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12/12/2022 | FRANCE | N°441063

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 12 décembre 2022, 441063


Vu la procédure suivante :

La société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la restitution des retenues à la source dont elle s'est acquittée au titre des mois de janvier 2013, mai 2013 et novembre 2014. Par un jugement n° 1502262 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NC02793 du 27 février 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société APBP contre ce jugement.

Par un pourv

oi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les...

Vu la procédure suivante :

La société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la restitution des retenues à la source dont elle s'est acquittée au titre des mois de janvier 2013, mai 2013 et novembre 2014. Par un jugement n° 1502262 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NC02793 du 27 février 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société APBP contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juin et 15 décembre 2020 et le 17 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société APBP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied (apbp) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) édite et diffuse en France les œuvres d'artistes handicapés peignant de la bouche ou du pied, regroupés au sein de la " Vereinigung der MundundFussmalendenKünstler in aller Welt " (VDMFK), association dont le siège est au Liechtenstein. La société APBP s'est acquittée au titre des mois de janvier 2013, mai 2013 et novembre 2014 de la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts sur le montant des sommes qu'elle a versées à l'association VDMFK en contrepartie de ces droits de reproduction. Par un jugement du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société APBP tendant à la restitution des sommes dont elle s'est ainsi acquittée. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 février 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ". Enfin, l'article R. 613-3 de ce code dispose que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".

3. Dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société requérante a produit un mémoire le 25 janvier 2020, soit postérieurement à la date de clôture de l'instruction fixée par ordonnance au 13 avril 2019. Si ce mémoire mentionnait une décision du Conseil d'Etat du 22 novembre 2019, celle-ci ne constituait pas une circonstance de droit nouvelle justifiant la réouverture de l'instruction dès lors que cette décision se bornait à faire application, quand bien même pour la première fois, d'une jurisprudence bien établie de la Cour de justice de l'Union européenne dont la société elle-même se prévalait devant les juges du fond. Par ailleurs, l'attestation produite à l'appui de ce mémoire ne pouvait être regardée comme un élément de fait dont la société n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. Dans ces conditions, en se bornant à mentionner le mémoire litigieux dans les visas de l'arrêt attaqué sans rouvrir l'instruction, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité.

5. En second lieu, aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : (...) ; b. Les produits définis à l'article 92 et perçus par les inventeurs ou au titre de droits d'auteur (...) ainsi que tous produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés (...) ; c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires des articles 6 et 10 de la loi du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d'imposition des Français de l'étranger ainsi que des autres personnes non domiciliées en France, dont elles sont issues, d'une part, que les produits mentionnés au b au titre des droits d'auteur sont l'ensemble de ceux que les auteurs d'œuvres de l'esprit ou leurs ayants droit tirent des droits patrimoniaux attachés à ces œuvres et, d'autre part, que ne sont au nombre des sommes mentionnées au c que celles qui ne relèvent pas des autres catégories de revenus mentionnés à cet article.

6. En jugeant que les sommes versées par la société APBP à l'association VDMK dont le siège est au Liechtenstein, en contrepartie des droits de reproduction des œuvres d'artistes qui en étaient membres, étaient soumises à la retenue à la source en vertu du b de l'article 182 B du code général des impôts, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, n'a commis aucune erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 12 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 441063
Date de la décision : 12/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2022, n° 441063
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mazauric
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:441063.20221212
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