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22/12/2022 | FRANCE | N°460585

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 22 décembre 2022, 460585


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les comités sociaux et économiques, respectivement, de la société anonyme Guadeloupe Pôle Caraïbes, de la société anonyme Aéroport Réunion Roland-Garros et de la société Aéroport Martinique Aimé-Césaire demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté leur demande, présentée le 23 septembre 2020, tendant à l'inscription de ces trois sociétés sur

la liste de l'article 4 du décret n° 87-948 du 26 novembre 1987 déterminant les établiss...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les comités sociaux et économiques, respectivement, de la société anonyme Guadeloupe Pôle Caraïbes, de la société anonyme Aéroport Réunion Roland-Garros et de la société Aéroport Martinique Aimé-Césaire demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté leur demande, présentée le 23 septembre 2020, tendant à l'inscription de ces trois sociétés sur la liste de l'article 4 du décret n° 87-948 du 26 novembre 1987 déterminant les établissements publics et entreprises publiques soumis aux dispositions concernant la participation de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés, ainsi que les conditions dans lesquelles les dispositions de cette ordonnance leur sont applicables ;

2°) d'enjoindre au ministre chargé des transports de procéder à cette modification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du comité social et économique de la société anonyme Guadeloupe Pôle Caraïbes et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 23 septembre 2020, les comités sociaux et économiques, respectivement, de la société Guadeloupe Pôle Caraïbes, de la société Aéroport Réunion Roland-Garros et de la société Aéroport Martinique Aimé-Césaire ont demandé au Premier ministre de rendre applicable à ces sociétés les dispositions des articles L. 3321-1 à L. 3326-2 du code du travail, relatifs à la participation des salariés aux résultats de leur entreprise, en procédant à l'inscription de ces trois sociétés sur la liste figurant à l'article 4 du décret du 26 novembre 1987 déterminant les établissements publics et entreprises publiques soumis aux dispositions concernant la participation de l'ordonnance du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés, ainsi que les conditions dans lesquelles les dispositions de cette ordonnance leur sont applicables. Ils demandent l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande.

Sur l'intervention :

2. L'Union nationale des syndicats autonomes Aérien Syndicat national des mécaniciens et des spécialistes de l'aviation civile, le syndicat CFDT commerce et services Réunion, qui contrairement à ce que soutient le ministre, dispose de la personnalité morale et de la capacité à ester en justice, M. A... D... et M. C... B..., respectivement salariés de la société Guadeloupe Pôle Caraïbes et de la société anonyme Aéroport Réunion Roland-Garros, justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Leur intervention est par suite recevable.

Sur le moyen soulevé :

3. Aux termes de l'article L. 3322-1 du code du travail : " la participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise. / Elle prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve spéciale de participation. " En vertu de l'article L. 3321-1 du code du travail, les règles figurant au titre II du livre III du code du travail, relatif à la participation aux résultats de l'entreprise, sont applicables aux employeurs de droit privé et à leurs salariés. Le deuxième alinéa du même article prévoit qu'" un décret en Conseil d'Etat détermine les établissements publics de l'Etat à caractère industriel et commercial et les sociétés, groupements ou personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dont plus de la moitié du capital est détenue directement par l'Etat, qui sont soumis aux [mêmes] dispositions. Ce décret fixe les conditions dans lesquelles ces dispositions leur sont applicables. ". Il résulte de ces dispositions que les établissements publics de l'Etat à caractère industriel et commercial et les personnes morales dont plus de la moitié du capital est détenue directement par l'Etat ne sont soumis aux règles relatives à la participation aux résultats de l'entreprise que lorsqu'ils sont désignés à cet effet par le décret en Conseil d'Etat prévu au deuxième alinéa de l'article L. 3321-1 du code du travail, lequel fixe la liste de ces établissements et définit certaines modalités d'application de la participation.

4. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

5. Le pouvoir réglementaire a soumis la société Aéroports de Paris aux dispositions du code du travail relatives à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise en l'inscrivant à l'article 4 du décret du 26 novembre 1987 précité, à la différence des sociétés Guadeloupe Pôle Caraïbes, Aéroport Réunion Roland-Garros et Aéroport Martinique Aimé-Césaire. Il ressort des pièces du dossier que ces trois sociétés, qui perçoivent des financements publics dans le cadre de leurs programmes d'investissement, contrairement à la société Aéroports de Paris, et qui sont soumises à des règles de détermination des tarifs de leurs redevances moins incitatives au développement des activités commerciales que celles applicables à la société Aéroports de Paris et à un environnement moins concurrentiel que celle-ci, se trouvent dans des situations différentes de celle de la société Aéroports de Paris quant à la réalisation de bénéfices susceptibles de donner lieu à la participation des salariés à leurs résultats, sans qu'ait d'incidence à cet égard le fait que l'ensemble de ces sociétés sont incluses dans le périmètre de l'Agence des participation de l'Etat et que l'Etat est représenté au sein de leur conseil de surveillance. La différence de traitement instaurée par le décret du 26 novembre 1987 précité entre ces sociétés est en rapport direct avec l'objet de ce décret et n'est pas manifestement disproportionnée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait le principe d'égalité.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense, que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSa) Aérien Syndicat national des mécaniciens et des spécialistes de l'aviation civile (SNMSAC), du syndicat CFDT Commerce et services Réunion, de M. A... D... et de M. C... B... est admise.

Article 2 : La requête du comité social et économique de la société anonyme Guadeloupe Pôle Caraïbes et autres est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au comité social et économique de la société anonyme Guadeloupe Pôle Caraïbes, premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à l'Union nationale des syndicats autonomes aérien-Syndicat national des mécaniciens et des spécialistes de l'aviation civile, première dénommée pour l'ensemble des intervenants.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Jérôme Marchand-Arvier, M. Yves Doutriaux, conseillers d'Etat ; Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 22 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Eric Buge

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 460585
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2022, n° 460585
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460585.20221222
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