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13/12/2022 | FRANCE | N°458396

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 13 décembre 2022, 458396


Vu la procédure suivante :

Mme H... D..., agissant en son nom propre et en qualité de tutrice légale de Mme E... C..., sa fille, et M. F... G..., fils de A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin de Thau à les indemniser des préjudices ayant résulté de la prise en charge de Mme C... Par cet établissement hospitalier. Par un jugement n° 1903584 du 29 mars 2021, le tribunal administratif a condamné le CHI du bassin de Thau à verser à Mme D... la somme de 255 600 euros au titre des préjudice

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Vu la procédure suivante :

Mme H... D..., agissant en son nom propre et en qualité de tutrice légale de Mme E... C..., sa fille, et M. F... G..., fils de A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin de Thau à les indemniser des préjudices ayant résulté de la prise en charge de Mme C... Par cet établissement hospitalier. Par un jugement n° 1903584 du 29 mars 2021, le tribunal administratif a condamné le CHI du bassin de Thau à verser à Mme D... la somme de 255 600 euros au titre des préjudices de Mme C... et la somme de 6 000 euros au titre de son préjudice personnel, à verser à M. G... la somme de 3 600 euros et rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Par une ordonnance n° 21MA02041 du 15 septembre 2021, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme D... et M. G... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2021 et 11 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et M. G... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge du CHI du bassin de Thau la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme D... et de M. G... et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme E... C..., admise le 10 novembre 2009 au centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin de Thau, est dans un état neuro-végétatif permanent à la suite de sa tentative de suicide dans cet établissement. Mme H... D..., mère de Mme C..., désignée comme tutrice légale par un jugement du tribunal d'instance de Sète du 4 novembre 2010, agissant tant en cette qualité qu'en son nom propre, et M. F... G..., fils de A... C..., ont recherché la responsabilité du CHI devant le tribunal administratif de Montpellier. Par un jugement du 29 mars 2021, le tribunal administratif a jugé que le CHI du bassin de Thau a commis une faute ayant entraîné une perte de chance de 60 % d'éviter le dommage, et condamné cet établissement au versement d'une indemnité de 255 600 euros en réparation des préjudices de Mme C..., d'une indemnité de 6000 euros à Mme D... en réparation de son préjudice propre et d'une indemnité de 3600 euros à M. G.... Par une ordonnance du 15 septembre 2021, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme D... et M. G... contre ce jugement. Mme D... et M. G... se pourvoient en cassation contre cette ordonnance.

Sur l'indemnisation des pertes de revenu :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. Lorsque le tribunal administratif a été saisi de conclusions tendant à la réparation des préjudices de la victime et des préjudices subis par des ayants-droit, il y a lieu, pour appliquer cette règle, de distinguer le montant demandé par chacun des ayants-droit à titre personnel et le montant demandé au nom de la victime. Il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme D... a saisi le tribunal administratif de Montpellier, en sa qualité de tutrice légale de sa fille, d'une demande tendant à l'allocation d'une indemnité d'un montant global de 650 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge fautive de Mme C... Par le CHI du bassin de Thau. En première instance, le tribunal administratif lui a alloué à ce titre une indemnité de 225 600 euros. En appel, Mme D... a demandé, notamment, l'indemnisation du préjudice lié aux pertes de revenu subies par sa fille, à hauteur de 150 000 euros. En rejetant cette demande comme irrecevable au seul motif qu'elle était présentée pour la première fois en appel et que le préjudice correspondant aurait pu être évalué en première instance, alors, d'une part, que cette demande nouvelle se rattachait aux conséquences dommageables du même fait générateur que celui invoqué dans la demande de première instance, et, d'autre part, qu'elle demeurait dans la limite de l'indemnité globale demandée en première instance au titre des préjudices de Mme C..., l'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit.

Sur les autres préjudices :

4. En se bornant, pour rejeter comme manifestement infondée la requête d'appel tendant à la réévaluation de l'indemnisation accordée en première instance, à rechercher si l'évaluation des préjudices qui avait été effectuée par le tribunal administratif était manifestement erronée, alors qu'il lui appartenait au contraire de vérifier si elle était suffisante au regard de l'ampleur des préjudices telle qu'elle ressortait des pièces du dossier, l'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit. Au surplus, en rejetant la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément subi par Mme C..., alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que celle-ci, placée à partir de l'âge de 44 ans dans un état neuro-végétatif irréversible en l'état actuel des connaissance scientifiques et correspondant à un déficit fonctionnel permanent de 95 %, devait être regardée comme subissant un important préjudice d'agrément et que la circonstance qu'un patient se trouve placé dans un état végétatif chronique ne conduit, par elle-même, à exclure aucun chef d'indemnisation ni ne fait obstacle à ce que le préjudice subi par la victime soit réparé en tous ses éléments, il a également entaché son appréciation de dénaturation.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. G... sont fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHI du bassin de Thau une somme de 3000 euros à verser à Mme D... et M. G... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 15 septembre 2021 du président de la 2e chambre de la cour administrative d'appel de Marseille est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal du Bassin de Thau versera à Mme D... et M. G... une somme de 3000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme H... G..., première requérante dénommée et au centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 novembre 2022 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 13 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 458396
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2022, n° 458396
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Flavie Le Tallec
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458396.20221213
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