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16/12/2022 | FRANCE | N°455186

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 16 décembre 2022, 455186


Vu la procédure suivante :

Mme A... B..., M. C... de F... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 20 septembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Grasse a approuvé la résiliation amiable du bail emphytéotique conclu avec la société en nom collectif (SNC) Grasse-vacances et le versement à celle-ci de la somme de 1 700 000 euros à titre d'indemnité. Par un jugement n° 1604050 du 5 juillet 2019, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 19MA03238 du 7 juin 2021, la cour administrative d'appel d

e Marseille a rejeté l'appel formé par la SNC Grasse-vacances contre ce jug...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B..., M. C... de F... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 20 septembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Grasse a approuvé la résiliation amiable du bail emphytéotique conclu avec la société en nom collectif (SNC) Grasse-vacances et le versement à celle-ci de la somme de 1 700 000 euros à titre d'indemnité. Par un jugement n° 1604050 du 5 juillet 2019, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 19MA03238 du 7 juin 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SNC Grasse-vacances contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 août 2021 et le 28 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SNC Grasse-vacances demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme B..., de M. de F... et de M. E... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Grasse vacances et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. G... F... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par acte du 9 février 1966, la commune de Grasse (Alpes-maritimes) a conclu un bail qualifié d'emphytéotique d'une durée de soixante ans avec la société civile immobilière de Grasse-vacances, filiale de la Caisse des dépôts, devenue la SNC Grasse-vacances, sur un terrain situé au lieu-dit Clavary, avec obligation, mise à la charge de la société centrale immobilière de la Caisse des dépôts, d'y construire et exploiter un village de vacances. La SNC Grasse-vacances a fait part à la commune de son intention de trouver un accord pour mettre fin à ce contrat. Par une délibération du 20 septembre 2016, le conseil municipal de Grasse a autorisé son maire à résilier ce bail de manière anticipée en contrepartie du versement, à titre d'indemnité, de la somme de 1 700 000 euros à la SNC Grasse-vacances. Par un jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Nice, saisi par Mme B..., M. de F... et M. E..., a annulé cette délibération. La SNC Grasse-vacances se pourvoit contre l'arrêt du 7 juin 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. Les parties à un contrat conclu par une personne publique peuvent déterminer l'étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation amiable du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, l'allocation au cocontractant d'une indemnisation excédant le montant du préjudice qu'il a subi résultant du gain dont il a été privé ainsi que des dépenses qu'il a normalement exposées et qui n'ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat.

3. Par l'arrêt attaqué, la cour a jugé qu'en raison de l'obligation faite aux preneurs d'aménager et d'exploiter un village de vacances sur le site, le manque à gagner résultant de la résiliation anticipée du contrat du 9 février 1966 ne pouvait correspondre qu'à la perte du bénéfice qui pouvait être escompté de l'exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir. En refusant de tenir compte, pour déterminer si le montant de l'indemnité accordée par la commune au titre de la résiliation du contrat était excessif au regard du préjudice en résultant pour le cocontractant au titre du gain dont il a été privé, du prix qu'il pouvait tirer de la cession des droits qu'il tenait du bail, afin de retenir le plus élevé des deux montants correspondant soit au bénéfice escompté de l'exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir soit à la valeur des droits issus du bail, la cour a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que la SNC Grasse-vacances est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la SNC Grasse-vacances, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par M. F... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 juin 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SNC Grasse-vacances, à la commune de Grasse, à Mme A... B..., à M. C... de F... et à M. D... E....

Délibéré à l'issue de la séance du 30 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 16 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Mathieu Le Coq

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455186
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2022, n° 455186
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Le Coq
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455186.20221216
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