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23/12/2022 | FRANCE | N°449071

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 23 décembre 2022, 449071


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler le titre de recette n° 1457 émis par le conseil départemental de Mayotte le 31 décembre 2014 et de le décharger de la somme de 13 882,74 euros mise à sa charge par ce titre. Par un jugement n° 1600388 du 4 septembre 2018, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX03564 du 30 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique,

enregistrés les 25 janvier 2021 et 20 janvier 2022 au secrétariat du contentieux...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler le titre de recette n° 1457 émis par le conseil départemental de Mayotte le 31 décembre 2014 et de le décharger de la somme de 13 882,74 euros mise à sa charge par ce titre. Par un jugement n° 1600388 du 4 septembre 2018, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX03564 du 30 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier 2021 et 20 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental de Mayotte la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. A... B... et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat du conseil départemental de Mayotte ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil départemental de Mayotte a émis le 31 décembre 2014 à l'encontre de M. A... B... un titre exécutoire d'un montant de 13 882,74 euros correspondant au remboursement d'un trop perçu de rémunération. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Mayotte ayant rejeté sa demande d'annulation du titre de recettes du 31 décembre 2014 et de décharge de l'obligation de payer la somme ainsi mise à sa charge.

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables (...) d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité (...) ". Aux termes de l'article 118 de ce même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité (...) En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause (...). / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois (...). A défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée. ". Aux termes de l'article 119 de ce décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118 ".

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. Les règles énoncées au point 3, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les textes cités au point 2, dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a présenté, le 30 avril 2015, une réclamation contestant la créance mise à sa charge par le titre de recettes qui lui avait été notifié le 31 décembre 2014. Faute pour cette notification de préciser les voies de recours ouvertes à son destinataire, cette réclamation n'était pas tardive. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 ci-dessus que l'administration n'ayant ni explicitement rejeté cette réclamation, ni accusé réception de celle-ci et informé son auteur des conditions dans lesquelles elle devrait être regardée comme implicitement rejetée, M. B... disposait, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable courant à compter de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de ce rejet, soit le 30 avril 2016, date à laquelle le payeur départemental a, pour la première fois, procédé à une retenue sur sa rémunération. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir qu'en jugeant que sa demande formée devant le tribunal administratif de Mayotte le 11 mai 2016 était tardive, au motif qu'elle avait été présentée au-delà du délai raisonnable d'un an dont il disposait pour contester tant le bien-fondé de la créance que le titre de recette émis le 31 décembre 2014, courant à compter du 30 avril 2015, date à laquelle, ayant formé un recours gracieux à l'encontre de ce titre de recettes, il était réputé en avoir eu connaissance, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil départemental de Mayotte la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 30 novembre 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Le conseil départemental de Mayotte versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le conseil départemental de Mayotte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au conseil départemental de Mayotte.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 23 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

La rapporteure :

Signé : Mme Rose-Marie Abel

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 449071
Date de la décision : 23/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2022, n° 449071
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rose-Marie Abel
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:449071.20221223
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