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16/12/2022 | FRANCE | N°459047

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 16 décembre 2022, 459047


Vu la procédure suivante :

La société Scor SE a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1703820 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil lui a accordé le remboursement de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2007 ainsi que des intérêts et majorations correspondants et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n°

19VE03051 du 5 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a...

Vu la procédure suivante :

La société Scor SE a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1703820 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil lui a accordé le remboursement de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2007 ainsi que des intérêts et majorations correspondants et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 19VE03051 du 5 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Scor SE contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er décembre 2021 et 1er mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Scor SE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Scor SE ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Scor SE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2007 et 2008. À l'issue de celle-ci, l'administration fiscale a remis en cause, d'une part, la déduction, au titre de l'exercice clos en 2007, d'un abandon de créance consenti à sa filiale bermudienne, et, d'autre part, au titre de l'exercice clos en 2008, la déduction d'une subvention versée à sa filiale suisse, la société Scor Holding Switzerland AG (SHS), au motif que ces aides constituaient des actes anormaux de gestion. L'administration a par ailleurs considéré que ces aides étaient des revenus distribués au sens du c de l'article 111 du code général des impôts, et les a, par suite, soumises à la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du même code. La société Scor SE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 octobre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à obtenir le dégrèvement de la retenue à la source liée à la subvention consentie à sa filiale suisse, la société SHS, au titre de l'exercice clos en 2008.

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ". L'octroi d'un avantage sans contrepartie doit être qualifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des actionnaires de la société suisse Converium avaient engagé aux Etats-Unis en 2004 à l'encontre de cette société une action collective, se plaignant de ce que la société les avait induits en erreur sur la valeur réelle des actions en donnant sciemment des informations erronées sur l'état de ses provisions. La société Scor SE a acquis le 30 août 2007 la société Converium, devenue SHS. À la suite d'ordonnances des 6 et 19 mars 2008, le tribunal fédéral du district sud de New-York a jugé recevables les demandes formulées par les actionnaires résidents américains et les non-résidents ayant acquis des titres de la société Converium à la bourse de New-York, mais non recevables les demandes formulées par les actionnaires non-résidents ayant acquis des titres à la bourse de Zurich. Un protocole d'accord a été conclu le 6 mai 2008 entre la société SHS et l'ensemble des plaignants, aux termes duquel les parties s'engageaient à mettre un terme définitif à leur action contre le paiement, par la société SHS, d'un montant de 75 millions de dollars pour les actionnaires recevables et de 40 millions de dollars pour les actionnaires non recevables. La société Scor SE a versé à sa filiale SHS la somme de 30 585 390 euros en application d'un protocole transactionnel conclu le 30 juin 2008 entre les deux sociétés pour couvrir le coût de l'indemnisation versée par la société SHS aux actionnaires non recevables.

4. Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la subvention litigieuse a été enregistrée par la société Scor SE au compte 91100112 " Contribution Switzerland AG ", sous le libellé " contrib class action Switz " et que le document de référence de la société Scor SE pour l'année 2008, d'une part, présentait en détail les étapes du litige entre la société Converium devenue SHS et ses anciens actionnaires, notamment la conclusion du protocole du 6 mai 2008 mentionné au point 3 ci-dessus, pour lequel il était précisé qu'il couvrait également les actionnaires qui n'avaient pas été jugés recevables pour l'action de groupe, d'autre part, précisait que l'issue de l'un ou plusieurs de ces litiges " pourrait avoir un impact défavorable significatif sur la situation financière ou les résultats des opérations du Groupe ".

5. Par suite, en jugeant que le libellé et l'enregistrement comptable ne permettaient pas d'identifier la somme versée à la filiale SHS de sorte que la société Scor SE n'était pas fondée à contester le caractère occulte de l'avantage consenti, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que le versement litigieux avait été présenté par la société dans sa comptabilité d'une façon permettant d'identifier l'objet réel de la dépense et son bénéficiaire, la cour administrative d'appel de Versailles, à supposer même que la charge en cause aurait dû être enregistrée en charge exceptionnelle et non en charge par nature, a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Scor SE est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la société Scor SE est, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir le dégrèvement de la retenue à la source liée au versement réalisé au profit de la société SHS au titre de l'exercice clos en 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'ensemble de la procédure, la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 5 octobre 2021 et le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 27 juin 2019, en tant que ce jugement a rejeté la demande de la société Scor SE tendant à obtenir le dégrèvement de la retenue à la source liée au versement réalisé au profit de la société SHS au titre de l'exercice clos en 2008 ainsi que des pénalités correspondantes, sont annulés.

Article 2 : La société Scor SE est déchargée de la retenue à la source liée au versement réalisé au profit de la société SHS au titre de l'exercice clos en 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Scor SE la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Scor SE et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2022 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Guiard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 16 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Guiard

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 459047
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2022, n° 459047
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:459047.20221216
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