspension, afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle. A cet égard, il résulte des visas de l'ordonnance attaquée qu'elle a visé et analysé, conformément aux exigences qui viennent d'être mentionnées, les moyens présentés à l'appui des demandes. Le moyen, présenté à l'appui du pourvoi en cassation, tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée, faute d'avoir suffisamment analysé les moyens invoqués en première instance, ne peut, par suite, qu'être écarté.

6. En second lieu, en estimant que les moyens tirés de ce que l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021, cité au point 3, méconnaîtrait les stipulations de l'article 18.4 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 8 de cette convention, n'étaient pas propres à créer un doute sérieux, en l'état de l'instruction, sur la légalité de la décision du 20 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que les premières stipulations invoquées ne sont pas d'effet direct et que les secondes ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à ce que l'instruction dans la famille relève d'un régime d'autorisation préalable.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme C... et autre est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... C..., première requérante dénommée, et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 décembre 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Jérôme Marchand-Arvier, conseiller d'Etat et Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 26 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Fischer-Hirtz

La secrétaire :

Signé : Mme Romy Raquil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 466760
Date de la décision : 26/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2022, n° 466760
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Fischer-Hirtz
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:466760.20221226
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