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22/12/2022 | FRANCE | N°465263

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 22 décembre 2022, 465263


Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'enjoindre au ministre de la justice, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'effacer du système européen d'information sur les casiers judiciaires dit ECRIS la mention du jugement rendu à son encontre par le tribunal correctionnel de Paris le 12 septembre 1996 et de transmettre à la cour d'appel de Luxembourg sa fiche actualisée relative à ce système d'information, dans un délai de vingt-quatre heures, sous astreinte

de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2210894/9...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'enjoindre au ministre de la justice, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'effacer du système européen d'information sur les casiers judiciaires dit ECRIS la mention du jugement rendu à son encontre par le tribunal correctionnel de Paris le 12 septembre 1996 et de transmettre à la cour d'appel de Luxembourg sa fiche actualisée relative à ce système d'information, dans un délai de vingt-quatre heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2210894/9 du 16 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 juin, 11 juillet et 17 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 ;

- la décision 2009/316/JAI du Conseil du 6 avril 2009 ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le parquet général du Luxembourg a demandé au ministre de la justice de l'Etat français, au moyen du système européen d'information " ECRIS ", de lui communiquer les condamnations pénales inscrites au casier judiciaire de M. C... B..., en application des dispositions de l'article 7 de la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 concernant l'organisation et le contenu des échanges d'informations extraites du casier judiciaire entre les États membres. M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'enjoindre au ministre de la justice, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'effacer des données ainsi communiquées la mention de la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal correctionnel de Paris, le 12 septembre 1996 et de transmettre à la cour d'appel de Luxembourg la fiche actualisée du système ECRIS le concernant, dans un délai de vingt-quatre heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 16 mai 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme ne relevant manifestement pas de la compétence du juge administratif, sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ".

3. D'une part, aux termes de l'article 2 de la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 concernant l'organisation et le contenu des échanges d'informations extraites du casier judiciaire entre les États membres : " Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par : (...) c) "casier judiciaire" : le registre national ou les registres nationaux regroupant les condamnations conformément au droit national ". L'article 6 de la même décision-cadre dispose que : " 1. Lorsque des informations figurant dans le casier judiciaire d'un État membre sont demandées aux fins d'une procédure pénale à l'encontre d'une personne ou à des fins autres qu'une procédure pénale, l'autorité centrale de cet État membre peut, conformément à son droit national, adresser une demande d'informations extraites du casier judiciaire et d'informations connexes à l'autorité centrale d'un autre État membre (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même décision : " 1. Lorsqu'une demande d'informations extraites du casier judiciaire est adressée, au titre de l'article 6, aux fins d'une procédure pénale, à l'autorité centrale de l'État membre de nationalité, cette autorité centrale transmet à l'autorité centrale de l'État membre requérant les informations concernant : a) les condamnations prononcées dans l'État membre de nationalité et inscrites dans le casier judiciaire (...) ". Il résulte de l'article 11 de la même décision-cadre et de l'article 3 de la décision du Conseil du 6 avril 2009 relative à la création du système européen d'information sur les casiers judiciaires que les échanges d'informations auxquels il est procédé en vertu de la décision-cadre sont effectués en utilisant un système informatique décentralisé, dénommé " ECRIS ", qui est fondé non sur la création de nouvelles bases de données, mais sur la mise en relation des bases de données existantes relatives au casier judiciaire national de chaque Etat membre au moyen d'un logiciel d'interconnexion et d'une infrastructure de communication.

4. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 778 du code de procédure pénale que le recours formé par une personne pour contester les mentions figurant dans son casier judicaire relève de la compétence du juge judiciaire.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, ainsi d'ailleurs que l'indique le ministre de la justice en défense, le système européen d'information " ECRIS " ne constitue pas une base de données autonome dans laquelle seraient conservées les condamnations dont une personne a fait l'objet, mais fonctionne comme une messagerie sécurisée permettant la transmission, entre les autorités compétentes des Etats membres, des informations contenues dans les casiers judiciaires nationaux. La transmission d'informations au moyen de ce système est ainsi indissociable de la fonction de gestion du casier judiciaire national. Par suite, les litiges qui s'y rapportent relèvent également de la compétence du juge judiciaire. Ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'ordonnance attaquée, dont il justifie le dispositif. Il suit de là qu'en jugeant que la requête de M. B... tendant à l'effacement d'une condamnation dans le système " ECRIS " ne relevait manifestement pas de la compétence du juge administratif, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 décembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; Mme Christelle Thomas, maître des requêtes et M. David Moreau, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 22 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. David Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 465263
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - ECHANGES D’INFORMATIONS ENTRE ETATS MEMBRES DE DONNÉES FIGURANT AU CASIER JUDICIAIRE (SYSTÈME D’INFORMATION « ECRIS ») – 1) BASE DE DONNÉES AUTONOME – ABSENCE – 2) TRANSMISSION INDISSOCIABLE DE LA GESTION DU CASIER JUDICIAIRE NATIONAL – EXISTENCE – CONSÉQUENCE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE (ART - 778 DU CPP).

15-05-055-02 D’une part, il résulte des articles 2, 6, 7 et 11 de la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 et de l’article 3 de la décision du Conseil du 6 avril 2009 relative à la création du système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS) que les échanges d’informations auxquels il est procédé en vertu de la décision-cadre sont effectués en utilisant un système informatique décentralisé, dénommé « ECRIS », qui est fondé non sur la création de nouvelles bases de données, mais sur la mise en relation des bases de données existantes relatives au casier judiciaire national de chaque Etat membre au moyen d’un logiciel d’interconnexion et d’une infrastructure de communication....D’autre part, il résulte de l’article 778 du code de procédure pénale (CPP) que le recours formé par une personne pour contester les mentions figurant dans son casier judicaire relève de la compétence du juge judiciaire. ...1) Le système d’information « ECRIS » ne constitue pas une base de données autonome dans laquelle seraient conservées les condamnations dont une personne a fait l’objet mais fonctionne comme une messagerie sécurisée permettant la transmission, entre les autorités compétentes des Etats membres, des informations contenues dans les casiers judiciaires nationaux. ...2) La transmission d’informations au moyen de ce système est ainsi indissociable de la fonction de gestion du casier judiciaire national. Par suite, les litiges qui s’y rapportent relèvent de la compétence du juge judiciaire.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - ECHANGES D’INFORMATIONS ENTRE ETATS MEMBRES DE DONNÉES FIGURANT AU CASIER JUDICIAIRE (SYSTÈME D’INFORMATION « ECRIS ») – 1) BASE DE DONNÉES AUTONOME – ABSENCE – 2) TRANSMISSION INDISSOCIABLE DE LA GESTION DU CASIER JUDICIAIRE NATIONAL – EXISTENCE – CONSÉQUENCE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE (ART - 778 DU CPP).

17-03-02 D’une part, il résulte des articles 2, 6, 7 et 11 de la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 et de l’article 3 de la décision du Conseil du 6 avril 2009 relative à la création du système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS) que les échanges d’informations auxquels il est procédé en vertu de la décision-cadre sont effectués en utilisant un système informatique décentralisé, dénommé « ECRIS », qui est fondé non sur la création de nouvelles bases de données, mais sur la mise en relation des bases de données existantes relatives au casier judiciaire national de chaque Etat membre au moyen d’un logiciel d’interconnexion et d’une infrastructure de communication....D’autre part, il résulte de l’article 778 du code de procédure pénale (CPP) que le recours formé par une personne pour contester les mentions figurant dans son casier judicaire relève de la compétence du juge judiciaire. ...1) Le système d’information « ECRIS » ne constitue pas une base de données autonome dans laquelle seraient conservées les condamnations dont une personne a fait l’objet mais fonctionne comme une messagerie sécurisée permettant la transmission, entre les autorités compétentes des Etats membres, des informations contenues dans les casiers judiciaires nationaux. ...2) La transmission d’informations au moyen de ce système est ainsi indissociable de la fonction de gestion du casier judiciaire national. Par suite, les litiges qui s’y rapportent relèvent de la compétence du juge judiciaire.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ECHANGES D’INFORMATIONS ENTRE ETATS MEMBRES DE DONNÉES FIGURANT AU CASIER JUDICIAIRE (SYSTÈME D’INFORMATION « ECRIS ») – 1) BASE DE DONNÉES AUTONOME – ABSENCE – 2) TRANSMISSION INDISSOCIABLE DE LA GESTION DU CASIER JUDICIAIRE NATIONAL – EXISTENCE – CONSÉQUENCE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE (ART - 778 DU CPP).

26-07-02-02 D’une part, il résulte des articles 2, 6, 7 et 11 de la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 et de l’article 3 de la décision du Conseil du 6 avril 2009 relative à la création du système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS) que les échanges d’informations auxquels il est procédé en vertu de la décision-cadre sont effectués en utilisant un système informatique décentralisé, dénommé « ECRIS », qui est fondé non sur la création de nouvelles bases de données, mais sur la mise en relation des bases de données existantes relatives au casier judiciaire national de chaque Etat membre au moyen d’un logiciel d’interconnexion et d’une infrastructure de communication....D’autre part, il résulte de l’article 778 du code de procédure pénale (CPP) que le recours formé par une personne pour contester les mentions figurant dans son casier judicaire relève de la compétence du juge judiciaire. ...1) Le système d’information « ECRIS » ne constitue pas une base de données autonome dans laquelle seraient conservées les condamnations dont une personne a fait l’objet mais fonctionne comme une messagerie sécurisée permettant la transmission, entre les autorités compétentes des Etats membres, des informations contenues dans les casiers judiciaires nationaux. ...2) La transmission d’informations au moyen de ce système est ainsi indissociable de la fonction de gestion du casier judiciaire national. Par suite, les litiges qui s’y rapportent relèvent de la compétence du juge judiciaire.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2022, n° 465263
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:465263.20221222
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